L'Algérie, la Libye et la Tunisie sont sur le point de réaliser l'interconnexion électrique

Une étude réalisée par la société algérienne Grupo Sonelgaz a précisé que l'objectif de l'interconnexion est de maintenir une coopération égalitaire
Cables de energía eléctrica - REUTERS/RAFAEL MARCHANTE
Câbles électriques - REUTERS/RAFAEL MARCHANTE
  1. Groupe Sonelgaz
  2. De l'énergie en échange de soutien
  3. Accord de principe

L'interconnexion électrique est l'objectif que se sont fixé l'Algérie, la Libye et la Tunisie pour offrir de meilleures garanties à leurs citoyens, en particulier pendant les mois d'été où les pics de consommation d'énergie provoquent de longues coupures de courant. 

Bien que la capacité électrique de l'Algérie soit bien supérieure à celle de la Libye et de la Tunisie, le projet d'interconnexion pourrait, d'une part, accroître la dépendance énergétique de ces pays vis-à-vis de l'Algérie et, d'autre part, constituer un facteur de pression en ce qui concerne les affaires extérieures, tant tunisiennes que libyennes. En outre, la position de force de l'Algérie pourrait lui permettre d'imposer des politiques énergétiques et de conditionner l'approvisionnement en fonction de ses intérêts. 

« On ne peut ignorer la dimension politique de chaque pays, mais le destin de ces pays voisins du Maghreb est de renforcer leurs associations », Murad Allala, analyste politique et écrivain. 

La Tunisie est appelée à rechercher de nouvelles sources d'énergie car elle est le seul des trois pays à ne pas posséder de grandes réserves de pétrole et de gaz, ce qui la place dans une position désavantageuse. À l'inverse, l'Algérie a besoin de la stabilité de ses pays voisins pour renforcer ses relations bilatérales. 

Instalacion electrica Libia
Installation de lignes électriques en Libye - PHOTO/ARCHIVO

Groupe Sonelgaz

Le groupe algérien Sonelgaz, l'un des plus grands du pays nord-africain, a établi une nouvelle feuille de route afin de parvenir à une interconnexion électrique fiable avec la Tunisie et la Libye, dans le cadre de ce qui serait son projet le plus ambitieux depuis sa création en 1969. 

Selon le directeur des études, Habib Mohamed El Akhdar, les discussions sont en cours et des accords fermes seront bientôt conclus pour lancer les études nécessaires à la réalisation du projet. 

Il a également souligné que le plan de développement de Sonelgaz se concentre également sur l'expansion internationale, en particulier vers la région de l'Afrique du Nord et les pays voisins. Il a précisé que la société a la capacité de soutenir une grande partie des pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dans le domaine de l'électricité.

Comme exemple de réussite, El Akhdar a évoqué la centrale électrique construite au Niger, qui sera mise en service cet été, période où le pays sahélien souffre de coupures de courant qui affectent les principales agglomérations, de plus en plus peuplées. 

Habib Mohamed El Akhdar, directeur des études à la Sonelgaz - PHOTO/ARCHIVO

De l'énergie en échange de soutien

La position avantageuse de l'Algérie en matière d'énergie par rapport à ses voisins a été considérée par de nombreux observateurs comme une tentative d'obtenir un pouvoir d'influence sur les pays environnants, dans le but de dissimuler ses échecs diplomatiques, tels que : l'absence du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, au sommet arabe extraordinaire qui s'est tenu au Caire ; l'échec de la libération des prisonniers du Front Polisario qui se trouvent toujours en Syrie ; l'insinuation du ministre de la Communication sur l'existence d'une campagne médiatique contre le pays, faisant allusion à une « armée de plus de 8 000 journalistes conspirant contre l'Algérie » ; ou le veto lors du dernier Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine. 

L'Algérie est consciente que la stabilité de sa situation dépend de la stabilité de la Tunisie et de la Libye. Un autre facteur à prendre en compte est la dépendance en matière de sécurité. L'Algérie a tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec la Tunisie en raison de l'importance que revêt pour le régime militaire algérien le gazoduc qui relie le continent africain, par les côtes tunisiennes, à la péninsule italienne via l'île de Sicile. 

Abdelmadjid Tebboune, presidente de Argelia, y Ahmed Fattah, ministro de Asuntos Exteriores de Argelia durante la 38 cumbre del Consejo Africano de Paz y Seguridad de la región MENA - PHOTO/ MINISTERIO DE COMUNICACIÓN DE ARGELIA
Abdelmadjid Tebboune, président de l'Algérie, et Ahmed Fattah, ministre algérien des Affaires étrangères, lors du 38e sommet du Conseil africain de paix et de sécurité de la région MENA - PHOTO/MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION DE L'ALGÉRIE

Accord de principe

Malgré de nombreux doutes sur la faisabilité du projet, le premier test d'interconnexion électrique entre les trois pays a été réalisé en novembre dernier. Il a duré plus de 24 heures et a permis d'échanger entre 400 et 500 mégawatts avec un succès total. 

La Libye a renforcé ses relations énergétiques avec l'Algérie, en particulier après les graves pannes d'électricité de ces dernières années. En novembre 2023, l'Algérie a envoyé 800 mégawatts d'électricité d'urgence à la Tunisie après une panne d'électricité dans tout le pays. À son tour, la Libye a reçu 265 mégawatts d'énergie de l'Algérie, ce qui représente le premier transfert direct d'électricité entre les deux nations. 

Ce premier essai a démontré que le problème ne réside pas dans la solidité du projet, mais dans son application et ses intérêts. A priori, il semble que les intentions soient de poursuivre le plan, puisque, en avril, les présidents des trois pays ont donné leur feu vert à l'approbation de futurs plans qui aideront les trois États à résoudre les problèmes énergétiques. 

El presidente de Argelia, Abdelmadjid Tebboune (izqda.) saluda al ministro de Asuntos Exteriores tunecino, Mohamed Ali Al-Nafti, durante la visita de éste a Argelia – PHOTO/@MohamedAliNafti
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune (à gauche) salue le ministre tunisien des Affaires étrangères Mohamed Ali Al-Nafti lors de sa visite en Algérie - PHOTO/@MohamedAliNafti

Les intérêts des trois nations sont multiples, mais en raison d'une certaine inégalité dans le pouvoir de négociation de chacune d'entre elles, d'importantes questions se posent quant à savoir si la coopération en matière d'électricité est totalement égalitaire, si elle a des connotations politiques, si elle favorise l'indépendance énergétique ou si elle perpétue la dépendance énergétique des trois pays. ​