Erdogan lance un nouveau projet de Constitution qui aborde l'avenir politique de la Turquie

Le gouvernement Erdogan propose une initiative de réforme constitutionnelle apparemment civile, mais il existe une crainte manifeste qu'il s'agisse d'un instrument supplémentaire visant à consolider son pouvoir
El presidente turco, Tayyip Erdogan, habla en el Foro Empresarial Malasia-Turquía durante su visita de trabajo a Malasia, en Putrajaya, Malasia, el 11 de febrero de 2025 - REUTERS/ HASNOOR HUSSAIN
Le président turc Tayyip Erdogan s'exprime lors du Forum d'affaires Malaisie-Turquie pendant sa visite de travail en Malaisie, à Putrajaya, Malaisie le 11 février 2025 - REUTERS/ HASNOOR HUSSAIN

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé qu'il avait chargé un groupe de dix experts juridiques de rédiger une nouvelle Constitution pour le pays ottoman. Une Constitution qui représente les civils et les ambitions contemporaines. Il a fait valoir qu'il fallait rompre définitivement avec le coup d'État militaire de 1980 de Kenan Evren et représenter les valeurs démocratiques et civiles du pays. Toutefois, cette décision a suscité un vif débat, les détracteurs et l'opposition estimant qu'il s'agit d'une stratégie visant à se maintenir au pouvoir et à briguer un nouveau mandat, ce qui est impossible avec la législation actuelle après la fin de son mandat en 2028, même si Erdogan a déclaré qu'il ne se présenterait pas pour un troisième mandat. 

Cela se produit dans le cadre du centenaire de la République de Turquie et face aux critiques qui soulignent les tendances autoritaires accrues au fil des années du gouvernement Erdogan. Cela se produit également deux mois après l'arrestation et l'emprisonnement pour corruption du rival politique populaire d'Erdogan, le maire d'Istanbul et candidat potentiel à la présidence, Ekrem Imamoglu, et les manifestations généralisées qui ont suivi pour exiger la libération d'Imamoglu. Cette arrestation a suscité des discussions sur les motivations politiques possibles derrière l'élimination continue des opposants, des critiques sur l'impartialité des pouvoirs et une inquiétude croissante quant à un éventuel recul démocratique en Turquie. 

El alcalde de Estambul, Ekrem Imamoglu, del principal partido de la oposición, el Partido Republicano del Pueblo (CHP) - REUTERS/ DILARA SENKAYA
Le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition - REUTERS/ DILARA SENKAYA

Erdogan est au pouvoir depuis deux décennies, depuis son mandat de Premier ministre jusqu'à son accession à la présidence du pays. Au pouvoir, il a élargi ses pouvoirs présidentiels et centralisé le pouvoir exécutif, d'où les doutes sur ses déclarations et la méfiance à l'égard de ses intentions à long terme. 

Erdogan a répondu aux questions qui se cachent derrière cette nouvelle Constitution, qui est loin d'être une initiative pour son parti et ses alliés, mais bien pour le pays. Il affirme également que la Constitution turque promulguée en 1982 est obsolète et qu'une refonte servirait d'outil pour consolider l'image moderne de ce pays eurasien, ainsi que son cadre juridique. Ainsi, une autre raison derrière ce projet transcendant est qu'Erdogan affirme que les modifications apportées sont insuffisantes pour détruire l'influence militaire qui imprègne la rédaction de la Constitution, même si les quatre premiers articles ne seront pas modifiés car ils constituent l'identité de la République et du peuple turc. 

Cette initiative est également considérée comme une tentative de rechercher le soutien des partis, compte tenu de leur érosion après les dernières élections et du fait qu'ils sont nécessaires pour promulguer une nouvelle Constitution. En particulier, obtenir le soutien d'un parti pro-kurde, tel que le Parti démocratique des peuples (HDP) ou son successeur, adoucirait sa position face au conflit interne avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe militant pour l'autonomie et les droits du peuple kurde qui a récemment annoncé sa dissolution et son désarmement après quatre décennies d'activité. C'est une caractéristique qui, selon les partisans de la réforme, rend le climat politique propice à l'engagement dans cette voie, à laquelle s'ajoute l'apparente stabilisation de la question syrienne qui affectait la région. 

<p>Protesta contra la detención del alcalde de Estambul, Ekrem Imamoglu, en Estambul, Turquía, el 20 de marzo de 2025 - REUTERS/DILARA SENKAYA </p>
Manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu à Istanbul, Turquie, le 20 mars 2025 - REUTERS/DILARA SENKAYA

Cette mesure est considérée comme une opportunité de passer à un système politique plus stable et de minimiser les conflits idéologiques, même si elle nécessitera une coordination du débat politique loin des querelles partisanes. L'opposition a d'ailleurs affirmé qu'elle ne participerait que si un environnement transparent et participatif était créé. En outre, des thèmes que l'on souhaite voir inscrits dans la nouvelle Constitution ont été ajoutés, tels que les droits des femmes et la pluralité ethnique, notamment l'identité kurde. 

Il ne fait aucun doute que rompre avec l'héritage militaire, si cette tentative est sincère, pourrait constituer un moment historique. De même, ce projet national pourrait signifier la plus importante restructuration politique de l'histoire du pays depuis des décennies ou agir comme un moyen d'approfondir la polarisation politique et civile de l'État turc. Enfin, le système défendu par Erdogan pourrait être renforcé ou l'avenir de la démocratie turque pourrait être définitivement compromis. Le scepticisme face à ces événements demeure.