L'Égypte et le Qatar renforcent leurs liens énergétiques face à la pénurie croissante de gaz

Le gouvernement égyptien cherche à garantir son approvisionnement à long terme grâce aux importations qataries et à de nouveaux partenariats pour explorer des gisements stratégiques 
Un buque cisterna de gas natural licuado (GNL) es remolcado hacia una central térmica en Futtsu, al este de Tokio, Japón 13 de noviembre de 2017 - REUTERS/ISSEI KATO
Un tanker de gaz naturel liquéfié (GNL) - REUTERS/ISSEI KATO
  1. Déficit énergétique 
  2. Le Qatar, un partenaire clé dans les moments difficiles 
  3. Le potentiel énergétique de l'Égypte 

Face à une crise énergétique croissante, l'Égypte intensifie ses efforts pour garantir son approvisionnement en gaz naturel grâce à un ambitieux plan de coopération avec le Qatar. Le pays nord-africain a annoncé des négociations en vue de conclure un accord d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) à long terme avec QatarEnergy, l'une des plus grandes entreprises mondiales du secteur, afin de répondre à la demande intérieure croissante, d'atténuer les coupures d'électricité et d'alléger la pression sur le budget de l'État. 

Cette annonce a été faite à l'issue d'une réunion à Doha entre le ministre égyptien du Pétrole, Karim Badawi, et son homologue qatari, Saeed Al-Kaabi. Les deux hommes ont abordé non seulement un accord d'approvisionnement, mais aussi la possibilité d'approfondir la coopération en matière d'exploration et de développement de gisements, en particulier en Méditerranée orientale. Les discussions s'inscrivent dans un contexte marqué par une forte baisse de la production nationale de gaz, qui a contraint l'Égypte à recommencer à importer des combustibles fossiles après des années d'autosuffisance. 

Déficit énergétique 

Depuis 2022, l'Égypte est confrontée à un déficit croissant en gaz. Actuellement, le pays produit environ 4,3 milliards de pieds cubes par jour, alors que la demande dépasse les 6 milliards et atteint même 7 milliards pendant les mois d'été. Les centrales électriques égyptiennes consomment environ 4,5 milliards de pieds cubes de gaz par jour en haute saison, en plus de 30 000 tonnes de diesel. Ce déficit a contraint le gouvernement à mettre en place des mesures de rationnement de l'électricité et à recourir à des importations stratégiques. 

Dans ce contexte, Le Caire a récemment signé un contrat avec la société Hoegh Effie pour la location d'un terminal flottant d'importation de GNL pendant dix ans, ce qui permettra de renforcer son infrastructure de regazéification. De même, en février de cette année, des accords ont été signés avec Shell et TotalEnergies pour l'acquisition de 60 cargaisons de GNL d'une valeur estimée à 3 milliards de dollars, avec un délai de grâce d'un an pour le paiement.  

Le coût total estimé des importations de GNL en 2025 est d'environ 8 milliards de dollars, avec un prix moyen compris entre 48 et 50 millions de dollars par cargaison. Le gouvernement prévoit d'importer entre 155 et 160 cargaisons cette année seulement. En outre, l'Égypte importe déjà environ 1,2 milliard de pieds cubes de gaz par jour via le gazoduc jordanien, qui comprend des livraisons en provenance d'Israël et des cargaisons reçues au terminal d'Aqaba. 

AP/VASILY FEDOSENKO - El presidente egipcio Abdel Fattah al-Sisi
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi - AP/VASILY FEDOSENKO

Le Qatar, un partenaire clé dans les moments difficiles 

Dans ce contexte, le Qatar s'impose comme un partenaire énergétique stratégique. Non seulement il est l'un des plus grands exportateurs mondiaux de GNL, mais il a récemment renforcé ses liens avec l'Égypte en promettant un investissement direct de 7,5 milliards de dollars, annoncé après la visite officielle du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi à Doha le mois dernier. 

Outre l'approvisionnement direct, les deux parties explorent la possibilité de collaborer au développement de nouveaux gisements. Lors de la réunion à Doha, le ministre Badawi a présenté des opportunités d'investissement dans des secteurs clés tels que le pétrole, le gaz et la pétrochimie, soulignant les concessions dans lesquelles QatarEnergy détient déjà des participations, telles que les puits Nefertari, Cairo, Misri et North Marakia, tous situés en Méditerranée et exploités en partenariat avec ExxonMobil. 

Les discussions ont également porté sur la situation du gisement offshore North Dabaa, dans lequel QatarEnergy a acquis en 2023 une participation de 23 % aux côtés d'EGAS et de Chevron. Ces investissements s'inscrivent dans une stratégie plus large du gouvernement égyptien visant à attirer les capitaux étrangers, grâce à des mesures incitatives telles que l'amélioration du prix d'achat du gaz et un calendrier de remboursement plus clair pour les partenaires internationaux. 

El director ejecutivo de QatarEnergy y ministro de Energía de Qatar, Saad al-Kaabi, habla durante una conferencia de prensa después de una ceremonia de firma mientras QatarEnergy se une a TotalEnergies  (REUTERS/MOHAMED AZAKIR)
Le PDG de QatarEnergy et le ministre de l'énergie du Qatar, Saad al-Kaabi - REUTERS/MOHAMED AZAKIR

Le potentiel énergétique de l'Égypte 

Deuxième producteur de gaz naturel en Afrique en 2022 après l'Algérie, l'Égypte est traditionnellement un acteur clé du secteur énergétique du continent. Au cours de la dernière décennie, sa production a considérablement augmenté grâce à d'importantes découvertes en eaux profondes, comme le supergisement de Zohr, découvert en 2015. 

Cependant, la production nationale a fortement diminué ces dernières années, en raison de l'épuisement de certains puits et du manque de nouveaux investissements soutenus. En réponse, le gouvernement égyptien a redoublé d'efforts dans la Méditerranée orientale, un bassin énergétique qui a pris une importance croissante depuis les découvertes de gaz faites en 2009 et 2010. La région dispose non seulement d'un potentiel élevé en réserves, mais elle offre également une position géostratégique clé pour le commerce du GNL.

Terminal de gas natural licuado (GNL) de Enagas en la Zona Franca de Barcelona - REUTERS/ ALBERT GEA
Terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) - REUTERS/ ALBERT GEA

Malgré les défis à relever, l'Égypte ne renonce pas à son ambition de redevenir un exportateur net de gaz. L'objectif du gouvernement est d'augmenter la production à 5 milliards de pieds cubes par jour avant la fin de 2025, grâce à l'intensification des forages et à la coopération internationale. L'alliance avec le Qatar pourrait jouer un rôle essentiel non seulement pour couvrir la demande immédiate, mais aussi pour relancer le potentiel énergétique de l'Égypte à moyen et long terme. 

En résumé, le partenariat croissant entre l'Égypte et le Qatar reflète une tendance régionale vers une plus grande intégration énergétique, dans un contexte mondial où la sécurité de l'approvisionnement est devenue une priorité stratégique. Pour l'Égypte, garantir l'approvisionnement en gaz n'est pas seulement une question de développement économique, mais une nécessité urgente pour maintenir sa stabilité sociale et financière.