Le réveil de Macron face à une Europe qui pourrait mourir

El presidente francés Emmanuel Macron - AFP/YOAN VALAT
El presidente francés Emmanuel Macron - AFP/YOAN VALAT
Le président français Emmanuel Macron, qui a donné le coup d'envoi des élections européennes, s'est posé en leader d'une Union européenne qui, selon lui, pourrait mourir si elle ne prenait pas rapidement les bonnes décisions.  

Macron a choisi un cadre majestueux, à la hauteur de l'importance qu'il voulait donner à son message, l'impressionnant amphithéâtre de la Sorbonne, avec le drapeau français sur le pupitre et une immense banderole derrière lui, sur laquelle il a inscrit deux des points clés de son discours : une Europe de la puissance et une Europe qui contrôle ses frontières.  

Il a prononcé pendant près de deux heures un discours dense, dans lequel il a fait preuve d'une grande maîtrise des langues, utilisant non seulement le français, mais aussi l'espagnol, l'anglais, l'allemand et le polonais. S'il a reconnu que beaucoup avait été fait, notamment la lutte collective contre la pandémie et la réponse à l'agression russe en Ukraine, Macron a admis que certains efforts n'avaient pas été couronnés de succès. Tel est le préambule d'un programme qui, bien que taxé d'électoralisme par les partisans de Marine Le Pen, largement en tête des sondages, constitue un véritable catalogue de mesures incontournables si l'Europe ne veut pas sombrer dans l'insignifiance.  

Les trois principaux domaines dans lesquels Macron demande à l'UE de se décider à agir de manière décisive sont la défense, l'économie et la culture, qui constituent selon lui les fondations sur lesquelles repose l'avenir du conglomérat européen, et qui détermineront sa viabilité et la place finale qu'il occupera dans le nouvel ordre qui, qu'on le veuille ou non, est en train de se mettre en place.  

Le président français veut une Europe qui compte comme une véritable puissance en matière de défense, "qui se fasse respecter, garantisse sa sécurité et assure son autonomie stratégique". À cette fin, il présentera aux autres dirigeants ce qu'il appelle "une initiative européenne de défense", qui pourrait inclure un bouclier antimissile à l'échelle du continent. Des systèmes et des armements qui nécessiteront suffisamment d'investissements et de volonté politique pour constituer une véritable industrie européenne de la défense, qui devrait être "privilégiée" par rapport à la dépendance actuelle à l'égard des fabricants et fournisseurs américains. Cette Europe puissante doit faire face au principal danger, qui pour Macron est évidemment la guerre en Ukraine, qu'il faut défendre car notre propre sécurité est en jeu.  

L'autonomie stratégique signifie également, selon le chef de l'État français, que l'Europe doit "retrouver le contrôle et la maîtrise de ses frontières, une question pour laquelle il propose une structure politique qui s'occupe de l'immigration, de la sécurité et de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. L'absence de contrôle ou de coordination dans ces domaines déjà meurtriers constituerait une menace encore plus grande pour une Europe que beaucoup considèrent comme une forteresse à affaiblir et à assaillir.  

Macron aspire à une Europe qui sera un leader mondial d'ici 2030 en termes d'économie et de commerce, mais cela nécessite davantage d'investissements et d'actions communes dans les "cinq secteurs stratégiques du futur" : l'intelligence artificielle, l'informatique quantique, l'espace, la biotechnologie et les nouvelles énergies telles que l'hydrogène, les réacteurs modulaires et la fusion nucléaire. Dans le même temps, il appelle à une révision de la politique commerciale européenne, étant donné que "ni la Chine ni les États-Unis ne respectent les règles du commerce [mondial] telles qu'elles ont été écrites il y a quinze ans".  

En outre, Macron préconise d'inclure dans la liste des missions de la Banque centrale européenne "un objectif de croissance, incluant la décarbonisation", ce qui nécessitera de doubler la capacité d'investissement financier de l'UE.  

Non moins importante est sa proposition d'abaisser l'âge de la majorité dans l'UE à 15 ans, tout en renforçant le contrôle parental des enfants de moins de 15 ans sur l'accès aux réseaux sociaux, ce qu'il justifie en disant que si "nous interdisons les manifestations racistes et antisémites et les discours de haine, nous devons aussi le faire dans l'espace numérique, où la présomption d'anonymat conduit précisément à la désinhibition et à la haine".  

Et, sur la question culturelle, Emmanuel Macron plaide pour que l'Europe de demain s'enracine dans l'humanisme, matrice qui a donné naissance à tous les principes essentiels des libertés individuelles et collectives, bref, de la vie démocratique. Il définit cet "humanisme européen comme celui qui défend une certaine idée de l'homme, qui le place avant tout comme un individu libre, rationnel et éclairé".  

Pour donner raison à ceux qui l'accuseraient de faire de l'électoralisme, le président français a conclu son discours de près de deux heures en accusant les nationalistes de "vouloir habiter et rester dans l'édifice européen, mais sans en payer le loyer ni en respecter les règles de copropriété", tout en défendant la permanence et le renforcement de la conditionnalité des aides européennes pour que les bénéficiaires respectent l'Etat de droit.   

La campagne pour les élections européennes a commencé, et les candidats des autres pays ne pourront pas éviter les questions clés soulevées par Macron. En tout état de cause, le débat devrait être un signal d'alarme pour une Union européenne en retard dans de nombreux domaines importants.