Une agression qui ne peut rester impunie

Il a déjà annoncé qu'il n'assisterait pas à l'inauguration du mandat du nouveau président. Donald Trump l'a annoncé comme un acte volontaire, presque comme un simple geste de désaccord. "C'est le mieux qu'il puisse faire", a répondu Joe Biden. Trop court, trop mou pour ce que l'exécutif américain encore au sommet a provoqué au Capitole de Washington.
La détermination de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, la troisième plus grande autorité de la nation, à faire en sorte que M. Trump quitte la Maison-Blanche sans avoir consommé les quelques jours qui lui restaient à son mandat n'est pas motivée par une simple vengeance. En tant qu'incarnation du pouvoir législatif, elle voit la tentative de détournement de son siège comme une attaque directe contre la démocratie, contre le pouvoir souverain du peuple que le populisme prétend défendre.
En tant que personnage habitué aux projecteurs, Trump a encouragé une opération qui, selon les mots du sénateur républicain Ben Sasse, voulait semer le chaos et le faire engloutir Washington, un chaos qui serait également diffusé en direct sur toutes les télévisions. En bref, un coup d'État, une qualification qui pour Pelosi, pratiquement tout le Parti démocrate et de plus en plus de membres et de dirigeants du Parti républicain, ne fait aucun doute, dans la mesure où son objectif était de saboter le résultat d'une élection que lui et son parti avaient perdu aux urnes. Un sabotage soutenu par la violence de milliers de ses partisans qu'il n'a cessé d'encourager tout au long de son mandat, couronné par son dernier et incendiaire discours dans lequel il poussait précisément cette attaque définitive contre le Congrès.
Comme on le sait, heureusement, Trump n'a pas atteint son objectif et, ayant quitté le Capitole, son vice-président et président du Sénat, Mike Pence, a refusé d'appuyer le coup d'État et a ratifié la victoire de Joe Biden. Une performance qui lui a valu les foudres et l'étiquette de "traître" d'un Atome qu'il avait servi loyalement, mais qui a finalement préféré placer la légalité, la légitimité et les intérêts de son pays au-dessus de ceux de son patron.
N'ayant pu présenter aucune preuve crédible de la fraude électorale présumée, et ayant été désavoué par tous les tribunaux, dont beaucoup étaient dirigés par des juges qu'il avait lui-même nommés, M. Trump a vu sa tentative désespérée de prolonger son séjour à la Maison-Blanche partir en fumée. Un désir qu'il poursuivait probablement plus que de rester quatre ans de plus et d'épuiser les deux mandats consécutifs auxquels il aurait droit selon la Constitution. À la table de Nancy Pelosi et de nombreux autres législateurs, il y a eu pas mal d'indications selon lesquelles Donald Trump avait l'intention d'entreprendre, au cours de son hypothétique second mandat, une réforme constitutionnelle qui lui permettrait de se représenter lui-même et d'être élu indéfiniment. En d'autres termes, comme non pas quelques seigneurs de la guerre dans l'hémisphère sud, mais surtout comme le président russe Vladimir Poutine. Poutine, qui est accusé d'avoir contribué à la défaite d'Hillary Clinton en 2016 et d'avoir installé Donald Trump à la Maison Blanche, aurait pu encourager toutes ses manœuvres dans la poursuite de cet objectif.
Comme Poutine, déjà immunisé par la loi jusqu'à la fin de ses jours, l'acquisition d'un tel privilège par le président des États-Unis serait la garantie que plus jamais aucun tribunal ne pourrait rouvrir l'une des nombreuses affaires fiscales, sexuelles et d'abus de pouvoir en instance. Tout cela, en somme, dans son seul et unique intérêt, et au vu des faits, sans le moindre souci pour la réputation de son propre pays ni le moindre respect des valeurs démocratiques qu'il incarne.
Mike Pence, comme il l'a déjà dit, ne fera pas pression pour l'application du 25e amendement constitutionnel, qui lui permettrait de remplacer, même pour quelques jours, son patron qui est incapable d'exercer les fonctions de son poste. Il est donc plus que possible que Nancy Pelosi active les procédures de mise en accusation de Trump, même en sachant que ce processus ne pourra pas être conclu avant le 20 prochain, date du transfert des pouvoirs à Joe Biden. Mais le président de la Chambre ne veut pas que Trump se rende tranquillement dans sa nouvelle résidence privée et l'atteinte au siège de la souveraineté populaire peut ainsi rester impunie.
Comme le dit le professeur Eddie Glaude de l'université de Princeton, "Si après l'acte d'insurrection, personne n'est tenu pour responsable, nous nous condamnerons à le répéter. Glaude se concentre particulièrement sur les suprémacistes blancs lorsqu'il déclare également que "nous avons toléré ces éléments depuis notre naissance en tant que nation, et ils ont menacé de submerger notre démocratie depuis lors. Nous devons les déraciner une fois pour toutes si nous voulons les surmonter.
Les événements au Capitole ont certainement dépassé les attentes de M. Trump, qui semblait se rendre compte des conséquences de ses allégations lorsqu'en moins de 24 heures, il a réalisé une vidéo condamnant le vandalisme des assaillants, a omis son affirmation de longue date selon laquelle l'élection avait été volée et a fini par assumer la défaite. Un changement de discours aussi flagrant est attribué à la pression exercée par sa propre fille, Ivanka, mais surtout par le conseiller juridique de la Maison Blanche, Pat Cipollone, qui l'a averti que l'incitation à l'insurrection est un crime grave.
Ce Trump n'a de toute façon pas démissionné à la fin de sa carrière politique, comme semble le démontrer sa déclaration ultérieure, également un jour plus tard, selon laquelle "les 75 millions de patriotes américains qui ont voté pour moi, pour faire passer l'Amérique en premier et pour rendre l'Amérique à nouveau grande, auront une voix gigantesque à l'avenir.
Il est sûrement très vrai qu'une grande partie de ces 75 millions ont cru de bonne foi aux mensonges que je leur ai administrés quotidiennement et sans le moindre rougissement. La désintoxication ne sera pas facile, surtout lorsque Trump laisse comme le plus toxique de ses héritages la polarisation d'un pays, qu'il a conduite sans vergogne à une confrontation que l'on qualifie souvent historiquement de guerre civile.
Cela ne peut pas rester impuni.