La crise économique et épidémiologique et la corruption sont les facteurs qui plongent ce pays asiatique dans une pauvreté de plus en plus profonde

L'Irak estime que la corruption lui coûte 150 millions de pétrodollars 

AFP/FABRICE COFFRINI - Le président irakien Barham Saleh lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF) à Davos, le 22 janvier 2020.

Le président irakien Barham Saleh, en présentant un projet de loi pour lutter contre le fléau de la corruption, a révélé que 150 millions de pétrodollars avaient été détournés depuis la chute de Saddam Hussein en 2003.

Il a envoyé un texte critique visant à récupérer l'argent public disparu dans le détournement de fonds et à poursuivre les responsables, a déclaré le président Saleh aux journalistes. Il a appelé les membres du Parlement à adopter la loi pour lutter contre le fléau de la corruption "afin de mettre un terme à cette pratique omniprésente". L'Irak, troisième exportateur de pétrole au monde, figure parmi les pays les plus corrompus, selon l'indice de Transparency International, la majeure partie de l'argent étant perdue en gaspillage et en détournement de fonds.

El primer ministro iraquí, Mustafa al-Kadhimi PHOTO/REUTERS

"Les statistiques et données gouvernementales et internationales estiment les revenus financiers du pétrole irakien depuis 2003 à environ 1 000 milliards de dollars", a déclaré M. Saleh lors d'un discours télévisé sur la lutte contre la corruption financière et administrative. "Ces fonds illégaux", a-t-il dit, "étaient suffisants pour mettre le pays dans une meilleure situation". Les politiciens irakiens ont réussi à faire sortir 60 milliards de dollars du pays en 18 ans, notamment vers le Liban.

De son côté, l'expert en sécurité et en stratégie Fadel Abu Ragheef note que "c'est sans doute l'une des meilleures lois proposées par l'exécutif depuis 2003." Il se demande toutefois s'il sera adopté, ce à quoi il répond lui-même en disant que "j'en doute, les partis auxquels appartiennent les députés vont le saboter". En public, ils le soutiendront, mais en coulisses, ils feront tout pour empêcher son adoption car de nombreux politiciens sont impliqués", a-t-il déclaré à l'AFP.

Las calles de Bagdad se ven vacías durante el toque de queda impuesto como medida de precaución contra la propagación del coronavirus (COVID-19) PHOTO/ANAS JOMAA/APA via ZUMA

Les pouvoirs constitutionnellement limités du chef de l'État le conduisent à rappeler que "la corruption est un obstacle au développement économique et social, prive les citoyens d'opportunités et de moyens de subsistance et le pays de services et d'infrastructures essentiels". Il a cité comme exemple le fait que "sur près de mille milliards de dollars de revenus pétroliers générés depuis 2003, environ 150 milliards de dollars ont quitté le pays". 

Pour le président Saleh, "la violence et le terrorisme sont étroitement liés au phénomène de la corruption". Son projet de loi vise les personnes ayant occupé des postes à responsabilité dans l'administration et les entreprises publiques ainsi que leurs proches depuis 2004, dans le but de récupérer les biens acquis par la corruption, qu'ils se trouvent en Irak ou à l'étranger. Toutes les transactions supérieures à 500 000 dollars devront être examinées, ainsi que les comptes bancaires, notamment ceux qui ont abrité plus d'un million de dollars. En outre, tous les contrats ou investissements obtenus par la corruption seront annulés.

Un manifestante iraquí mira un cartel que representa al primer ministro designado de Irak, Mustafa al-Kadhimi, en la plaza Tahrir de Bagdad, Irak, el 7 de mayo de 2020. PHOTO/REUTRS

La corruption endémique et la crise profonde que traverse le pays asiatique, ont été l'un des moteurs des manifestations qui ont secoué le pays d'octobre 2019 à juin 2020. La volatilité des prix du pétrole et l'impact de la pandémie ont amplifié les problèmes économiques de l'Irak, inversant deux années de reprise régulière.

Le PIB de l'Irak a enregistré une forte contraction de 10,4 % en 2020. La croissance a été entravée par la baisse de la demande mondiale de pétrole et l'adhésion de l'Irak aux réductions de production de l'OPEP+. Son économie non pétrolière a connu une contraction de 9%, les secteurs du tourisme religieux et des services ayant le plus souffert des blocages induits par le COVID. Mais la faiblesse de la demande intérieure et les produits importés moins chers ont maintenu les pressions inflationnistes à un faible niveau, l'inflation globale n'atteignant que 0,6 % en 2020. En conséquence, le pays a connu la plus forte contraction de son économie depuis 2003.

Cartel que representa al primer ministro designado de Irak, Mustafa al-Kadhimi, en la plaza Tahrir en Bagdad, Irak, el 7 de mayo de 2020 PHOTO/REUTERS

Dans un contexte de redressement des prix du pétrole, le déficit budgétaire devrait diminuer progressivement, passant de 5,5 % en 2021 à 0,6 % du PIB en 2023. La reprise économique et la vaccination de masse devraient inverser progressivement l'augmentation de la pauvreté, qui devrait se situer à 7-14 points de pourcentage au-dessus du seuil de pauvreté national. Cependant, l'impact que les chocs économiques ont eu sur la population est déjà dominé par les pauvres et les vulnérables et risque fort d'entraîner une plus grande inégalité. Une dévaluation de la monnaie pourrait faire grimper l'inflation à 8,5 % en 2021, en raison de la capacité limitée de l'Irak à remplacer les importations. Cela exercera une pression supplémentaire sur le bien-être des ménages et pourrait entraver la réduction de la pauvreté.