Taïwan et le monde démocratique : faire obstacle à la propagation de l'autoritarisme

taiwán-china-estados-unidos-jose-maria-liu

Un geste aussi louable et pacifique que la visite d'une dirigeante d'un pays démocratique à un autre qui est aussi pour exprimer son amitié et son soutien, comme l'a été le récent voyage de Nancy Pelosi à Taiwan, a été utilisé par la Chine comme prétexte pour sonner les tambours de la guerre et initier des manœuvres militaires à balles réelles autour de Taiwan qui, selon le régime autoritaire de Pékin, seront désormais habituelles. L'escalade des vols militaires à travers la ligne de démarcation du détroit de Taïwan est particulièrement alarmante. Rien qu'en août, 300 vols ont été effectués, soit cent cinquante fois plus que l'année dernière. En franchissant la ligne médiane du détroit de Taïwan, la Chine tente d'en faire un événement régulier et d'établir ainsi une "nouvelle normalité" qui constitue un changement unilatéral du statu quo dans le détroit de Taïwan. Et il s'agit, en somme, d'un défi à l'ordre international. 

La ligne médiane du détroit de Taiwan constitue une base importante pour garantir la paix régionale. Également connue sous le nom de ligne Davis, elle trouve son origine dans le traité de défense mutuelle signé entre Taïwan et les États-Unis dans les années 1950. Observée depuis des décennies, elle constitue la ligne de démarcation pour les patrouilles militaires aériennes et navales et les opérations de maintien de l'ordre de Taïwan et de la Chine, évitant ainsi les confrontations militaires. Les États-Unis, le Japon et les autres membres de la communauté internationale respectent également cette réalité. En outre, elle constitue un pilier et un symbole indispensables au maintien du statu quo de la paix dans le détroit de Taiwan. En faisant traverser la ligne médiane par des avions et des navires militaires, la Chine a tenté d'incorporer le détroit de Taïwan dans sa juridiction et de modifier unilatéralement le statu quo, menaçant ainsi la sécurité, la paix et la stabilité dans la région indo-pacifique. 

Par son attitude irresponsable, la Chine a ignoré l'important trafic de transport international qui passe par le détroit de Taïwan et les zones voisines. Non contente de cela, elle menace délibérément Taïwan par la force militaire et impose des sanctions, ce qui affecte gravement les intérêts commerciaux et la sécurité des transports de tous les pays. 

Malheureusement, la situation nous oblige à considérer que le risque de guerre dans le détroit de Taïwan existe bel et bien, et nous ne pouvons ignorer le fait que les répercussions d'une invasion chinoise de Taïwan seraient bien plus importantes que celles provoquées par l'invasion russe de l'Ukraine. Nous devons garder à l'esprit que Taïwan est devenu le principal fournisseur mondial et l'élément clé de la chaîne d'approvisionnement en puces du monde, représentant aujourd'hui 63 % du marché mondial des puces. Mais ce qui est encore plus important, c'est que dans les guerres, il n'y a jamais de gagnants, seulement des perdants. 

Lors de sa visite au Japon en août dernier, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a appelé la Chine à s'abstenir de toute escalade des tensions dans le détroit de Taïwan, reflétant ainsi l'inquiétude croissante suscitée par la situation dans le détroit de Taïwan. Interrogé sur CBS le 18 septembre pour savoir si les forces américaines défendraient Taïwan en cas d'invasion chinoise, le président américain Joe Biden a été aussi clair et direct que jamais : "Oui, s'il y avait une attaque sans précédent", a-t-il déclaré. Plus tard, dans son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies, Biden a répété une fois de plus que les États-Unis souhaitent maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan et continuent de s'opposer à toute modification unilatérale du statu quo. 

Pour sa part, le Parlement européen a toujours, et surtout ces derniers temps, manifesté un soutien clair et net à Taïwan, au point d'avoir approuvé un total de 13 résolutions en faveur de Taïwan en 2021, et jusqu'à présent cette année 8 résolutions dans le même sens. Dans la dernière résolution, adoptée le 15 septembre, le Parlement européen décrit Taïwan comme un partenaire qui partage les valeurs de la liberté, de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit. Le texte condamne fermement les récentes manœuvres militaires de la Chine et appelle Pékin à cesser immédiatement toute action et intrusion dans la zone d'identification de la défense aérienne de Taïwan et à rétablir le plein respect de la ligne médiane du détroit de Taïwan. La résolution souligne qu'il appartient au peuple de Taïwan de décider de la manière dont il souhaite vivre et que le statu quo entre les deux côtés du détroit de Taïwan ne doit pas être modifié unilatéralement. 

Enfin, dans une déclaration commune le 22 septembre dernier, lors de la session de l'Assemblée générale des Nations unies, les ministres des Affaires étrangères du G7 et le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont exprimé leur opposition aux changements unilatéraux du statu quo, réaffirmé l'importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan et encouragé la résolution pacifique des questions relatives au détroit. 

Tout ceci démontre que les problèmes dans le détroit de Taïwan ne sont pas simplement de nature interne, comme le prétend la Chine, mais des questions de grande importance pour le monde. C'est pourquoi, en tant que parties prenantes, tous les membres de la communauté internationale doivent observer et condamner fermement les actions brutales de la Chine qui sapent la paix régionale et diminuent l'ordre international fondé sur des règles. Aujourd'hui plus que jamais, alors que des puissances telles que la Russie et la Chine représentent des menaces évidentes, l'ensemble du monde démocratique doit se mobiliser pour stopper la propagation de l'autoritarisme. 

Ambassadeur José María Liu 

Représentant de la République de Chine (Taïwan) en Espagne/The Diplomat