Le khanat du Karabakh, un livre pour la paix

L'Azerbaïdjan a remporté la dernière guerre contre l'Arménie au sujet de l'enclave du Haut-Karabakh, mais après la médiation de la Russie et la garde par ses troupes du territoire contesté, la communauté internationale n'a toujours pas trouvé de solution définitive aux revendications de Bakou et d'Erevan sur une enclave où vivent encore 120 000 Arméniens.
C'est dans ce contexte qu'a été présenté à la Bibliothèque nationale d'Espagne un ouvrage unique en son genre : Le khanat du Karabakh. Profil historique et culturel. Le volume, publié simultanément en anglais, français, arabe, espagnol et italien, a été compilé par un grand groupe de chercheurs. Il s'agit d'un atlas-catalogue d'images uniques de pièces du patrimoine culturel du Karabakh, qui sont conservées au Musée national de Géorgie, à Tbilissi, la capitale.

Elshad Huseyn Iskandarov, ambassadeur itinérant d'Azerbaïdjan, explique à Atalayar l'importance de la publication, de la présentation et de la diffusion de ce livre pour son pays.
- Alors que de nombreux musées européens et nord-américains reçoivent des demandes de restitution de certaines œuvres à leur pays d'origine, nous faisons l'inverse. Nous sommes très fiers qu'un pays voisin, en l'occurrence la Géorgie, ait réussi à préserver des centaines d'objets déposés dans son musée national. C'est la Société géographique impériale russe qui l'a fondé en 1852, et de nombreux objets azerbaïdjanais y ont été transférés, ce qui prouve aujourd'hui l'existence d'une identité historique, culturelle et nationale de l'Azerbaïdjan sur ce territoire.

- Les relations entre l'Azerbaïdjan et la Géorgie sont très différentes de celles que vous entretenez avec l'Arménie !
- C'est précisément ce modèle de coopération entre un Azerbaïdjan majoritairement musulman et une Géorgie chrétienne que nous aimerions avoir non seulement avec l'Arménie, mais aussi avec l'ensemble du Caucase, une région dont la stabilité est essentielle à la paix, tant pour nous que pour l'Europe, l'Asie centrale et le Moyen-Orient.
- Qu'en est-il de la Russie ?
- Sa situation est compliquée. Nous ne pouvons pas nous prononcer en tant que diplomates sur ce qui se passe en Ukraine, mais cette guerre a déjà un impact énorme sur le Caucase, empêchant non seulement de progresser vers des solutions tangibles concernant la reconnaissance de notre souveraineté, mais aussi de ralentir les nombreux projets de développement économique de la région.

- Ce livre est-il suffisamment important pour que vous participiez à sa présentation dans les capitales européennes successives ?
- Il l'est, et il devrait l'être pour tous les pays qui composent l'Union européenne, notamment parce que les racines de leur civilisation se trouvent dans le Caucase. D'ailleurs, chrétiens, musulmans et juifs vivaient en harmonie en Azerbaïdjan plus d'un siècle avant que les Russes ne viennent nous intégrer à leur empire.
- Une grande partie de l'opinion publique européenne pense que l'Azerbaïdjan assiège et étouffe la population arménienne qui a été encerclée dans l'enclave contestée.
- Comme le montre ce livre, écrit par des universitaires géorgiens, le khanat du Karabakh appartenait à l'éphémère "Grande Arménie", mais faisait en fait partie de l'Albanie caucasienne, l'un des plus anciens royaumes chrétiens, comme en témoignent les églises albanaises de Kish, Khudaveng, Gandzasar, Gyurmuk, Lakit, Gum, Avey ou Jotar. Beaucoup d'entre elles ont disparu ou sont en ruines, et maintenant que nous avons libéré ce territoire, nous allons entreprendre un gigantesque travail de reconstruction. Le patrimoine de l'Azerbaïdjan n'est pas seulement musulman, mais aussi celui de toutes les civilisations qui y ont vécu, de sorte que le patrimoine musulman est autant le nôtre, et donc celui du monde entier, que le patrimoine chrétien ou juif qui existe dans notre pays. C'est pourquoi je pense que l'Union européenne en général, et l'Espagne en particulier, devraient s'impliquer davantage dans la préservation d'un patrimoine culturel qui est, après tout, une partie fondamentale de ses racines.

- Lors de la présentation du livre, l'accent a été mis sur la réhabilitation de Shushá.
- C'est déjà ce que l'on pourrait appeler une cité-jardin. Mais peu de gens savent peut-être que c'est dans cette capitale du Karabakh, fondée en 1752 par Panahali Khan, le premier souverain du khanat du Karabakh, qu'a été construit le premier opéra du monde musulman et qu'ont débuté les premières représentations théâtrales dans le monde islamique. Des représentations qui ne dédaignaient pas le mythe de Prométhée, un titan qui se prenait pour un dieu, vivait dans les montagnes du Caucase et, puni par Zeus, en paya le prix fort. Bref, c'est un centre où s'est forgée une tradition historique de poésie, de musique et d'art, que nous voulons réaffirmer pour que ceux qui souhaitent nous rendre visite et retrouver au moins une partie de leurs propres racines puissent se l'"approprier".