Votez pour punir Erdogan

El presidente turco y líder del Partido de la Justicia y el Desarrollo (AK), Recep Tayyip Erdogan, junto a su esposa Emine Erdogan, saluda a sus seguidores mientras pronuncia un discurso tras las elecciones municipales turcas, en la sede del AK en Ankara, el 1 de abril de 2024 – PHOTO/Adem ALTAN/AFP
Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (AK) Recep Tayyip Erdogan, accompagné de son épouse Emine Erdogan, salue ses partisans alors qu'il prononce un discours après les élections municipales turques, au siège de l'AK à Ankara, le 1er avril 2024 - PHOTO/Adem ALTAN/AFP
Bien que ce ne soit pas son effigie qui figure sur les affiches électorales, le président Recep Tayyip Erdogan est le grand perdant des élections municipales en Turquie. 

La victoire incontestée des sociaux-démocrates du Parti républicain du peuple (CHP), le parti fondé par Mustafa Kemal Ataturk, a même poussé Erdogan à annoncer qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat, sans doute conscient que les vents favorables qui l'ont conduit à instaurer un régime profondément personnaliste dans le pays se sont clairement retournés contre lui.

Le Parti de la justice et du développement (AKP) a non seulement échoué à reconquérir Istanbul et Ankara, mais il a aussi perdu des dizaines de villes au profit des kémalistes du CHP.

Ekrem Imagoglu, maire d'Istanbul, la capitale économique du pays, a reçu un soutien massif des électeurs, avec une majorité absolue dans 26 des 39 districts de la grande ville à cheval sur deux continents. L'AKP s'est vu ravir des bastions qu'il considérait comme imprenables, comme Üsküdar, Gaziosmanpasa et Bayrampasa. 

Le CHP a pris un avantage similaire à Ankara, Izmir, Bursa et Antalya, ce qui lui permet de dominer les cinq plus grandes agglomérations du pays. Les islamistes de l'AKP ont donc vu leur pouvoir municipal réduit aux zones rurales. Et ce n'est pas tout, puisque de larges zones près de la mer Noire et en Anatolie centrale ont également tourné le dos à l'AKP. Le cas le plus significatif est celui d'Adiyaman, région durement touchée par le tremblement de terre de 2013, dont les travaux de reconstruction n'ont pas été jugés assez rapides et solides pour renouveler un mandat qui a toujours basculé du côté islamiste. 

Sur l'ensemble du pays, le CHP a obtenu 37,5 % des voix, soit près de trois points d'avance sur l'AKP. Sa victoire est d'autant plus significative que le parti fondé par Kemal Ataturk il y a un siècle n'avait pas dépassé les 25 % depuis qu'Erdogan est devenu chef du gouvernement, avant de devenir président et de modifier la constitution pour s'arroger les pouvoirs exécutifs.  

Le leader national du CHP, Özgu Özel, a profité de la soirée électorale pour envoyer un message au gouvernement Erdogan : "Les électeurs ont décidé de changer et de mettre fin au déséquilibre des pouvoirs dans notre pays. Le CHP a remporté une victoire historique, dont le message ne pourrait être plus clair : nous voulons le retour de l'État de droit". 

Parmi les raisons du revers subi par Erdogan et l'AKP, la principale est sans aucun doute l'inflation, qui atteint le taux vertigineux de 70 %, avec une dévaluation de la lire de 61 %. Plusieurs analystes locaux attribuent également ce recul à la montée du parti Yeniden Refah (YRP), également islamiste comme l'AKP mais beaucoup plus radical, qui a réussi à se positionner comme la quatrième force politique lors de ces élections, arrachant même deux provinces à l'AKP. 

Au sein du Parti de la justice et du développement, des voix s'élèvent pour critiquer la place excessive qu'a prise le président Erdogan dans la campagne pour ces élections municipales. Cette surexposition l'a conduit à tenir jusqu'à quatre rassemblements par jour. Ainsi, en tentant de faire de ces élections un plébiscite contre lui-même, il ne peut aujourd'hui se défaire des conséquences de ces mauvais résultats. 

Quoi qu'il en soit, il serait imprudent de prendre la première réaction d'Erdogan pour un serment inébranlable. Il suffit au président turc de regarder du côté de l'ouest de la Méditerranée pour trouver un exemple probant de la manière de s'accrocher au pouvoir, et de s'y accrocher bec et ongles, même s'il enchaîne les défaites électorales.