Erdogan introduit la livre turque dans les régions de Syrie sous son contrôle pour accroître son influence
La Turquie veut étendre son influence sur les régions de la Syrie qui sont déjà sous son contrôle militaire. Elle essaie maintenant de le faire du point de vue économique, en introduisant sa monnaie dans les enclaves du nord occupées par l'armée. L'objectif est de consolider la monnaie syrienne, la livre, avant que les nouvelles sanctions américaines prévues par le Caesar Act ne soient appliquées contre le président Bachar al-Assad, selon la version en ligne du quotidien Arab News. Depuis le début de ce mois, les billets turcs sont mis en circulation par les succursales locales du service postal turc opérant dans le nord de la Syrie. Les fonctionnaires ont déjà commencé à recevoir leur salaire en monnaie turque et la nourriture et le carburant commencent également à être échangés en livres.
L'objectif de la Turquie est de minimiser l'impact économique négatif des sanctions américaines, qui sont entrées en vigueur mercredi. « Cependant, cette mesure contribue à faciliter le paiement de l'armée nationale syrienne en livres turques, car plus la monnaie turque est utilisée, plus la nécessité de convertir les salaires en livres syriennes pour acheter des marchandises est réduite », a déclaré à Arab News le professeur Michael Tanchum de l'Institut autrichien de politique européenne et de sécurité. Même le groupe extrémiste qui contrôle la province d'Idlib, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), a commencé à utiliser des livres turques.
« Le gouvernement rebelle de la province d'Idlib, soutenu par le HTS, a également envisagé de passer au dollar américain, mais la rareté des dollars, due à la pandémie, fait de la livre une alternative attrayante », a déclaré M. Tanchum. Ankara a salué les sanctions américaines dans l'espoir qu'elles conduisent à l'effondrement du régime d'al-Assad.
Si la Turquie réussit à créer une zone en livre turque dans les régions de Syrie qu'elle domine militairement, celles-ci tomberont sous son influence à long terme. « Pour cela, il faudrait que les territoires sous contrôle turc génèrent davantage de recettes d'exportation vers Ankara. A l'heure actuelle, la plupart des ventes de marchandises sont encore sous le contrôle du gouvernement syrien », a déclaré M. Tanchum, bien qu'il ait assuré que la capacité de la Turquie à mettre davantage sa monnaie en circulation dépend en fin de compte de la mise à disposition de plus de dollars américains à Ankara.
Navvar Saban, analyste au Centre Omran pour les études stratégiques à Istanbul, affirme que la mise en circulation de la livre turque en Syrie est une précaution contre les conséquences économiques des sanctions américaines. « Cette mesure était envisagée avant même la loi de César car la livre syrienne était en déclin, avec des problèmes économiques et des problèmes internes entre Al-Assad et les hommes d'affaires syriens », a-t-il déclaré à Arab News.
Les contacts commerciaux entre le régime syrien et les rebelles dans les zones contrôlées par l'opposition ont également été réduits, ce qui a fait baisser la quantité de livres syriennes. Selon M. Saban, cette mesure découragera également la vente de dollars sur le marché noir.
Avant le début des sanctions, la monnaie syrienne a perdu près de 44 % de sa valeur, tandis que le prix des denrées alimentaires a triplé en un an. « Les dollars américains étaient plus utilisés dans les zones du Nord-Ouest contrôlées par l'opposition et étaient plus élevés avant que la livre turque ne la remplace. Mais je ne pense pas que cette mesure laissera de côté la livre syrienne, c'est juste une précaution pour l'instant », a déclaré M. Saban.
