L'AfD gagne, le SPD s'effondre et Schengen vacille

<p>Bjorn Hocke, de Alternative fur Deutschland (AfD) - REUTERS/THILO SCHMUELGEN&nbsp;</p>
Bjorn Hocke de l'Alternative fur Deutschland (AfD) - REUTERS/THILO SCHMUELGEN
La première chose que Björn Höcke, leader du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), a revendiquée après avoir remporté les élections dans l'État de Thuringe, c'est son droit à former un gouvernement. 

Bien qu'il ait obtenu 30,5 % des voix, dépassant de loin les 24,5 % de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), les 16 % du parti d'ultra-gauche Pour la raison et la justice (BSW) et, surtout, les 7 % des sociaux-démocrates du SPD et des Verts, qui, n'ayant même pas atteint 5 %, sont exclus du parlement régional, il n'a aucune chance de l'emporter. 

Höcke, condamné pour avoir utilisé des slogans nazis lors de sa campagne électorale, n'y parviendra pas, étant donné le refus des autres partis de s'entendre avec le sien, ce que l'on appelle le cordon sanitaire. 

Dans l'autre Land de l'est de l'Allemagne où se déroulaient les élections, la Saxe, l'AfD est arrivée en deuxième position (30%), talonnée par la CDU (31,5%), suivie là aussi par l'ultra-gauche BSW de Sahra Wagenknecht (12%), confirmant la débâcle des socialistes, dont les 8,5% ne les placent qu'en quatrième position, les Verts manquant de peu le seuil minimum (5,5%). 

En préambule à ces résultats, deux conclusions très claires s'imposent : la première est de savoir si la débâcle du SPD, aussi régionales soient-elles, lui permet de continuer à diriger le gouvernement allemand, aujourd'hui extrêmement fragilisé, non seulement par sa propre défaite régionale, mais aussi par celle de ses alliés écologistes. La deuxième question est de savoir si l'exclusion du dialogue politique de l'AfD, parti d'extrême droite dont le tiers du nombre total d'électeurs provient précisément de l'électorat de gauche, clairement désenchanté par les politiques menées par le chancelier Olaf Scholz, subira ou non une modification. 

Il semble très clair que les derniers attentats perpétrés par des immigrés ou réfugiés musulmans radicalisés sur le sol allemand, notamment celui perpétré par un Syrien dans la ville de Solingen, ont exacerbé l'humeur et, pour autant que l'on puisse en juger, la tendance à modifier le bulletin de vote en faveur de ceux qui promettent le changement. Scholz a déjà voulu prendre le train de l'indignation populaire en annonçant des restrictions tant sur le contrôle de l'immigration que sur le port d'armes. 

Le fait que l'AfD d'extrême droite et la BSW d'ultra-gauche s'accordent sur leurs intentions de lutter contre l'insécurité croissante face à la menace des fondamentalistes islamistes met en lumière l'une des principales raisons, sinon la plus importante, des changements d'opinion vécus par l'électorat allemand. 

Par conséquent, outre le réexamen du mantra du cordon sanitaire de l'extrême droite, les autres partis qui s'attribuent une supériorité morale feraient peut-être bien de se pencher sur les causes de la lassitude des citoyens, notamment celle causée par leur sentiment croissant de ne pas être protégés, première obligation d'un État démocratique. 

Les protestations et manifestations à Erfurt et dans d'autres régions de Thuringe pour rejeter les résultats des élections ne sont qu'un signe de l'aggravation de la polarisation. Les insultes habituelles de ces manifestants, qui brandissent toujours l'étendard de la violence, reviennent à qualifier de nazis ou de fascistes le tiers des Allemands qui ont voté pour eux et qui prônent le changement. Persister dans la disqualification sans résoudre les problèmes ne peut que conduire à ce que les disqualifiés en aient un jour assez et déclenchent leur propre violence, avec les résultats tragiques prévisibles que l'histoire nous a déjà enseignés. 

Un autre effet secondaire de ces élections est qu'elles fournissent un nouveau prétexte à chaque gouvernement de l'UE pour se sentir obligé de prendre des mesures nationales pour surveiller ses frontières et, par conséquent, lutter contre l'immigration illégale de masse. En d'autres termes, l'une des principales réalisations de l'UE, outre la monnaie unique, le traité de Schengen, pourrait vaciller. 

Non pas qu'il y ait une volonté affichée de l'abolir, mais les exemples ne manquent pas où, sous prétexte d'un événement ou d'une circonstance extraordinaire, les autorités d'un pays ferment virtuellement les frontières avec ses voisins ou renforcent leurs contrôles à des niveaux similaires à ceux qui existaient avant l'entrée en vigueur de la libre circulation au sein de l'Union européenne. Que ce soit en raison des Jeux olympiques, d'un afflux massif et incontrôlé d'immigrés clandestins ou pour faire face au flux attendu de réfugiés, la réintroduction des contrôles aux frontières est un échec du projet d'intégration européenne. Il s'agit de petits coups de canif à la liberté de circulation européenne, qui n'abolissent pas de facto le traité mais qui le limitent de plus en plus.