Un camouflet pour les Canaries sous prétexte du Sahara : réponse à Antonio Morales Méndez

Après l'avoir lu, j'ai décidé de donner mon avis sur certaines opinions que je considère comme inopportunes, malheureuses, incohérentes et, surtout, dangereuses pour notre archipel.
M. Morales affirme que le Maroc « est loin d'être un régime démocratique » et que son expansionnisme affecte directement les îles Canaries.
En ce qui concerne le régime marocain, il s'agit d'une démocratie constitutionnelle où le Parlement et le Roi se répartissent les responsabilités, comme c'est le cas dans les systèmes semi-présidentiels (Portugal, France, etc.), où le Président a une série de responsabilités et où d'autres sont du ressort du Parlement.
Parmi les responsabilités du roi figure celle de commandeur des croyants, comme Charles III au Royaume-Uni, chef de l'Église anglicane.
Les démocraties sont variées et incomplètes, même parmi les plus établies. Le Maroc doit surtout être comparé aux systèmes politiques de ses voisins du Maghreb : Algérie, Tunisie, Libye, et non aux démocraties parlementaires avancées du premier monde, même si c'est l'objectif à moyen terme du système politique marocain actuel.
En ce qui concerne l'expansionnisme marocain, je voudrais simplement vous rappeler, Monsieur Morales, que le Maroc et l'Éthiopie étaient les deux seuls pays indépendants d'Afrique au début du XXe siècle. Le Maroc était un empire qui, selon César Cantú, se perdait dans l'immensité du Sahara. La carte du Grand Maroc attribuée à El Fassi, parmi celles détenues dans leurs chancelleries par les grandes puissances mondiales, est publiée et facile à consulter. Les plus anciennes datent du XVIIe siècle.
Cet empire a été mutilé, au sud (par l'Espagne) et au sud et à l'est (par la France). Ces mutilations ont été reconnues comme frontières par le Maroc, à la fois à la Mauritanie, au Mali et même à l'Algérie, qui a pris une bonne partie du Maroc historique.
Cependant, le Maroc n'a jamais accepté la décolonisation du Sahara occidental espagnol et l'a toujours revendiqué, surtout depuis 1944 lors des conférences de Tanger et de Casablanca, comme son propre territoire.
Si nous parlons d'expansionnisme, regardons l'Algérie, que la France a recréée aux dépens de la Tunisie, de la Libye, du Maroc et de l'Azawag (Sahara non racheté) en créant le plus grand État d'Afrique à partir d'un protectorat ottoman sur la côte méditerranéenne, et qui, non contente de cela, cherche un débouché sur l'Atlantique par le biais d'un protectorat sur le Sahara occidental avec le Front Polisario comme homme de paille.
De même, lorsque l'Union africaine a traité le cas des îles Canaries, porté à Tripoli et à Addis-Abeba par l'Algérie, où l'on discutait de la décolonisation des îles Canaries, ceux qui ont défendu le statut espagnol de notre archipel étaient le Maroc et le Sénégal. L'Algérie était alors le quartier d'hiver de Cubillo et de l'ETA.
Monsieur Morales, lorsque vous rendez le Maroc responsable de la détérioration du secteur de la pêche aux Canaries, vous oubliez que, dans les accords de Madrid, le droit de la flotte de pêche artisanale canarienne de pêcher sur le banc traditionnel canaro-saharien a été reconnu et respecté. Dans un accord ultérieur, à la demande de la partie espagnole, ce statut unique des îles Canaries a été sacrifié en échange d'un plus grand nombre de licences pour la flotte de pêche aux céphalopodes et à la sardine.
Quoi qu'il en soit, le déclin de la flotte canarienne a commencé avec les assauts contre ses navires et la mort de ses marins. Ces morts et ces blessés n'ont jamais été reconnus comme victimes du terrorisme et votre parti Nueva Canarias l'a permis chaque fois qu'ACAVITE en a parlé au Parlement canarien. Il est à noter que le Polisario ne s'est jamais excusé pour ces meurtres non plus.
Quant au financement espagnol du port d'Agadir, il ne mérite aucun commentaire, si ce n'est l'ignorance qu'il y a à le soulever comme un problème. On aurait pu faire la même chose avec nos investissements dans la pêche à Nouadhibou.
