Le piège des extrêmes : comment briser la dynamique diabolique dans la politique espagnole

Un hombre fuma mientras la gente se reúne en una calle mientras un agente de Policía vigila, en medio de disturbios antinmigrantes tras un ataque a un anciano por parte de asaltantes desconocidos a principios de semana, en Torre Pacheco, España, el 13 de julio de 2025 - REUTERS/VIOLETA SANTOS MOURA
Un homme fume tandis que des gens se rassemblent dans une rue sous le regard d'un policier, au milieu d'émeutes anti-immigrés suite à l'agression d'un homme âgé par des inconnus en début de semaine, à Torre Pacheco, en Espagne, le 13 juillet 2025 - REUTERS/VIOLETA SANTOS MOURA
Ces dernières années, j'ai observé avec inquiétude comment la polarisation politique en Espagne a atteint des niveaux qui non seulement divisent, mais alimentent également des dynamiques dangereuses. L'une d'entre elles, que j'ose appeler « dynamique diabolique », se manifeste dans la relation entre le discours de partis tels que Vox et la montée en puissance de discours extrémistes tels que le djihadisme

Comme dans une danse perverse, les deux extrêmes s'alimentent mutuellement, transformant le débat public en un champ de bataille où la raison et la coexistence sont reléguées au second plan. Comment en sommes-nous arrivés là et, plus important encore, comment pouvons-nous sortir de ce piège ?

Lorsque Vox désigne les immigrés, en particulier les musulmans, comme une menace pour la sécurité et l'identité nationale, non seulement il polarise, mais il offre aux djihadistes un discours parfait pour leur propagande.

Ses propositions, telles que déclarer l'immigration comme une question de sécurité nationale ou fermer les mosquées, peuvent sembler à ses électeurs comme une défense de l'Espagne, mais en réalité, elles créent un terreau fertile pour l'aliénation.

Chaque message qui stigmatise une communauté entière renforce le discours djihadiste selon lequel l'Occident est en guerre contre l'islam. Ainsi, les extrêmes se rejoignent : Vox légitime son discours à chaque incident violent, tandis que les djihadistes utilisent la rhétorique de Vox pour justifier leur haine. C'est un cercle vicieux qui nous entraîne tous.

Cette dynamique n'est pas nouvelle, mais dans le contexte actuel, où les réseaux sociaux amplifient chaque provocation, elle devient plus dangereuse. En tant que citoyen, je crains que ce jeu de miroirs entre les extrêmes ne fracture non seulement la cohésion sociale, mais affaiblisse également les valeurs démocratiques qui ont été si difficiles à consolider.

Vox, en opérant dans le cadre démocratique, enveloppe son discours de haine d'une apparente légitimité, ce qui rend difficile de le combattre sans tomber dans le piège de la restriction des libertés. Dans le même temps, le djihadisme profite de toute marginalisation pour recruter ceux qui se sentent stigmatisés. Comment briser ce cycle ?

Je pense que la solution passe par une approche courageuse et multidimensionnelle.

Tout d'abord, nous avons besoin de politiques qui favorisent l'intégration réelle des communautés immigrées, en particulier musulmanes. Des programmes de formation professionnelle, l'accès à l'éducation et des espaces de dialogue interreligieux peuvent réduire la marginalisation qui alimente l'extrémisme. Il ne s'agit pas d'ignorer les problèmes, mais de les aborder avec intelligence, sans stigmatiser des groupes entiers. 

Deuxièmement, il est temps que les médias et les institutions assument leurs responsabilités. Les médias doivent cesser de relayer les titres sensationnalistes qui alimentent les discours de haine et proposer à la place des analyses rigoureuses qui démystifient les fausses informations. Les institutions, quant à elles, doivent appliquer fermement les lois contre les discours de haine, tout en veillant à ne pas donner à Vox l'occasion de se poser en victime. Il s'agit là d'un équilibre délicat, mais nécessaire.

L'éducation est un autre pilier fondamental. En tant que société, nous devons investir dans l'enseignement de la valeur de la diversité et de la pensée critique à nos jeunes. La nostalgie autoritaire exploitée par Vox, qui fait écho au franquisme, ne peut être contrebalancée que par une mémoire historique vivante et une éducation qui démystifie le passé.  

Si nous ne faisons pas face aux zones d'ombre de notre histoire, nous continuerons à donner de l'espace à ceux qui les utilisent pour nous diviser.

Dans le domaine de la sécurité, nous avons besoin de politiques précises et transparentes. Il est raisonnable de renforcer les services de renseignement antiterroriste et d'accélérer l'expulsion des individus ayant des liens clairs avec le terrorisme, mais toujours dans le respect de la procédure régulière. Les mesures générales, telles que la fermeture des mosquées ou la criminalisation de communautés entières, ne font qu'alimenter le discours d'injustice que les djihadistes cherchent à véhicul.

Enfin, je pense que les partis démocratiques doivent tracer une ligne claire : on ne peut pas normaliser Vox par des alliances tactiques. Chaque pacte avec l'extrême droite légitime son discours et affaiblit le centre démocratique. En tant que citoyens, nous avons également un rôle à jouer : rejeter la polarisation, rechercher le dialogue et ne pas céder à la tentation de répondre à la haine par plus de haine. 

Cette « dynamique diabolique » n'est pas inévitable. C'est à nous, en tant que société, de décider si nous voulons rester prisonniers de cette dynamique ou construire un pays où la coexistence est plus forte que les extrêmes. Je pense que nous pouvons y parvenir, mais cela nécessite de la volonté, de l'empathie et un engagement collectif envers les valeurs qui nous unissent. Ce n'est pas une tâche facile, mais cela ne vaut-il pas la peine d'essayer ?

Chema Gil, diplômé en sécurité de l'université de Murcie et analyste en sécurité et terrorisme international. 

@ChemaDireccion