L'immunité de Donald

<p>Carteles contra Trump frente a la Corte Suprema de Estados Unidos el 1 de julio de 2024, en Washington, DC. Se espera que la Corte Suprema de Estados Unidos dicte el lunes la decisión más esperada de su mandato: un fallo para la historia sobre si Donald Trump, como expresidente, es inmune a ser procesado - AFP/DREW ANGERER&nbsp;</p>
Des affiches anti-Trump devant la Cour suprême américaine, le 1er juillet 2024, à Washington. La Cour suprême des États-Unis devrait rendre lundi la décision la plus attendue de son mandat : un arrêt historique sur l'immunité de Donald Trump, en tant qu'ancien président, contre les poursuites judiciaires - AFP/DREW ANGERER
Aux États-Unis, ils sont en passe de faire avec Donald Trump ce que Pedro Sánchez a fait avec Puigdemont, c'est-à-dire l'amnistier, mais sans leur compliquer autant la vie.   

Là-bas, au lieu de faire une loi pour déclarer légal ce qui était illégal, ils se sont limités à ce que la Cour suprême décide qu'un président peut faire ce qu'il veut sans avoir de comptes à rendre à personne tant qu'il agit officiellement et non en privé, tout comme nous le faisons ici en prétextant que ce n'est pas grave si les politiciens dépensent mal votre et mon argent tant qu'ils ne le mettent pas dans leurs propres poches... même s'il peut aller à des causes peu présentables ou dans les poches de copains.   

En d'autres termes, aux États-Unis, la loi est la même pour tous, sauf pour les présidents, qui sont au-dessus de la loi, un peu comme le pape lui-même. Pour ne rien arranger, la décision a été prise par la haute cour par six voix conservatrices contre trois voix progressistes, profitant du fait que Trump a lui-même nommé trois des juges qui le disculpent aujourd'hui et qui sont nommés à vie. Comme l'a dit Sonia Sotomayor, la juge qui a voté contre lui : "Vous ordonnez à l'équipe 6 des Navy Seal d'assassiner un rival politique ? Vous orchestrez un coup d'État militaire pour vous maintenir au pouvoir ? Vous acceptez un pot-de-vin en échange d'une grâce ? Immune, Immune, Immune, Immune, Immune". C'est trop.  

Cela a un rapport direct avec la responsabilité de Donald dans les émeutes qui ont conduit à la prise d'assaut honteuse du Congrès le 6 janvier 2020, après qu'il a refusé d'accepter le résultat selon lequel Joe Biden avait gagné l'élection. Le juge du tribunal de première instance devra donc commencer par déterminer quand Trump a agi en tant que président (Biden avait déjà été proclamé vainqueur, mais n'avait pas encore prêté serment) et quand il a agi en tant que simple citoyen, ce qui aura pour conséquence immédiate de prolonger le processus, car la décision du juge sera susceptible d'appel, ce qui rendra pratiquement impossible la tenue du procès avant les élections du 5 novembre.   

La première ligne de défense de ses avocats a été de retarder les procès en cours, car s'il est élu président, il pourra simplement se gracier lui-même s'il est condamné ou, mieux encore, ordonner l'arrêt des procès en cours. Dans son cas, retarder, c'est gagner. Pour commencer, la publication du verdict dans l'affaire Stormy Daniels a déjà été retardée de deux mois, alors que Trump n'était pas encore président au moment des faits.  

L'argument des six juges conservateurs qui ont voté en faveur d'une immunité aussi importante est qu'un président devrait pouvoir prendre des décisions importantes sans avoir à se soucier de la possibilité d'être un jour puni pour elles. Il peut ainsi penser de manière altruiste à l'intérêt général sans craindre les conséquences.  

Les avocats de Donald Trump font déjà valoir ce verdict de la Cour suprême dans les autres procès en cours de l'ancien président. Son immunité comprendra-t-elle le fait d'avoir emporté chez lui des tiroirs remplis de documents secrets qui ont ensuite été empilés sans surveillance dans une salle de bains ? d'avoir ordonné aux autorités locales de "rechercher" quelques milliers de votes pour inverser le résultat de l'élection en Géorgie ? et d'avoir falsifié des comptes pour dissimuler le paiement destiné à acheter le silence d'une actrice pornographique avec laquelle il a eu des relations sexuelles alors que son enfant était en train de naître ? Sans parler de ses magouilles immobilières new-yorkaises, qui semblent plus difficiles à mettre sur le compte du président. En tout état de cause, force est de reconnaître que la criminalité de M. Trump a touché tous les registres, faisant preuve d'une très grande imagination.  

Or, entre la Cour suprême et le débat de la semaine dernière où Trump n'a pu que regarder Joe Biden échouer dans le seul objectif qu'il avait, qui n'était autre que de convaincre les téléspectateurs que son âge n'était pas un obstacle à un second mandat à la présidence du pays le plus puissant du monde, son possible retour à la Maison-Blanche semble plus proche que jamais. Je crains que ce ne soit une mauvaise nouvelle pour le monde et en particulier pour l'Europe, car Trump est tout à fait capable d'abandonner l'Ukraine, de faire plaisir à Poutine et de vider l'OTAN de sa substance, nous privant ainsi de toute protection contre Moscou. Mais c'est encore pire pour les États-Unis car il n'aura pas "d'adultes dans la pièce" comme lors de son premier mandat pour freiner les instincts vengeurs qu'il a déjà annoncés contre ses rivaux politiques, les juges, les journalistes, les fonctionnaires... qui font dire à Robert Kaplan qu'avec lui à la barre, les États-Unis pourraient se diriger vers une dictature.  

Comme on peut le constater, les ennuis sont partout.   

Jorge Dezcallar, Ambassadeur d'Espagne