L'Iran commémore 40 jours de deuil pour Mahsa Amini malgré les menaces des autorités
Cela fait 40 jours que la mort de Mahsa Amini a provoqué des manifestations massives dans tout l'Iran qui mettent en échec le régime des Ayatollahs. Les slogans "Femmes, vie, liberté" et "mort au dictateur" sont devenus les symboles des manifestations, ainsi que l'opposition au voile islamique, motif du meurtre de la jeune femme kurde par la police des mœurs.
L'intensité et l'impact des protestations ont conduit les autorités à réprimer violemment. Jusqu'à présent, plus de 230 manifestants, dont 29 enfants, ont été tués, selon Iran Human Rights. Les forces de sécurité ont également arrêté des centaines de personnes dont on ignore où elles se trouvent.
Néanmoins, les Iraniens n'ont pas été dissuadés et continuent de s'élever contre l'oppression du régime et pour la jeune Amini et le reste des personnes tuées lors des manifestations. Selon la tradition iranienne, 40 jours après le décès d'une personne, la période de deuil prend fin. Pour cette raison, aujourd'hui sera un jour particulièrement important dans le pays.
Des foules se sont rendues en pèlerinage sur la tombe d'Amini au cimetière de Saqqez, la ville natale de la jeune femme de 22 ans, malgré la pression des autorités. L'agence de presse nationale IRNA a publié un communiqué indiquant que la famille n'avait pas prévu d'organiser une cérémonie pour commémorer cette journée "afin d'éviter tout problème malheureux". Des militants ont déclaré à l'AFP que les services de sécurité iraniens avaient averti la famille d'Amini de ne pas organiser d'événements ce jour-là, sinon "ils devraient s'inquiéter pour la vie de leur fils".
Outre les menaces et les pressions, les autorités ont tenté d'empêcher les Iraniens de se rendre sur la tombe d'Amini. Hengaw a signalé des barrages routiers sur la route menant à Saqqez, ainsi que des déploiements de la police pour empêcher les pèlerinages au tombeau. L'ONG a également noté que les footballeurs iraniens, Ali Daei et Hamed Lak, sont venus dans la ville kurde car "ils veulent participer à la cérémonie des 40 jours".
Les athlètes, dont l'un avait déjà eu des ennuis pour avoir soutenu les manifestations sur les médias sociaux, ont été "transférés dans un hôtel gouvernemental sous le contrôle des forces de sécurité", ajoute Hengaw. Ce n'est pas la première fois que des célébrités sportives iraniennes manifestent leur soutien aux protestations. Peu après le début des manifestations, l'équipe nationale de football a caché les symboles nationaux sur ses maillots alors qu'elle écoutait l'hymne national avant un match amical contre le Sénégal. Par la suite, l'alpiniste Elnaz Rekabi a participé à une compétition en Corée du Sud avec les cheveux découverts, en signe de soutien aux protestations.
Dans le même temps, les manifestations se sont poursuivies dans le reste du pays, notamment dans les universités. Les étudiants ont chahuté les représentants du gouvernement, les journalistes des médias d'État et ont défié les règles de ségrégation sexuelle en mangeant à l'extérieur des écoles avec les garçons et les filles ensemble après que les universités aient fermé les cafétérias pour empêcher cela.
"Un étudiant peut mourir, mais il n'acceptera pas l'humiliation", ont scandé des jeunes à l'université Shahid Chamran d'Ahvaz, rapporte l'AFP. L'agence de presse cite également des militants accusant les forces de sécurité d'avoir battu des filles à l'école pour filles Shahid Sadr de Téhéran. "Les élèves du lycée ont été attaqués, fouillés et battus", indique 1500tasvir, un compte sur Twitter, chargé de diffuser les images des manifestations. Par la suite, les parents ont protesté devant l'école et la police a attaqué le quartier et tiré sur les maisons.
En plus des protestations, les grèves se poursuivront pendant la fin de la période de deuil pour Amini. Dans la région du Kurdistan, de nombreux magasins resteront fermés "en signe de respect", tandis que les travailleurs des raffineries de pétrole de diverses régions du pays entameront aujourd'hui une nouvelle journée de grève.
Alors que les citoyens iraniens descendent dans la rue pour protester au péril de leur vie, les Iraniens de l'étranger soutiennent leurs compatriotes dans les pays où ils vivent. À Berlin, par exemple, quelque 80 000 personnes ont manifesté en solidarité avec les protestations en Iran. On estime que cette marche est à ce jour la plus importante jamais organisée par les Iraniens de la diaspora.
Les protestations à l'extérieur de l'Iran n'ont pas seulement atteint les capitales européennes. Ils ont également traversé l'étang pour se rendre aux États-Unis, au Canada et dans des pays d'Amérique latine comme l'Équateur. Ils se sont également répandus dans la région du Moyen-Orient, dans des pays comme le Liban et la Turquie.