Saied limoge son Premier ministre, se présente à la réélection et empêche la concurrence d'autres candidats

La semaine a été riche en événements qui favorisent cette interprétation. Le chef de l'Etat tunisien a limogé le Premier ministre Ahmed Hachani dans la nuit de mercredi à jeudi, sans aucune explication de la part de ses services de communication. Dans le domaine de la pure conjecture, l'hypothèse est que Saied était mécontent de son chef de gouvernement pour avoir diffusé le soir même deux vidéos dans lesquelles il expliquait les mesures prises pour lutter contre la grave sécheresse qui sévit dans le pays et la situation difficile des transports publics, respectivement. Ce limogeage brutal et sans explication a été suivi de la nomination immédiate de Kamel Madouri, jusqu'alors ministre des Affaires sociales, poste qu'il occupait depuis à peine trois mois, ayant remplacé en mai Malek Zahi, limogé en même temps que le ministre de l'Intérieur, Kamel Feki. Comme dans le cas de Hachani, Zahi et Feki, alors limogés, ont été jugés "inopérants" face à l'agitation sociale et aux protestations croissantes, dues à la fois à la détérioration des économies nationales et à la disparition progressive de toutes les libertés et de tous les droits obtenus lors de la révolte qui a déclenché les soi-disant "printemps arabes", qui ont tous échoué et ont été relégués dans les poubelles de l'histoire.
Kais Saied a également annoncé cette semaine qu'il se présenterait aux élections présidentielles prévues pour le 6 octobre. Démocratiquement élu il y a cinq ans, Kais Saied a opéré un revirement radical en juillet 2021, en limogeant le premier ministre de l'époque, en suspendant le parlement, qu'il dissoudra par la suite, et en s'arrogeant tous les pouvoirs. Pour ce faire, il modifie la Constitution, qui lui confère alors des pouvoirs absolus, tout en établissant une nouvelle chambre législative aux pouvoirs et attributions très limités.
L'intention de Kais Saied de briguer un nouveau mandat présidentiel étant connue, plusieurs candidats ont tenté de faire de même, mais leur candidature a été bloquée par de prétendues irrégularités administratives ou judiciaires.
En début de semaine, deux candidats potentiels ayant de sérieuses chances de recueillir un grand nombre de voix ont décidé de démissionner : l'éditeur et propriétaire de médias Nizar Chaari et l'amiral de réserve Kamel Akrout. Le premier a vu plusieurs de ses proches collaborateurs arrêtés par la police pour avoir tenté de corrompre des fonctionnaires afin d'obtenir les soutiens électoraux nécessaires. Quant au marin Akrout, il s'est vu refuser un casier judiciaire, l'équivalent d'un casier judiciaire vierge, indispensable pour qu'il puisse se porter candidat.
Autre personnalité très populaire dans le pays, le rappeur et multimillionnaire Karim Gharbi, plus connu sous le pseudonyme de K2Rhym, n'a pas officialisé sa candidature, car au moment où il s'apprêtait à le faire, il a fait l'objet d'une enquête judiciaire, accusé lui aussi d'avoir tenté d'acheter des parrainages. En effet, quatre femmes qui auraient travaillé pour lui dans cette tâche ont été arrêtées et inculpées de ce délit.
Enfin, la seule femme qui aurait pu menacer la victoire électorale de Saied, la présidente du Parti Destourien Libre (PDL), Abir Moussi, a été condamnée à deux ans de prison pour avoir enfreint les dispositions du décret de Saied lui-même sur la diffusion de fausses nouvelles. Abir Moussi revendique l'héritage du père de la nation, Habib Bourguiba, et du dictateur déchu Ben Ali, mais sa condamnation l'empêchera de se présenter aux élections, le régime Saied exigeant qu'elle présente un casier judiciaire vierge.
Le président affirme que "la loi s'applique à tous de la même manière" et nie l'existence de persécutions politiques. Cependant, un rapport d'Amnesty International, rédigé après une visite de quatre jours dans le pays par sa secrétaire générale, Agnés Callamard, fait état d'une "répression sévère, aggravée par des arrestations arbitraires d'opposants politiques, ainsi que par toutes sortes de restrictions et de perquisitions à l'encontre de ceux qui ont exprimé leur intention de se présenter aux élections, et d'une surveillance obsessionnelle des journalistes".