Des urnes décisives pour la France... et pour l'Europe

<p>Se celebrarán elecciones parlamentarias rápidas en Francia el 30 de junio y el 7 de julio de 2024 tras la disolución de la Asamblea Nacional por parte del presidente francés tras la debacle electoral de los comicios europeos - AFP/LUDOVIC MARIN&nbsp;</p>
Des élections législatives anticipées auront lieu en France les 30 juin et 7 juillet 2024 suite à la dissolution de l'Assemblée nationale par le président français après la débâcle électorale aux élections européennes - AFP/LUDOVIC MARIN
Rassemblement national (RN) ou Nouveau front populaire (NFP). Ce sont les deux extrêmes de l'échiquier politique qui se disputeront le premier tour des élections législatives en France le dimanche 30 juin. Le président de la République a décidé de l'organiser trois ans à l'avance, dans le feu de l'action, au moment du dépouillement des votes des récentes élections au Parlement européen, un scrutin qui allait finalement se solder par une victoire écrasante du RN et une défaite majeure des candidats centristes de ce qu'il est convenu d'appeler le macronisme. 

Emmanuel Macron, qui a tenté de s'ériger en leader de l'Europe depuis le départ du pouvoir de l'Allemande Angela Merkel, risque désormais de devenir également un président minimisé. Dotée d'importantes prérogatives par la Constitution de 1958, conçue exclusivement pour que le général de Gaulle sorte le pays de l'ingouvernabilité de la IVe République, la loi fondamentale reste en vigueur, exploitée à fond par tous ceux qui se sont succédé dans les salons de l'Élysée, certains avec des avantages notables, au point que les chefs d'État de cette Ve République en sont venus à être qualifiés de "monarques républicains". 

Cette fois-ci, le président a pensé à "faire un Sanchez", c'est-à-dire à convoquer immédiatement de nouvelles élections différentes pour soi-disant prendre au dépourvu les partis épuisés par la campagne électorale qui vient de s'achever, et pour dissimuler par la même occasion son propre désastre lors de ces élections. 

Ce que Macron semble avoir accompli a priori, c'est d'accentuer la polarisation du pays, qui se fracture à nouveau entre l'extrême droite du RN et l'extrême gauche du NFP. Si le premier a réussi à "meloniser" son credo, c'est-à-dire à édulcorer son programme politique, comme l'a déjà fait la chef du gouvernement italien, Giorgia Meloni, le second s'est rapidement constitué autour de l'ultra-gauche de La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon. Elle n'a plus grand-chose à voir avec le Front populaire de 1936, avec à sa tête le leader socialiste de l'époque, Léon Blum, qui avait instauré la journée de travail de huit heures et les congés payés. 

Aujourd'hui rebaptisé Nouveau Front Populaire, et regroupant les restes du Parti communiste (PCF), du défunt Parti socialiste (PSF) et du violent Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), il incarne dans une large mesure les politiques les plus rances qui ont échoué, mais qui jouissent encore en France d'une certaine crédibilité. Cette crédibilité n'est plus accordée par la classe ouvrière âgée et désenchantée, ni par les jeunes qui désespèrent des slogans et des mots d'ordre qui sentent la naphtaline, et qui sont déjà la principale source de voix du RN. C'est pourquoi le NFP fait de plus en plus reposer sa propre survie politique sur l'antisémitisme, sur l'absence de censure face à la montée du djihadisme et, à ne pas manquer, sur davantage de subventions et de pots-de-vin financés - bien sûr - par de nouveaux allègements fiscaux "pour les riches". La France est en tête de l'Europe en termes de pression fiscale et de dépenses publiques, avec pas moins de 57 %. Une prodigalité qui n'a pas empêché la dégradation accélérée des services publics, en particulier de l'éducation et de la santé, les deux domaines qui sont toujours utilisés pour justifier une pression fiscale étouffante. 