Quand on parle de concurrence agricole entre le Maroc et les Canaries, cela me rappelle les conflits agricoles avec les Français, avant et après notre adhésion à l'Union européenne. Le problème des tomates canariennes est plutôt lié aux opérations nécessaires à leur mise sur les marchés européens (cinq opérations canariennes contre deux marocaines) et au coût des semences, des engrais, de la construction et de l'énergie des serres et aussi, il est vrai, au différentiel du coût de la main d'œuvre. D'ailleurs, savez-vous quel est le pourcentage de Canariens qui travaillent dans les serres et dans la flotte artisanale canarienne ? Très peu, je le crains.
En ce qui concerne la zone économique maritime exclusive, il convient de souligner que si le Maroc l'a fait unilatéralement il y a deux ans, l'Espagne l'a fait, de la même manière, il y a bien plus longtemps, sans aucune conséquence, puisque la zone économique doit être approuvée par des organisations internationales, après des délibérations multilatérales.
En tout état de cause, les intérêts des îles Canaries seraient mieux défendus aujourd'hui dans le cadre d'une négociation bilatérale avec le Maroc, car le statut des eaux canariennes ne serait pas certain si les négociations se prolongeaient. Cependant, aujourd'hui, il pourrait s'agir d'une simple médiane entre les îles Canaries, en tant que quasi-État archipélagique et non en tant qu'État-archipel, et le Royaume du Maroc. Je crois d'ailleurs que des prospections pétrolières ont été menées par les deux États, chacun dans ses propres eaux territoriales et sans succès.
Vous évoquez la violation des droits de l'homme. Il est vrai qu'il y a eu de nombreuses violations des droits de l'homme par le Maroc, non seulement au Sahara, mais aussi dans d'autres régions du Maroc. Avec le règne de Mohammed VI, ces droits sont respectés et les erreurs des années de plomb sont corrigées par la création d'une commission de justice et de réparation présidée par des représailles de gauche, qui étudie publiquement les dommages causés et procède à des réparations judiciaires et financières.
Dans les camps, par contre, les crimes, les persécutions, les viols et les abus qui ont eu lieu, même avant le retour du Sahara, n'ont jamais été reconnus et qui, bien que documentés, ont toujours été rejetés par une série d'organisations non gouvernementales ainsi que par des partis politiques comme le vôtre, Nueva Canarias, et par des institutions publiques, des conseils municipaux et des mairies, accordant protection et aide économique à des accusés reconnus comme étant des criminels.
Je reconnais que dans le passé, il était plus difficile de faire connaître et de prouver ces violations des droits de l'homme, car il n'y avait pas de téléphones portables pour les enregistrer. Aujourd'hui, de nombreux documents graphiques et sonores le prouvent et on ne peut pas non plus les faire taire, en traitant de traîtres ou de vendus ceux qui, depuis les camps ou en les fuyant, les rapportent et les confirment.
Ils ont non seulement tenté et tentent encore de faire taire les autochtones sahraouis, dont plus de 10 000 ont quitté les camps depuis 1976, y compris la plupart des dirigeants fondateurs du Polisario, mais aussi ceux qui, comme moi, parlent depuis longtemps de la réalité du Sahara marocain et de la réalité des camps, sans oublier la source du problème : l'Algérie.
C'est avec un certain embarras que je vais raconter un fait auquel j'ai été intéressé. En janvier 1992, dans un débat télévisé, dirigé par José Luis Balbín, « La Clave », j'ai été le seul à maintenir des positions claires contre le Front Polisario, même s'il est vrai qu'à la fin du débat, certaines personnes m'ont soutenu. À partir de ce moment-là, plusieurs graffitis sont apparus à Las Palmas, m'insultant, menaçant ma famille par téléphone et, bien sûr, m'accusant d'être un agent au service des services de renseignements marocains.
En 2005, lorsque j'ai pris la parole devant la quatrième commission de l'Assemblée générale des Nations unies et que j'ai signé en tant que professeur à l'université, une autre campagne a été déclenchée, similaire à la précédente, appelant à mon licenciement en tant que professeur à l'université de Las Palmas de Gran Canaria, et une enquête discrète a même été ouverte, dans laquelle le recteur Manuel Lobo a déclaré que la plainte n'était pas fondée. Depuis quelque temps, les pétitionnaires de la même Commission signent en tant que Cabildo Insular de Gran Canaria, sans accréditer le mandat, et à ma connaissance, aucune enquête n'a été ouverte et personne n'a demandé de responsabilité.
