Le PDG de BGFIBank Group a analysé pour Oxford Business Group la situation des banques en Afrique

Henri-Claude Oyima, PDG du groupe BGFIBank : "Le secteur bancaire a rapidement montré des signes de résilience malgré la pandémie"

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Henri-Claude Oyima, PDG du groupe BGFIBank, connaît bien le secteur bancaire en Afrique et a détaillé pour Oxford Business Group la situation des banques après la situation difficile rencontrée suite à la crise sanitaire de l'EVD-19. Il a évoqué le rôle des banques dans le soutien au développement industriel et des infrastructures en Afrique et au Gabon en particulier.

Comment le secteur bancaire gabonais a-t-il été affecté par la pandémie de COVID-19 ?

La pandémie a définitivement obligé les banques à faire preuve d'agilité, de réactivité, d'efficacité, de rapidité et de flexibilité dans leurs organisations et leurs stratégies futures, dans le but d'assurer la continuité des services et de répondre aux besoins des clients. Cette pandémie comportait deux risques principaux : le risque de liquidité dû aux prêts non productifs et le risque d'insolvabilité.

Toutefois, le secteur a rapidement montré des signes de résilience, notamment en termes de liquidités, et la Banque centrale a joué un rôle déterminant dans le soutien à l'économie sur ce point. Alors que le monde se remet de la crise, des signes positifs de reprise économique ont été observés et il sera nécessaire de s'appuyer sur cet élan pour soutenir la croissance. À l'avenir, les banques devront collaborer avec le gouvernement et soutenir les projets stratégiques susceptibles de favoriser la création d'emplois et d'apporter une valeur ajoutée à l'économie.

Que peut-on faire pour augmenter la pénétration bancaire dans la CEMAC ?

La pénétration bancaire est relativement faible au Gabon et dans la CEMAC en général. Il existe donc une marge d'amélioration, notamment en ce qui concerne la numérisation des paiements et des processus. La combinaison de la bonne technologie avec des produits et des mécanismes qui répondent aux besoins de la population de la région, comme la microfinance, permettra d'accroître la pénétration. Cela favorisera à son tour l'inclusion financière, soutenue par un ensemble croissant de produits bancaires et de services financiers destinés à des populations historiquement exclues du système bancaire traditionnel.

africa-bancosPour que ces efforts aboutissent, il faudra changer les mentalités et introduire une stratégie numérique intégrée. Cela inclut le gouvernement, qui devrait mettre en œuvre davantage d'initiatives d'administration électronique et soutenir les paiements numériques dans ses agences et institutions. Les banques préconisent depuis des années des solutions autres qu'en espèces, notamment pour les opérations des petites et moyennes entreprises. La législation doit évoluer et anticiper les changements sociétaux pour répondre à ces besoins.

Comment les banques africaines peuvent-elles soutenir le développement des infrastructures ?

Les infrastructures en Afrique devraient être financées par des groupes financiers locaux et panafricains, plutôt que de toujours rechercher des financements extérieurs. Les risques liés au taux de change sont plus importants et les conditions moins favorables lorsque les projets sont financés à l'étranger. Aujourd'hui, le secteur bancaire africain est suffisamment fort pour soutenir les projets de développement sur le continent. Les gouvernements et le secteur privé peuvent compter sur les banques africaines, qui ont prouvé leur solidité et leur résilience.

Les banques centrales régionales doivent élaborer et mettre en œuvre des politiques monétaires qui permettent au secteur financier de soutenir les économies locales. La mise en œuvre de l'accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA) est une opportunité d'intégration économique. En tant que marché unifié, l'Afrique a un énorme potentiel, notamment en termes de population et d'expansion économique, mais de nombreuses barrières non tarifaires doivent être levées pour que l'AfCFTA soit un succès. En plus de ces barrières, il existe des contraintes politiques qui empêchent une intégration complète et le commerce intra-africain.

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Comment les pays africains peuvent-ils créer davantage de valeur à partir de leurs matières premières et exporter davantage de produits transformés ?

Il existe désormais une volonté et un consensus clairs sur le fait que les pays africains ne peuvent avoir des économies basées uniquement sur l'exportation de matières premières, d'autant plus que celles-ci sont souvent exportées par des entreprises étrangères. Les pays africains doivent commencer à générer de la valeur ajoutée par la transformation locale des produits bruts. C'est notamment le cas des produits de base tels que le coton et le cacao. Les banques locales s'engagent à soutenir l'industrialisation de la région, mais cela doit se faire en coordination avec les gouvernements.

Quelles mesures pourraient encourager davantage l'adoption des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en Afrique ?

L'Afrique étant un marché unique, l'ESG doit être abordée d'une manière applicable à la région. Il existe des priorités claires telles que la création d'emplois, la construction d'écoles et le développement des autoroutes, et c'est la voie à suivre : agir pour répondre aux besoins immédiats de la population.

Il est également important de renforcer les mesures de transparence au sein des entreprises africaines afin de garantir un niveau de bonne gouvernance susceptible d'aider les économies à prospérer. À cette fin, notre filiale en République du Congo est devenue la première banque africaine et l'une des premières entreprises d'Afrique subsaharienne à obtenir la certification Anti-Money Laundering 30000, une norme internationale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. D'ici 2021, le groupe BGFIBank aura été opérationnel pendant 50 ans et nous continuerons à poursuivre les certifications pour répondre aux exigences de bonne gouvernance et de conformité sur le continent.