Procès du Front Polisario : il n'y a pas de présent sans passé

Brahim Ghali, líder del Frente Polisario - AP/FATEH GUIDOUM
Brahim Ghali, chef du Front Polisario - AP/FATEH GUIDOUM
Les récentes demandes internationales visant à inclure le Front Polisario sur la liste des organisations terroristes des États-Unis ne doivent pas être un simple geste symbolique

Il devrait s'agir d'un impératif moral qui serait mal engagé si l'on commettait l'erreur de ne pas intégrer sans hésitation son passé sanglant contre les citoyens espagnols. Entre les années 70 et 80 du XXe siècle, pendant ce qu'on a appelé la « décennie noire », le groupe a commis environ 300 attentats documentés contre des travailleurs de Fos Bucraa et des pêcheurs canariens, andalous, galiciens et basques, selon l'Association canarienne des victimes du terrorisme (ACAVITE). Ces crimes révèlent des antécédents historiques en matière de terrorisme si évidents que les États-Unis ne peuvent les ignorer lorsqu'ils évaluent leur désignation comme groupe terroriste. En d'autres termes, cette désignation ne serait pas compréhensible sans l'inclusion, même comme fondement principal de la proposition, des actes criminels qui ont marqué cette décennie. 

Brahim Ghali lui-même, actuel chef du Polisario et ministre de la Défense pendant ces années-là, a coordonné des attentats tels que celui du Cruz del Mar (1978), où sept membres d'équipage espagnols ont été exécutés, et le détournement du Mencey de Abona (1980), dont le capitaine, Domingo Quintana, a été retrouvé étranglé avec un drapeau du Polisario attaché au corps. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d'autres, malgré l'oubli politique et médiatique, en particulier aux Canaries. Ces faits, étayés par des documents judiciaires espagnols et une vaste collection d'articles de presse, démontrent que le groupe a opéré comme une milice terroriste des décennies avant que ses liens actuels avec l'Iran ou le djihadisme sahélien, qui sont aujourd'hui invoqués comme argument principal pour son inclusion dans la liste susmentionnée, ne fassent l'objet d'une enquête. 

Alors que le sénateur Joe Wilson fait avancer son projet de loi contre le Polisario et que le Hudson Institute, l'un des think tanks les plus influents des États-Unis en matière de sécurité nationale et de politique étrangère, met en garde contre ses liens avec le terrorisme, la désignation promue par ces entités repose sur différents axes : 

  • Liens avec l'Iran et le Hezbollah : selon des informations publiées en avril dernier par le Washington Post, des centaines de combattants du Polisario formés par l'Iran ont opéré en Syrie jusqu'à la chute du régime d'Al-Assad. De même, le Maroc a rompu ses relations avec l'Iran en 2018 pour soutien logistique présumé au Polisario. 
  • Trafic d'armes vers le Sahel : dans sa récente étude exhaustive, le Hudson Institute accuse le Polisario de fournir des armes à des groupes djihadistes, de soutenir le CGRI iranien et d'entretenir des liens avec des groupes extrémistes, menaçant ainsi les intérêts américains. 
  • Menaces récentes : en janvier 2025, le Polisario a menacé la Mauritanie, par l'intermédiaire de l'un de ses principaux dirigeants, Bachir Mustafa Sayed, pour avoir collaboré avec le Maroc, ce qui confirme que son mode opératoire reste fondé sur la coercition. 

En effet, Mustafa Sayed lui-même avait déjà fait l'apologie du terrorisme un an auparavant, avec son habituelle rhétorique violente et dangereuse, incitant les Sahraouis à commettre des actes terroristes contre les intérêts marocains partout au Sahara occidental. Entre autres, voici ses propos textuels : « Que chacun en convainque trois et sorte pour commettre des attentats, chaque militant doit faire exploser trois ou quatre de ces explosifs chaque nuit dans les villes d'Esmara, Dajla ou Bojador ». 

La désignation du Polisario comme organisation terroriste devrait être un acte de justice transnationale. L'inclusion dans le dossier de ses crimes contre des Espagnols, pour lesquels il n'a jamais rendu de comptes à la justice, renforcerait la crédibilité de ce dossier et servirait en quelque sorte de réparation historique, celle qui lui a été refusée à maintes reprises à l'intérieur de nos frontières. Il est impératif de retrouver la mémoire de cette tragédie et de briser les faux récits qui ont contribué à son oubli : le Polisario n'est pas un mouvement de libération enveloppé de romantisme. Il s'agissait d'une structure criminelle qui a normalisé la violence contre les civils des décennies avant l'arrivée du djihadisme au Sahel. 

L'administration américaine a une occasion unique : déclarer le Polisario organisation terroriste, non pas pour ses alliances avec l'Iran ou le Hezbollah, mais pour les crimes commis contre les citoyens d'un pays qui a toujours été un allié clé, comme l'Espagne. La mémoire des victimes tombées dans les eaux froides de l'Atlantique ou dans les mines de Fos Bucraá réclame à grands cris cette rectification historique. Honorer les victimes exige cette décision.