L'Espagne reste seule

Il n'est certainement pas facile de réparer le grand fossé qui s'est creusé dans les relations entre l'Espagne et le Maroc. Mais il est contre-productif que les déclarations publiques des différents représentants des deux gouvernements ne contribuent, ces derniers jours, qu'à rendre le fossé encore plus profond.
La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a vertement critiqué le Maroc, samedi, lors de la commémoration de la Journée des forces armées à Madrid. Deux jours plus tôt, c'est l'ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich, qui a remis en question le respect mutuel après une intervention du ministre espagnol des affaires étrangères au Congrès, et a souligné que le Maroc en prenait note et agirait en conséquence. Les intérêts stratégiques des relations entre l'Espagne et le Maroc font que les responsables prennent les mesures discrètes et efficaces qui s'imposent pour éviter que le différend ne se transforme en une déchirure dont la solution serait beaucoup plus compliquée. Cependant, l'attitude publique des dirigeants politiques n'aide pas. La ministre espagnole de la Défense n'a pas hésité à accuser le Maroc d'utiliser des mineurs pour franchir les frontières, ce qui, selon elle, est inacceptable du point de vue du droit international et du droit humanitaire. Toutefois, dans cette intervention télévisée, la ministre n'a pas donné son avis sur l'accueil en Espagne de l'ennemi acharné du Maroc, le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, qui se trouve déjà à Alger après avoir quitté l'Espagne dans la nuit de mardi à mercredi après avoir comparu devant la justice espagnole pour répondre à une plainte pour génocide et torture dans les camps de Tindouf, déposée par un citoyen espagnol d'origine sahraouie. Le juge n'a pas vu de preuves suffisantes pour imposer des mesures de précaution ou décréter la détention provisoire. Il n'avait besoin que d'une adresse et d'un numéro de téléphone en Espagne pour le localiser si nécessaire.
En principe, l'origine de la crise est l'accueil du Ghali par le gouvernement Sanchez qui n'a pas été communiqué ni expliqué à son voisin marocain alors qu'il le considère comme un partenaire privilégié. En tant que juriste, Margarita Robles pourrait évaluer cette décision délicate avec un Ghali portant un faux nom dans le but éventuel d'éviter l'action de l'Audiencia Nacional. Robles a rejeté, pour des raisons budgétaires, l'invitation à participer à une importante manœuvre militaire organisée chaque année par les États-Unis au Maroc, le Lion africain, avec la participation de neuf pays. La vraie raison est que cette année une partie des exercices devait se dérouler dans une localité saharienne et qu'ils ne voulaient pas légitimer ce qui est considéré par le gouvernement de coalition PSOE-UP comme une occupation du Sahara. C'est la clé de la rupture : Sanchez, contrairement à la réalité et aux intérêts internationaux et à ceux des Sahraouis eux-mêmes, ne reconnaît pas la souveraineté marocaine sur le Sahara. À tel point qu'il permet à l'UE de menacer le Maroc de sanctions. Il est laissé seul et sans poids politique.