L'UE se prépare à faire passer ses relations avec le Maroc à un niveau supérieur

Malgré les défis juridiques existants
Parlamento Europeo - PHOTO/PIXABAY
Parlement européen - PHOTO/PIXABAY
  1. Partenaires privilégiés
  2. Une nouvelle voie ?

Les tensions entre l'Union européenne et le Maroc ont atteint leur paroxysme en octobre 2024, lorsque le Tribunal de l'Union européenne a annulé les accords agricoles et de pêche entre les deux parties. La raison : ces accords s'appliquaient également au territoire du Sahara occidental, sans le consentement du peuple sahraoui. 

Pour le Front Polisario, qui lutte pour l'autodétermination du Sahara, cette décision a été un véritable succès, tandis que pour le Maroc, ce coup dur l'a contraint à rechercher d'autres partenaires commerciaux. Depuis lors, l'UE a choisi de garder le silence. 

Des scènes similaires ont été observées cette année. En avril, l'ambassadeur Ubbi Bushraya, représentant du Front Polisario auprès des Nations unies à Genève, a accusé des compagnies aériennes européennes telles que Transavia et Ryanair d'avoir établi des liaisons entre Paris et Madrid vers Dakhla, une ville du Sahara occidental sous contrôle marocain. Selon l'ambassadeur, cela pourrait avoir des répercussions juridiques, car l'accord aérien euro-méditerranéen entre l'UE et le Maroc « ne s'applique pas à l'espace aérien du Sahara occidental ». Une fois de plus, Bruxelles garde le silence. 

Bien que l'Union européenne ait tendance à adopter des positions prudentes en période de crise, ses dirigeants continuent de tenir des discours optimistes. Après l'annulation de l'accord sur l'agriculture et la pêche, tant la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, que le haut représentant pour les affaires étrangères, Josep Borrell, ont insisté sur le fait que les relations avec le Maroc restaient une priorité pour l'Europe, les qualifiant de « durables, larges et profondes ». Ce même ton a été repris en décembre, lorsque la commissaire européenne pour la Méditerranée, Dubravka Šuica, a qualifié le Maroc de « partenaire clé et fiable pour l'UE, dans la région méditerranéenne et au-delà, sur le continent africain ». 

 La presidenta de la Comisión Europea, Ursula von der Leyen - REUTERS/ STEPHANIE LECOCQ
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne - REUTERS/ STEPHANIE LECOCQ

Partenaires privilégiés

Le récent soutien du Royaume-Uni au plan d'autonomie marocain, annoncé le lundi 2 juin 2025, a intensifié le débat sur la position individuelle des pays européens à l'égard du Maroc. Dans ce contexte, l'Espagne et la France se distinguent comme les principaux interlocuteurs du royaume alaouite, reconnaissant le plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental comme l'option la plus sérieuse et la plus crédible pour résoudre le différend sahraoui. 

Dans le cas de l'Espagne, depuis l'adoption de la feuille de route en 2022, les relations bilatérales avec le Maroc ont atteint l'un de leurs « niveaux les plus élevés », selon les termes du Président du gouvernement Pedro Sánchez. Le Maroc est aujourd'hui le premier partenaire commercial de l'Espagne hors de l'UE, et la coopération s'est renforcée dans des domaines stratégiques tels que la migration, la lutte contre le terrorisme et les questions douanières à Ceuta et Melilla. 

Cette alliance s'est encore renforcée le 17 avril dernier, lorsque le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a réitéré devant Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères, le soutien de l'Espagne au plan d'autonomie pour le Sahara occidental. M. Albares a également exprimé l'intérêt de l'Espagne pour la tenue future d'un Conseil Union européenne-Maroc afin de faire passer ce partenariat stratégique à un autre niveau. 

La France, pour sa part, a progressivement resserré ses liens avec le Maroc. Après la lettre envoyée par Emmanuel Macron au roi Mohammed VI le 30 juillet 2024, dans laquelle il reconnaissait le plan d'autonomie comme « la seule base crédible » pour résoudre le conflit du Sahara, Paris a intensifié son engagement. En avril 2025, elle a réaffirmé publiquement cette position et, en février, elle a signé de multiples accords culturels lors de la visite officielle de la ministre française de la Culture, Rachida Dati. 

Le rapprochement de plusieurs États influents de l'UE avec le Maroc pourrait pousser le bloc communautaire à suivre une stratégie similaire.

El rey de Marruecos, Mohammed VI, y el presidente francés, Emmanuel Macron, se estrechan la mano en Rabat, Marruecos, el 28 de octubre de 2024 - PHOTO/ Agencia de Noticias Marroquí Distribuido vía REUTERS
Le roi du Maroc Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron se serrent la main à Rabat, au Maroc, le 28 octobre 2024 - PHOTO/Agence de presse marocaine Distribuée via REUTERS

Une nouvelle voie ?

La semaine dernière, l'UE, représentée par le diplomate João Cravinho, s'est rendue à Rabat, illustrant clairement la volonté de Bruxelles de concrétiser une coopération longtemps saluée. Cela s'explique peut-être par le fait que le Maroc semble être une voie d'accès idéale au Sahel. 

L'influence croissante d'acteurs tels que la Russie et la Chine dans la région a suscité l'inquiétude de l'Europe. Il est possible que ces puissances mondiales comblent le vide laissé par l'Occident après des années d'interventions irrégulières et de retrait de troupes. 

Depuis son arrivée à la tête de la diplomatie européenne en novembre 2024, Cravinho s'est efforcé de maintenir le dialogue avec le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Ces pays, dirigés par des gouvernements militaires qui ont quitté en janvier dernier la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), sont entrés dans une crise complexe marquée par l'instabilité et l'insécurité. 

Ces gouvernements du Sahel ont déclaré leur engagement à lutter contre les groupes djihadistes à travers une nouvelle alliance régionale, un objectif qu'ils partagent avec Rabat. En effet, l'analyste Al-Sharqawi Al-Rudani prévient qu'« il ne fait aucun doute que les groupes terroristes ont également le Maroc dans leur ligne de mire dans le cadre d'une stratégie de déstabilisation plus large visant à ouvrir une brèche vers l'Europe ». En ce sens, le Maroc représente une ligne de défense essentielle contre les flux transfrontaliers de djihadistes, ce qui en fait un partenaire stratégique dans les efforts européens visant à rétablir la stabilité au Sahel. 

Puerto Atlántico de Dajla - PHOTO/ATALAYAR
Port atlantique de Dakhla - PHOTO/ATALAYAR

Sur le plan économique, le Maroc a renforcé son rôle d'acteur régional clé. Parallèlement, Rabat a promu des initiatives d'infrastructure visant à intégrer économiquement les pays du Sahel. L'une d'elles est la proposition de relier le port de Dakhla, ville côtière située dans le Sahara occidental sous contrôle marocain, à N'Djamena, la capitale du Tchad, par des corridors logistiques qui traverseraient la Mauritanie, le Mali et le Niger. 

Cette initiative s'inscrit dans le cadre de l'importante Initiative atlantique promue par le Maroc, qui vise à faciliter l'accès des pays du Sahel à l'océan Atlantique afin de renforcer leurs économies et leurs relations commerciales, un plan qui est sans aucun doute très favorable aux pays du Sahel, confrontés à des situations économiques difficiles. 

Du point de vue européen, le Maroc représente un partenaire fiable pour faciliter le retour diplomatique dans une région marquée par l'instabilité. Sa proximité géographique, sa relative stabilité et ses relations solides avec l'Europe et le Sahel en font un pont stratégique.