Maltraitance des enfants

Il se cache derrière une porte, se dissimule dans un placard, rampe sous le lit. Aucun endroit n'est sûr quand il n'y a pas de sécurité, quand le danger habite au même endroit. Il ne sait pas s'il doit bouger ou rester là où il est. Il regarde sa peluche et la serre à deux mains, si fort que ses petits ongles pourraient la briser. Il n'en a pas l'intention, mais la panique prend le dessus sur ses forces et l'empêche de penser. 

Les cris se font entendre dans toute la maison. Il sait ce qu'il y a et ils lui rentrent dans la tête comme une perceuse, comme un disque rayé que personne n'arrête. Elle tente de ne pas les laisser sortir de sa gorge pour ne pas effrayer, pour que son enfant ne sache pas ce qu'il sait trop bien, pour ne pas déverser plus d'horreur sur l'horreur existante. Et elle n'y parvient pas, car la douleur est trop intense. Elle soutient son regard avec une seule intention. Elle plaide en chuchotant pour n'être entendue que de lui, un filet de voix qui s'évanouit comme la force de se lever. Il n'y a pas d'eau propre qui coule dans le ruisseau de son enfance. Il n'y a pas de femmes avec leurs draps blancs qui chantent sur le rivage alors qu'elles se lavent et les étendent sur les buissons pour que le soleil les sèche. Elle se souvient en même temps que l'obscurité arrive et qu'une goutte de sang a glissé entre ses lèvres. Et elle tombe. 

Il n'y a plus de cris. 

Il a peur et il est trop petit pour savoir ce que ce mot signifie. Tout à l'heure, il s'est bouché les oreilles pour ne pas entendre ce qu'il a déjà entendu tant de fois. Pour ne pas penser à ce qui va sûrement suivre. Il se couvre le visage comme si ce geste lui apportait un refuge qui n'existe pas. Ne pas voir pour ne pas être vu. Ne pas écouter pour ne pas être entendu. Il ne sait pas si c'est mieux l'excès de bruit qui le met à l'endroit de la scène ou le silence terrifiant qui lui glace le sang. 

Les fourmis entrent et sortent continuellement de la fourmilière et créent des rangées. Il ne connaît pas les raisons qui l'ont conduit à cette image. De petits insectes qui se transforment soudain en cafards qui grandissent, grandissent, grandissent. La peur s'ajoute à la peur. Les pleurs se mêlent aux siens. Le silence est rompu. Le bruit des pas se rapproche de plus en plus. Son corps rétrécit, sa tête est sous ses bras, sur ses genoux. Chaque seconde qui passe apporte un danger plus grand. Les pas sont devenus ceux d'un géant, d'un gorille agressif qui écrase d'abord les fourmis, puis les cafards... qui grincent tandis qu'une fine lumière provenant du couloir prévient de l'ouverture de la porte, et que l'histoire est sur le point de se répéter... Il vient de faire pipi dans son pantalon. Une sirène d'ambulance et une sonnette retentissent. Puis des pas s'éloignent. Heureusement, l'obscurité est revenue.