Il s'avère que la guerre civile syrienne n'est pas terminée

Sa sanglante guerre civile, commencée en 2011, avec sa fuite massive de réfugiés, mouvement qui a provoqué l'une des plus grandes crises de l'histoire de l'Union européenne, semblait avoir atteint un statu quo depuis la fin de l'année 2016, lorsque l'armée du président Bachar Al-Assad a fini de conquérir Alep, la deuxième ville du pays et, malgré tout, sa véritable capitale économique.
La carte du pays a pris des couleurs différentes selon les zones stabilisées, avec près de 70 % sous le contrôle des forces loyales à Al-Assad, tandis que les différents groupes rebelles ont été repoussés vers le nord et l'ouest, en particulier dans la zone frontalière avec la Turquie, dont le président Recep Tayyip Erdogan les a toujours soutenus, tout en se réservant le contrôle d'une « bande de sécurité ».
Il a cité les menaces que font peser sur la Turquie les groupes kurdes établis dans cette bande, qui occupent également plusieurs quartiers de la ville d'Alep et, bien sûr, d'Idlib, qu'ils gouvernent et contrôlent dans sa quasi-totalité.
La guerre civile a éclaté sous le prétexte de mettre fin à la dictature implacable de Bachar Al-Assad, et les combats ont été rejoints non seulement par des dissidents politiques du régime, mais surtout par des groupes ethno-religieux qui ne supportaient pas que l'Alaouite Al-Assad soit devenu un allié clé du chiisme mené par le régime islamique d'Iran. L'Iran est ainsi devenu, dès le début de la guerre, le plus grand soutien de la Syrie d'Al-Assad, à la fois par le biais de conseillers et de fournitures militaires et par l'action des milices chiites du Hezbollah.
La Russie, quant à elle, s'est également rangée du côté du régime syrien en lui donnant le contrôle quasi total de la base navale de Tartous, que la marine de Vladimir Poutine a reprise, et le plein usage de la base aérienne de Khmeimim à Lattaquié. C'est à partir de cette dernière que les bombardiers russes, associés à l'aviation d'Assad, lancent la contre-offensive contre les forces rebelles.
Quant à ces dernières, bien qu'avec des nuances différentes, elles appartiennent presque toutes à des groupes sunnites : l'Armée syrienne libre, le Front islamique, l'Armée de la conquête ou Al Nusra, directement sous l'orbite d'Al-Qaïda.
Or, l'offensive lancée par les rebelles à Alep, d'où ils ont chassé à la fois le gouverneur nommé par Damas et les troupes fidèles à Al-Assad, se réclame de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), l'Organisation de libération du Levant, connue pour son islamisme radical proche du djihadisme. Pour le régime d'Al-Assad, il s'agit simplement de « terroristes », contre lesquels il a promis d'« utiliser la force nécessaire pour les éradiquer ».
Avec la réouverture des hostilités, Téhéran a une nouvelle fois réaffirmé son « soutien indéfectible » à Damas, où le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghtchi s'est précipité, tandis que la Russie procédait immédiatement au bombardement des enclaves saisies par les rebelles. Araghtchi a profité de l'occasion pour appeler à une « coordination » avec Moscou afin de « vaincre à nouveau les groupes terroristes [syriens] ».
Le roi Abdallah II de Jordanie a déclaré qu'il « soutenait la Syrie, son intégrité territoriale, sa souveraineté et sa stabilité ». Le monarque hachémite est particulièrement attentif aux mouvements et aux projets d'Israël en Cisjordanie, où l'hostilité entre Palestiniens et colons israéliens s'est intensifiée.
Pour leur part, les États-Unis, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont publié une déclaration commune dans laquelle ils « appellent toutes les parties à la désescalade et à la protection des civils et des infrastructures afin d'éviter de nouveaux déplacements et de perturber l'acheminement de l'aide humanitaire ».
Ce communiqué est sous-tendu par la crainte des pays signataires de nouveaux mouvements massifs de populations déplacées dans un pays dont un tiers des habitants se trouve encore hors de ses frontières. Washington impute directement à Assad, sans toutefois le nommer explicitement, la responsabilité de cette résurgence de la guerre, « conséquence de son refus d'engager un dialogue politique [avec l'opposition] tout en maintenant une forte dépendance à l'égard de la Russie et de l'Iran ».
Enfin, les Nations unies, par la voix de leur envoyé spécial en Syrie, Geir Otto Pedersen, qualifient la reprise de la guerre civile d'« échec collectif », ce qui souligne une fois de plus la nécessité d'un véritable processus politique, comme le prescrit la résolution 2254 du Conseil de sécurité, votée en 2015.
Au final, comme l'affirme Luc de Barochez dans Le Point, « un choc géopolitique génère parfois des conséquences imprévues loin de son point d'impact ». Cette loi se vérifie une fois de plus dans ce nouveau réveil de la guerre civile syrienne. Pour cet expert, la spectaculaire conquête d'Alep par les rebelles, soutenus par la Turquie, « menace tout le Croissant chiite, qui va de Téhéran à Beyrouth, ébranle le régime de Damas et met l'axe irano-russe sur la défensive ».