Avis

L'Équateur remporte la première bataille de la démocratie climatique

PHOTO/ARCHIVO - Guillermo Lasso, presidente de Ecuador
photo_camera PHOTO/FILE - Guillermo Lasso, président de l'Équateur

Alors que l'attention des politiques et des médias s'est concentrée sur les élections présidentielles équatoriennes, qui ont donné lieu à un second tour entre Luisa González, candidate de Correa, et l'homme d'affaires Álvaro Noboa, une grande nouvelle, non seulement pour le pays, mais aussi pour la planète tout entière, est restée dans l'ombre. Il s'agissait du premier référendum, organisé en même temps que les élections, par lequel les Équatoriens ont décidé de poursuivre ou d'arrêter l'exploitation des gisements de pétrole dans la réserve amazonienne de Yasuni. La consultation portait plus particulièrement sur le bloc 43, qui comprend les zones d'Ishpingo, de Tambococha et de Tiputini, où l'entreprise Petroecuador a extrait jusqu'à présent 12 % des 500 000 barils de pétrole brut par jour produits par l'Équateur, ce qui représente 10 % du PIB du pays qui donne son nom au parallèle zéro de la planète.

Or, 59% des Equatoriens consultés sur la question ont voté pour la préservation du million d'hectares de forêt primaire, c'est-à-dire pour que le pétrole continue à dormir tranquillement dans le sous-sol, préservant ainsi cette réserve de biodiversité unique, déclarée comme telle par l'Unesco. La victoire des défenseurs de la nature est d'autant plus précieuse qu'elle a nécessité une décision favorable de la Cour suprême du pays, contre le gouvernement de l'actuel président en exercice Guillermo Lasso, qui avait choisi de doubler la production de pétrole du pays. Le résultat du référendum, auquel Petroecuador s'est immédiatement conformé, entraînera, selon le gouvernement, des pertes financières de 16,5 milliards de dollars, qui augmenteront si l'initiative est étendue aux autres zones d'extraction.  

La question sera inévitablement à l'ordre du jour des candidats à la présidence le 22 octobre prochain. L'Équateur est un pays producteur de pétrole, dont les infrastructures d'extraction et de transport, du nord-est de l'Amazonie aux ports du Pacifique, ponctuent la jungle d'oléoducs, de trains-citernes et de stations de pompage, détruisant l'habitat de nombreuses espèces.  

La jubilation manifestée par les organisations faîtières indigènes Confeniae et Conaie face au résultat du référendum est un avertissement : elles utiliseront ce premier "triomphe démocratique de la lutte climatique" pour rétablir l'équilibre des valeurs. Yasunidos, le groupe qui a promu le référendum, ainsi que Amazon Frontlines et Alianza Ceibo, ont signé un communiqué dans lequel ils expriment que "le résultat de la consultation protège de manière permanente l'un des endroits les plus riches en biodiversité de la planète, tout en représentant une grande victoire pour les peuples indigènes pour la préservation de leurs droits, la conservation de la forêt tropicale et la lutte contre le changement climatique".  

Une consultation populaire similaire a également eu lieu dans le Choco andin, où les habitants ont également voté pour mettre fin aux opérations minières qui affectent six villages autour de la capitale du pays, Quito. En effet, la zone, qui couvre 287 000 hectares de forêt, est connue comme le poumon de Quito, abritant la riche biodiversité de l'ours des Andes. Dans ce cas, 68% des électeurs ont voté pour la fermeture des gisements et la fermeture des mines.  

Nul n'ignore que le plus dur reste à faire : faire respecter ce qui a été convenu de manière scrupuleusement démocratique dans un pays secoué par une tragique vague de violence. Quel que soit le vainqueur de la présidence, le pro-Correa (variante du chavisme) González ou le conservateur Noboa, il ne sera pas facile de faire respecter la démocratie alors que le narcoterrorisme a infiltré une grande partie, voire la totalité, des institutions du pays. Quoi qu'il en soit, notons que l'Équateur, du haut de sa modestie, a été le premier à gagner la première bataille démocratique pour contrer l'urgence climatique de la planète. Dans ce cas, faire régner la loi de la jungle (amazonienne) serait un grand exploit face à la jungle que la corruption issue du trafic de drogue est en train de transformer le cher continent ibéro-américain.