D'autre part, les explications que M. Morales demande au président des Canaries, M. Clavijo, qui, à mon avis, a fait ce qu'il devait faire et devrait faire, pour le bien de nos îles, devraient être assumées et réalisées par le président du Cabildo de Gran Canaria, en rendant compte de tous ces actes sectaires qui ont utilisé le siège du Cabildo, avec des symboles non autorisés et en accordant un traitement préférentiel non réglementé à la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et au Polisario.
Les explications devraient surtout s'attacher à nous dire où vont, directement ou indirectement, les juteuses aides financières directes aux camps ou aux organisations qui leur sont liées. Elles devraient clarifier de manière exhaustive les montants versés et leur utilisation. Quels sont les postes qui ont financé les per diem et les indemnités des membres politiques et syndicaux du Cabildo pour assister aux événements du parti sous couvert de solidarité avec le Sahara.
Pour revenir à la représentativité du peuple sahraoui, il faut reconnaître que le dernier arrêt de la Cour européenne de justice donne au Polisario une partie aliquote de cette représentativité et non celle revendiquée par le Polisario, en tant que représentant unique et légitime du peuple sahraoui. Le peuple sahraoui est représenté au moins par les positions suivantes :
Premièrement, ceux qui continuent à vivre depuis l'origine du conflit dans l'ancien Sahara occidental, aujourd'hui Sahara marocain (plus de 70 % du recensement espagnol de 1974) et ceux qui ont rejoint le territoire depuis les camps (plus de 10 000 entre 1977 et aujourd'hui). Nous pouvons dire qu'environ 80% des personnes reconnues dans le recensement espagnol ou leurs descendants vivent actuellement au Sahara marocain, participant à toutes les activités politiques, administratives et électorales sans aucune discrimination.
Deuxièmement, ceux qui vivent dans les camps de Hamada à Tindouf et qui ne sont plus représentés uniquement par le Polisario, mais par d'autres positions comme celle du MSP (Mouvement sahraoui pour la paix), qui présente différentes alternatives pour résoudre le conflit. Ils n'ont jamais atteint les 20 000 déplacés (27% du recensement espagnol) et sont actuellement moins de 16 000. Tous n'ont pas d'enregistrement international auprès du HCR, pas de documents, pas de droits, et ne peuvent quitter les camps sans une accréditation du Polisario et une autre de l'Algérie pour documenter leur départ à l'étranger.
La plupart d'entre eux sont des otages plutôt que des réfugiés. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Morales, les violations des droits de l'homme sont les plus graves, du côté du Polisario et de l'Algérie, et le Maroc est prêt à les accueillir, comme il l'a fait depuis le début.
Troisièmement, il y a ceux qui vivent en dehors des camps et du Sahara marocain, dispersés sur plusieurs continents, et en particulier installés en Mauritanie, qui peuvent être regroupés dans l'une des deux positions précédentes, ou prendre toute autre position (je les estime à environ 5 000).
En conclusion, je voudrais dire que la propriété marocaine du Sahara est un fait incontestable, largement accepté par la communauté internationale, comme en témoigne l'ouverture de 32 consulats généraux à Laayoune et Dakhla, et le soutien explicite de plus de 115 pays à l'initiative d'autonomie sous souveraineté marocaine comme seule solution à ce différend régional.
Dans le même temps, la majorité des Etats membres des Nations Unies ne reconnaissent pas la RASD et soutiennent le processus politique sous l'égide exclusive des Nations Unies comme seul moyen de parvenir à une solution politique définitive au différend régional sur le Sahara.
A cet égard, je voudrais souligner que la RASD n'est rien d'autre qu'une émanation des intérêts géopolitiques et de l'agenda hégémonique de l'Algérie. Elle n'a pas de territoire propre, sa population est artificiellement gonflée et son gouvernement n'est qu'une marionnette du pays hôte. Comme nous l'avons déjà dit, la grande majorité de la population sahraouie vit dans le Sahara marocain.
Enfin, l'obstination de l'Algérie à refuser de s'engager de bonne foi dans le processus politique retarde le règlement définitif du différend régional sur le Sahara marocain, prend en otage la majorité des habitants des camps de Tindouf et hypothèque l'avenir des peuples de la région. Elle empêche la construction du grand Maghreb arabe, si important pour le bien-être des peuples d'Afrique du Nord, de l'Union européenne et, en définitive, de l'humanité.
Rafael Esparza Machín, expert du Maghreb.