Les dynamiques commerciales et d'investissement du Maroc en Afrique

Sept ans après le discours royal prononcé à l'occasion du Forum économique maroco-ivoirien de 2014 à Abidjan, où le roi Mohammed VI soulignait que "l'Afrique doit avoir confiance en l'Afrique", l'Union africaine a officiellement lancé la première phase de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), en application de l'un des objectifs stratégiques de l'Agenda 2064 de l'Union africaine. Il s'agit là d'un signe concret de la cristallisation de cette confiance que le Maroc met soigneusement en œuvre dans ses relations avec le continent.
A travers sa dynamique, le Maroc vise trois objectifs principaux : premièrement, profiter des opportunités économiques offertes par le nouvel environnement international pour donner un nouvel élan au développement socio-économique des pays africains au service de leurs peuples. Deuxièmement, garantir la souveraineté des États africains et réduire la dépendance de leurs économies à l'égard des puissances extracontinentales. Troisièmement, planifier la transition écologique du continent et inventer un modèle africain de développement durable.
Pour atteindre ces objectifs, le pays nord-africain engage trois dynamiques essentielles dans ses relations économiques avec le reste de l'Afrique, afin de consolider les liens commerciaux et économiques avec sa profondeur africaine.
La dynamique d'intégration commerciale du Maroc dans la région africaine
En abordant les relations commerciales du Maroc avec le reste des pays africains, elle met en exergue la valeur des échanges commerciaux annuels du Maroc avec l'Afrique sur la période 2020-2022 qui traduit la progression de ces relations économiques interafricaines. Ainsi, les exportations totales du Maroc sur la période 2020-2022 vers le reste de l'Afrique ont connu une croissance régulière ; atteignant 28% en 2021, puis passant à 66% en 2022.
Les automobiles, ainsi que les produits agroalimentaires transformés (notamment les produits de la pêche), les produits électriques et plastiques, et les engrais, fertilisants minéraux et produits chimiques représentent les principales exportations du Maroc vers l'Afrique sur la période 2020-2022, représentant entre 77% et 83% de la valeur totale des exportations annuelles du Maroc vers les marchés africains, notamment Djibouti, le Kenya, le Nigéria, la Tanzanie, l'Éthiopie, la Côte d'Ivoire, le Bénin et le Mozambique.
Quant aux importations marocaines en provenance d'autres pays africains, elles ont presque doublé au cours de la période 2020-2022, passant d'une valeur annuelle totale de 1,5 milliard de dollars à 2,5 milliards de dollars, y compris les combustibles minéraux (30 % en 2022).
En termes de marchés, au cours des trois dernières années, l'Égypte, la Tunisie et l'Algérie ont été les principaux fournisseurs du Maroc. Pour les carburants et les produits chimiques inorganiques, par exemple, l'Afrique du Sud a été le premier fournisseur du Maroc au cours de cette période. Il en va de même pour les matières grasses, où la Côte d'Ivoire s'est distinguée comme premier fournisseur du Royaume.

Dynamique des investissements marocains en Afrique : le codéveloppement comme objectif principal
Contrairement aux échanges commerciaux, les investissements dans les autres pays africains sur la période 2020-2022 ont été particuliers en raison de la crise sanitaire. Dans la période post-pandémique, la présence de l'option africaine dans les investissements étrangers du Maroc est principalement orientée vers le secteur tertiaire, qui l'emporte sur les autres secteurs industriels traditionnels, en termes de valeur, et surtout dans les activités financières et d'assurance, reflétant l'importance du secteur des services marocains en tant que secteur productif générateur de valeur ajoutée locale et internationale.
La stratégie continentale du royaume alaouite lancée par Mohammed VI a été développée à travers un partenariat multilatéral entre le Maroc et chacun des pays subsahariens. Les investissements de l'État et les nombreux accords signés dans des domaines diversifiés ont mobilisé d'importants investissements publics sur le continent, en accord avec une philosophie d'échange et de transfert sans restriction de l'expertise marocaine.
Les entreprises marocaines, publiques et privées, ont suivi la voie tracée par cette volonté stratégique claire affichée par l'Etat et matérialisée par un dynamisme remarquable des banques et des entreprises leaders dans les secteurs clés au Maroc, et par l'action du hub financier qu'est Casablanca Finance City (CFC) en Afrique.

