Deux crises externes

Varios ministros de Exteriores de países árabes y Turquía han visitado Madrid para agradecer al Gobierno español su postura - Foto de Pierre-Philippe MARCOU/AFP
Plusieurs ministres des Affaires étrangères de pays arabes et de Turquie se sont rendus à Madrid pour remercier le gouvernement espagnol de sa position - Photo Pierre-Philippe MARCOU/AFP
Comme si nous n'en avions pas assez des coups bas que s'échangent nos hommes politiques sur le plan intérieur, l'atmosphère s'est encore tendue ces derniers jours avec deux décisions controversées que le gouvernement a prises dans le domaine des relations extérieures. 

La première concerne la reconnaissance de l'État palestinien et la seconde concerne le président de la République argentine. 

La reconnaissance de l'État palestinien ne devait pas faire l'objet d'un débat interne, puisqu'elle a été défendue par les deux grands partis, le PSOE et le PP, qui, ne pouvant se passer de discussion, ont décidé de le faire non pas au niveau de la décision elle-même, mais au niveau du moment choisi pour la prendre. Selon le droit international, la réalité est que la Palestine ne remplit pas les conditions nécessaires pour être un État : elle n'a pas de population définie, son territoire est occupé par un autre pays et elle n'a certainement pas le monopole de l'usage de la force sur cette population et ce territoire.  

La décision est donc plus symbolique que réelle, bien qu'elle ne soit pas non plus nouvelle, puisqu'elle a déjà été prise par 143 pays, dont onze pays européens, même si ce ne sont pas les trois qui pèsent le plus lourd dans l'UE. Mais il s'agit d'un symbole important, car il envoie deux messages très forts : celui du soutien aux Palestiniens, qui en ont besoin parce qu'ils ont beaucoup souffert ces derniers temps, et celui de la punition d'Israël, qui a poussé son droit incontesté à la légitime défense jusqu'à des extrémités intolérables. Ces messages sont d'autant plus forts qu'ils proviennent des deux pays européens qui ont été les plus actifs dans la recherche d'une solution politique au conflit entre Palestiniens et Israéliens, vieux de 75 ans : la Norvège, qui a encouragé le processus d'Oslo, et l'Espagne, qui a accueilli la conférence de paix sur le Moyen-Orient à Madrid, la seule fois où Palestiniens, Arabes et Israéliens se sont assis à la même table.  

Est-il temps de franchir une étape qui a irrité Israël au point de rappeler ses ambassadeurs à Madrid, Oslo et Dublin pour des consultations ? La première chose à dire est que pour Israël, qui ne veut pas entendre parler d'un Etat palestinien et qui occupe chaque jour un peu plus les terres palestiniennes (la colonisation est galopante), il n'y aura jamais de moment opportun pour le faire, et la deuxième est qu'en ce moment son gouvernement se sent harcelé à l'intérieur et à l'extérieur (manifestations demandant la libération des otages et la démission du premier ministre, Cour internationale de justice, Cour pénale internationale) et c'est dangereux car un gouvernement faible et harcelé a tendance à surréagir dans sa réponse. Mais si le moment est mal choisi pour Israël, il est mieux choisi pour les Palestiniens, qui vivent la pire période de leur vie depuis la Nakba, la tragédie de l'expulsion de leur terre lorsque les Nations unies ont créé l'État d'Israël, et qui ont besoin d'entendre qu'ils ont le droit d'avoir un État. Ce qui est inacceptable, ce sont les accusations de génocide par la ministre de la Défense, ou de génocide et de Palestine « du fleuve à la mer » par un vice-président du gouvernement tout entier, qui révèlent l'ignorance et le sectarisme et sont comprises en Israël comme favorisant leur disparition physique. Quelqu'un devrait les faire taire. 

Mais la décision de reconnaître l'État palestinien me semble juste. Nous nous plaignons souvent d'avoir un gouvernement tellement absorbé par ses problèmes internes qu'il n'occupe pas en Europe la place qui sied à un pays qui est la quatrième économie de la zone euro. Cette fois-ci, nous l'avons fait avec l'ambition de diriger et je m'en réjouis car je suis convaincu qu'il n'y aura pas de sécurité pour Israël, la seule démocratie de tout le Moyen-Orient, sans justice pour les Palestiniens. 

L'autre crise est celle provoquée par le président argentin, Milei, qui est impoli, même s'il a déjà reçu des insultes de la part de notre gouvernement. Les insultes trahissent la catégorie de la personne qui les profère. Mais le retrait de notre ambassadeur me semble être une grave erreur diplomatique, une erreur de débutant en politique étrangère. Parce que le gouvernement a réagi de manière excessive en faisant passer ses intérêts politiques avant les intérêts nationaux (le roi et Rajoy, entre autres, ont également subi des insultes auparavant sans rappeler les ambassadeurs) et parce qu'il a donné à Milei le contrôle de la crise : un jour - plus tôt que tard - nous devrons nommer un autre ambassadeur en Argentine et Milei devra lui donner le feu vert, et il le donnera ou ne le donnera pas, ou le retardera aussi longtemps qu'il le voudra.  

Javier Milei - PHOTO/FILE
Javier Milei - PHOTO/FILE

En décidant de retirer notre ambassadeur à Buenos Aires, le ministre Albares a donné l'avantage au président Milei, et c'est une très grave erreur. La République argentine n'est pas le Béloutchistan, c'est un pays ami et fraternel où vivent 400 000 Espagnols, où nous sommes le deuxième investisseur après les États-Unis et où nous avons des intérêts familiaux, culturels, commerciaux et de toutes sortes qui sont maintenant laissés sans la protection d'un ambassadeur. On regrette des ministres comme Francisco Fernández Ordóñez, Javier Solana, Josep Piqué... parce qu'ils n'auraient pas laissé Pedro Sánchez faire ce qu'il a fait. 

Jorge Dezcallar, ambassadeur d'Espagne