Au prix d'un grave bouleversement interne, Les Républicains (LR), c'est-à-dire le parti héritier du gaullisme, de Chirac à Sarkozy, ont conclu un pacte électoral avec le RN de Marine Le Pen. C'est son président, Ëric Ciotti, qui a gagné en justice contre la tentative d'éviction de la direction de son propre parti, qui a négocié cette alliance, afin que la droite puisse non seulement faire contrepoids au bloc hétéroclite de la gauche, mais aussi, en cas de victoire et de formation d'un gouvernement, tempérer les velléités dépensières du RN. 

Comme l'a dit Bill Clinton, "it's the economy, stupid", et dans ce domaine, tant le premier ministre présumé en cas de victoire du RN, Jordan Bardella, que l'un de ceux qui dirigent le NFP, Jean-Luc Mélenchon, le socialiste Raphaël Glucksmann et même l'ancien président François Hollande, qui a pris le train en marche à la dernière minute, proposent tous des programmes économiques inabordables. Ceux qui se donnent la peine de chiffrer le coût de chacune des promesses ne cessent de clamer les absurdités que les candidats profèrent à chaque fois qu'ils ouvrent la bouche pour promettre une forte augmentation du salaire minimum, la suppression de l'âge de la retraite à 64 ans et son retour à 60 ans, ou encore la réduction de la contribution de la France au budget de l'Union européenne. La France, avec un déficit public de 340 milliards d'euros et une dette qui atteint près de 3 000 milliards d'euros (dont 1 000 milliards sous Macron), est plus susceptible de mettre en œuvre une certaine austérité que de continuer à promettre des pluies diluviennes d'argent.

Comme on pouvait s'y attendre, ces promesses effraient les entrepreneurs et les investisseurs. Ces derniers ont freiné leurs projets d'investissement et d'expansion de leurs industries, tandis que les premiers ont évalué sans relâche les délocalisations personnelles et patrimoniales. Selon Patrick Martin, leader du patronat, "le retour potentiel d'une fiscalité punitive, si caractéristique de la France, conduirait inévitablement à une nouvelle dégradation de nos finances publiques et à des hausses d'impôts pour les ménages et les entreprises". 

Emmanuel Macron, l'homme qui voulait s'ériger en leader européen, pourrait devenir un "canard boiteux" de la politique française. S'il doit accepter une cohabitation avec un premier ministre et un gouvernement autres que son propre parti ou mouvement politique, sa force dépendra en grande partie du nombre de députés sur les 577 que compte l'Assemblée nationale française qui siègent sous le sigle de sa Renaissance. Les sondages ne lui donnent pas plus de 22%, bien en deçà des 29% qu'obtiendrait le NFP ou des 35% de l'union RN-LR. Ceci pour ce premier tour, car pour le second tour, qui aura lieu le dimanche 7 juillet, il ne restera plus que deux candidats par circonscription en lice (si personne n'a obtenu la moitié plus un au premier tour). Et, bien que cela augmente l'incertitude, il pourrait y avoir une grande majorité de batailles directes entre la droite et la gauche, avec une réduction substantielle ou la disparition du centrisme libéral macroniste. 

Il est d'ailleurs symptomatique que cette dernière semaine de campagne électorale ait déclenché des alarmes sur une flambée de violence dans le pays. Ce sont précisément les ministres du gouvernement Macron qui multiplient les déclarations apocalyptiques, prédisant que le coupable d'une telle flambée serait l'extrême droite du RN. Pas une seule mention du NFP, ni même des dernières attaques et agressions antisémites perpétrées dans le pays. C'est peut-être la meilleure preuve que Macron craint davantage le RN pour son siège présidentiel que le NFP.  

Il va sans dire que les élections françaises ne seront pas seulement décisives pour la France, mais aussi pour l'Europe dans son ensemble. Son déclin évident n'est pas une bonne nouvelle, pas plus que ne le serait une victoire écrasante de l'un ou l'autre des deux extrêmes. Ce serait un message dévastateur pour une Europe qui, malgré ses nombreuses lacunes, erreurs et défaillances, aspire toujours à jouer un rôle sur la scène internationale et qui, pour ce faire, a plus que jamais besoin de maintenir une unité de conviction et d'action face aux menaces qui pèsent sur elle.