Canulars, désinformation et haine

« Le ministre de la Propagande », bien plus qu'un biopic de Joseph Goebbels, montre les techniques efficaces qui ont permis la montée spectaculaire du nazisme et les plus grands crimes contre l'humanité 
Representación de soldados nazis – PHOTO/PIXABAY
Représentation de soldats nazis - PHOTO/PIXABAY

Entre 1933 et 1945, l'Allemagne, l'Europe et pratiquement le monde entier ont été entraînés dans l'immense tragédie d'un holocauste et d'une guerre planétaire. 

Et bien que de nombreux livres aient été écrits et que le cinéma n'ait cessé de nous montrer presque toutes les facettes de ces événements au cours des quatre-vingts dernières années, il y a encore de la place pour une autre vision. 

« Le ministre de la Propagande » sort aujourd'hui en Espagne, un titre plus succinct que l'original, « Führer und Verführer » (Chef et trompeur) ou que la version anglaise, « Führer and Seducer » (Chef et séducteur), qui est moins emphatique et plus douce. 

Quoi qu'il en soit, le réalisateur et scénariste Joachim A. Lang compose un film terrifiant mais fascinant, puissant, brutalement efficace et controversé, dans lequel il tente de trouver des réponses à la grande question que les victimes de cette horreur et les historiens se sont toujours posée : comment les auteurs ont-ils pu commettre leurs crimes et pourquoi la majorité des Allemands ont-ils suivi Adolf Hitler dans cette catastrophe ? 

Non moins évidente car prévue, la réponse expliquée et développée dans le film est que cela n'aurait pas été possible sans la puissante et écrasante machine de propagande dirigée par Joseph Goebbels. Le ministre a façonné l'image publique du nazisme, une image qui continue d'exercer une influence destructrice jusqu'à aujourd'hui. Goebbels a insidieusement et efficacement transformé les nouvelles en mensonges, les scénarios de films en films de haine antisémite, les documents en faux et les discours en diatribes contre l'ennemi désigné par le chef nazi déifié. 

Il est impossible de regarder le film sans céder à la tentation de comparer cette époque avec le présent, sans remarquer les nombreuses similitudes, sans situer les deux époques comme des périodes où les « fake news » et la désinformation utilisent les mêmes mécanismes de propagande pour gagner du pouvoir.  

Il est évident que la brutalité brute de l'époque, bien reflétée dans le film, a cédé la place à des développements plus sophistiqués et apparemment moins violents, bien que le centre nerveux de ces techniques et les techniques actuelles aient le même objectif : la destruction de l'adversaire devenu ennemi. 

Le film révèle crûment la capacité de l'être humain à se transformer en prédateur implacable de ses semblables, même s'il se lave la conscience en dépouillant d'abord la cible de sa condition humaine. 

On notera également dans le scénario l'évolution du message nazi, qui passe d'un désir de paix pendant les cinq premières années du régime à la manipulation du peuple allemand avec un grand pouvoir de séduction, jusqu'à le convaincre fermement de « l'impérieuse nécessité d'éradiquer les Juifs de la surface de la Terre » et de la « guerre totale ».  

La maîtrise du ministre de la Propagande est particulièrement évidente dans le discours historique où il enflamme un peuple dont le moral a subi l'énorme choc de la grande défaite de Stalingrad.  

Robert Stadlober, qui interprète Goebbels, livre une superbe performance, bien épaulé par Franziska Weisz dans le rôle de sa femme Magda, qu'Adolf Hitler, interprété par l'acteur Fritz Karl, a officieusement nommée Première Dame du régime. 

Joachim A. Lang intercale habilement et avec précision tous ces personnages avec des extraits des documentaires originaux, ce qui contribue à maintenir la tension dans ce drame historique accompli de deux heures.