Créée en 2010 sous la forme d'un partenariat public-privé, la CFC a pour objectif d'attirer les flux de capitaux internationaux pour investir en Afrique, contribuant ainsi au développement de l'ensemble du continent dans le cadre de la coopération Sud-Sud.
Il convient de noter ici que le Maroc a investi près de 5 milliards de dollars en Afrique subsaharienne en une décennie pour se positionner comme le deuxième investisseur intra-africain et le premier investisseur en Afrique de l'ouest. Le Maroc est ainsi passé de la 130e à la 50e place mondiale et continue de progresser.
Les entreprises marocaines présentes sur le continent travaillent dans des secteurs diversifiés tels que la finance, la banque, l'assurance, les télécommunications, les transports, les travaux publics, le tourisme, l'agriculture, l'agro-industrie, les engrais, les produits pharmaceutiques et les services. Mais cet enracinement africain ne se limite pas aux investissements matériels ; le Maroc partage également avec le continent une coopération multilatérale, à travers des accords et conventions entre États signés lors des nombreuses visites effectuées par le roi Mohammed VI sur le continent, sur des aspects diversifiés allant de la coopération administrative, universitaire et technique au développement humain, en passant par les questions culturelles et religieuses.

Dynamique des infrastructures : un continent égale infrastructure
Parmi les investissements urgents et nécessaires au développement de l'Afrique et à la mobilisation des investissements productifs, les infrastructures économiques et sociales constituent un lourd fardeau financier. Mais cet impératif infrastructurel est incontournable, malgré les obstacles que constituent la taille du continent, les nombreuses barrières naturelles (Sahara, montagnes, fleuves, etc.) et l'urgence de préserver la biodiversité. Cela complique la situation pour le développement des infrastructures africaines.
A cela s'ajoute le fait que l'Afrique est confrontée à un grand paradoxe en termes d'investissement dans les infrastructures. D'une part, les besoins sont énormes et représentent plus de 3,5 % du PIB continental, d'autre part, le nombre de projets bancables est très faible et les délais sont trop longs.
Pourtant, construire et rénover les infrastructures du continent est une nécessité urgente, non seulement en raison de la mise en œuvre systémique de l'Agenda 2063, mais aussi et surtout en raison de l'engagement de chacun des 54 États dans une philosophie interafricaine de liaisons intégrées afin de créer des synergies et de rationaliser l'utilisation des ressources du continent au profit de la population africaine.

L'ingénierie financière implique, dans ce cas, un engagement continental fort à travers l'Union africaine, dont la garantie est nécessaire pour mobiliser les différents acteurs susceptibles d'intervenir. Outre la résolution du problème du manque de synergie et d'engagement politique à actualiser, le Fonds de garantie de l'Union africaine devrait être consolidé et activé, avec la Banque africaine de développement (BAD), qui se distingue par son dynamisme direct sur le marché africain. À cela s'ajoute la polémique du biais géostratégique qui se fait de plus en plus pressante et se traduit par une "guerre des puissances" en Afrique, qui peut être à la fois un atout et une menace.
Dans le cadre de la maxime "un continent, une infrastructure" intégrée dans l'Agenda 2063 de l'Union africaine, la philosophie d'engagement du Maroc repose sur plusieurs principes et divers piliers stratégiques, s'appuyant sur la mise en place de corridors commerciaux orientés vers le continent africain dans quatre domaines : Aérien, Maritime, Terrestre et Numérique.
Parmi les projets structurants emblématiques lancés par le Maroc dans ce cadre, l'autoroute Le Caire/Dakar, bloquée à la frontière entre le Mali et l'Algérie depuis 1994, le Port Nador Ouest, premier port d'Afrique, Tanger Med avec ses quatre terminaux ; les ports de Jorf Lasfar, Safi et Agadir, ainsi que le port atlantique de Dakhla, les lignes aériennes de la Royal Air Maroc (RAM) en Afrique, les liaisons TELECOM, les projets industriels et agricoles de l'OCP, le gazoduc Maroc-Nigeria, le futur Corridor Atlantique, l'électrification rurale ... entre autres.

En phase avec les principaux défis mondiaux et régionaux, le Maroc prône la production et l'utilisation des énergies renouvelables (solaire, éolienne et hydrogène vert), la participation à la réussite de la zone de libre-échange (AfCFTA) et la construction de chaînes de valeur régionales.
La réussite de l'action marocaine sur le continent et en faveur de ses populations passe par l'approfondissement du partenariat Sud-Sud prôné par le Royaume et le travail en commun pour la mise en œuvre d'une stratégie africaine de développement inclusif et durable, notamment en apprivoisant les convoitises internationales, en les canalisant, en mobilisant des financements innovants, en tirant profit des ressources continentales.
Outre les synergies et la rationalité à développer au niveau des différents blocs : Maghreb/Afrique de l'ouest, Maghreb/Sahel, Corridor Atlantique, Corridor Est-Ouest (Egypte-Maroc et Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest CEDEAO...), le Maroc souligne l'urgence de redynamiser le Maghreb et de dynamiser le reste des ensembles sous-régionaux africains en tant que sources garantissant la complémentarité souhaitée à l'échelle continentale.