La Chine dépasse la France en Algérie
L'Algérie délaisse son principal partenaire depuis plus d'un siècle pour se tourner vers d'autres marchés. La preuve en est le récent accord de 1,5 milliard de dollars signé entre la société publique algérienne des hydrocarbures, Sonatarch, et le groupe britannique de services pétroliers Petrofac pour la conception et la construction d'un complexe pétrochimique dans le nord-ouest de l'Algérie. Ce complexe produira 550 000 tonnes par an de polypropylène, une matière plastique utilisée dans l'industrie automobile, la construction et d'autres secteurs.
Les dirigeants de la société, ainsi qu'un groupe de dirigeants de Sonatrach, d'Asmidal et d'Algérie Mines, se sont rendus en Chine du 15 au 18 mai afin de conclure de nouveaux accords avec la Chine. Selon le communiqué de Sonatrach, cette visite s'inscrit dans le cadre du "développement de la filière intégrée du phosphate, projet porté par la Société algéro-chinoise des engrais, créée en 2022 entre les deux complexes". Les sociétés algériennes Asmidal et Algérie Mines et les deux sociétés chinoises Wuhuan et Tian An exploiteront la mine de phosphate dans la province de Tébessa, à l'extrême est du pays, et assureront la transformation chimique du phosphate et du gaz naturel et la fabrication d'engrais phosphatés et azotés et de produits chimiques dans la province de Souk Ahras.
Selon le communiqué du groupe, la visite a permis de rencontrer des entreprises ayant des relations avec Sonatrach, notamment China National Petroleum Corporation qui opère en Algérie à travers ses filiales Kunlun Digital, HQC, Huawei et Power pour discuter des opportunités d'investissement et de coopération conjointe dans le domaine des hydrocarbures, des énergies renouvelables, de la transition numérique et des nouvelles technologies utilisées dans l'exploration et la production d'hydrocarbures.
Le projet devait initialement être réalisé par Sonatrach et Total, la partie algérienne détenant 51 % et la société française 49 %, mais l'usine a rencontré des problèmes administratifs et les travaux n'ont jamais commencé. Le partenaire français, Total, a finalement abandonné le projet, reflétant la volonté politique des Algériens de renforcer la coopération avec les entreprises chinoises au détriment des entreprises françaises.
De même, le projet de port El Hamdania Centre dans la région de Cherchell en Algérie est financé par un prêt du Fonds national d'investissement et un crédit à long terme de la banque chinoise Exim Bank of China. En outre, la société asiatique Shanghai Ports exploitera le port. La Chine est le plus grand bailleur de fonds pour la création de ce port. Cet investissement fait partie de la stratégie chinoise visant à créer la ceinture de la nouvelle route de la soie, appelée "Belt and Road Initiative" (BRI). La BRI est un vaste réseau de liens commerciaux et d'échanges d'exportations entre la Chine et diverses régions du monde que le géant asiatique promeut depuis 2013.
Ces investissements importants sont rendus possibles suite à la révision de la loi sur les investissements entrants et sortants et à l'effort du législateur de promulguer des lois pour alléger les restrictions bureaucratiques et offrir des incitations fiscales et douanières aux concessionnaires économiques, en particulier dans les secteurs stratégiques tels que l'énergie et les mines. Grâce à ces investissements étrangers, l'Algérie espère relancer son économie après la crise économique de ces dernières années.
Les investissements croissants de la Chine en Algérie dans le secteur de l'énergie et de la logistique témoignent de la volonté de la Chine d'étendre son pouvoir et son influence au Maghreb au détriment des partenaires traditionnels de l'Algérie. A cet égard, la candidature de l'Algérie aux BRICS, l'organisation économique formée par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du sud, mérite d'être soulignée. La Chine et la Russie ont déjà exprimé leur volonté de voir l'Algérie rejoindre les BRICS et les négociations se poursuivent pour faire avancer cette initiative, confirmant la volonté du pays nord-africain de se tourner de plus en plus vers l'Asie et de se repositionner sur la scène internationale.