Le potentiel du Maroc à exporter de l'hydrogène vert vers l'Europe se heurte à des difficultés

Le Maroc se positionne depuis longtemps comme un important fournisseur potentiel d'hydrogène vert à bas prix pour l'Europe en tirant parti de ses abondantes ressources solaires et éoliennes dans le sud, ainsi que de sa proximité avec l'Espagne pour une connexion par gazoduc.
Toutefois, les incertitudes liées à la demande, aux infrastructures d'exportation et aux politiques d'incitation de part et d'autre semblent freiner les progrès, selon Morocco World News.
Selon un récent rapport d'Hydrogen Insight, le Maroc vise à produire annuellement 4 TWh d'hydrogène pour l'usage domestique et 10 TWh pour l'exportation d'ici à 2030. La stratégie nationale du pays en matière d'hydrogène, dévoilée en 2021, cherche à capitaliser sur le potentiel d'énergie renouvelable du Royaume pour produire de l'hydrogène vert abordable à la fois pour le marché local et pour les exportations vers d'autres pays.

L'UE, qui s'est fixé pour objectif d'importer 10 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable par an d'ici 2030, considère l'Afrique du nord comme une plaque tournante de la production et a signé des accords avec le Maroc pour coopérer sur les cadres réglementaires et financer les infrastructures de production et d'exportation.
Lors du sommet sur le climat COP28 en décembre dernier, Bruxelles a promis 50 millions d'euros pour soutenir les efforts de décarbonisation plus larges du Maroc, y compris l'hydrogène.
Le Maroc pourrait fournir de l'hydrogène à l'Europe à un prix inférieur à celui de la production dans la majeure partie du Vieux Continent, grâce à ses ressources solaires et éoliennes de classe mondiale. Sa proximité avec l'Espagne permet également une connexion par pipeline, considérée comme la méthode de transport la plus économique par rapport à l'expédition d'hydrogène sur de longues distances.
Absence d'accords fermes
Toutefois, les analystes se demandent si l'avantage du Maroc en termes de coûts de production suffirait à compenser le coût élevé de la construction d'un pipeline sous-marin pour l'hydrogène vers l'Espagne. Jusqu'à présent, aucun accord formel n'a été conclu entre les deux pays sur un tel projet.
Alors que les projets d'exportation sont incertains, le Maroc pourrait bénéficier d'une demande intérieure potentielle d'hydrogène vert de la part du grand producteur d'engrais qu'est le groupe OCP. L'OCP prévoit d'investir 8,5 milliards de dollars dans la production d'hydrogène vert et d'ammoniac afin de se prémunir contre la volatilité des prix du gaz fossile qui affecte ses activités.
Cependant, la plupart des projets de ce type n'en sont encore qu'aux premiers stades de la planification. Par exemple, le développeur français HDF Energy et la société marocaine Falcon Capital ont annoncé un projet d'hydrogène vert de 8 GW en novembre dernier, tandis que la société TAQA d'Abou Dhabi envisagerait une installation de 6 GW. Mais le développement est en suspens jusqu'à ce que le Maroc finalise les détails de son programme d'incitation à l'hydrogène.
Le Maroc continue d'accroître son potentiel
Le Maroc a proposé un ambitieux pipeline d'hydrogène de 5 600 km pour relier 11 pays d'Afrique de l'ouest, dont la Mauritanie. Ce gazoduc serait parallèle à l'oléoduc Nigeria-Maroc, d'une valeur de 25 milliards de dollars, dont la construction devrait commencer cette année.
Le gazoduc Nigeria-Maroc est destiné à remplacer les approvisionnements qui ont été interrompus lorsque l'Algérie a suspendu ses exportations vers le Maroc en 2021. Auparavant, l'Algérie envoyait du gaz au Maroc par le biais du gazoduc maghrébin, mais elle l'achemine désormais vers l'Espagne et le Portugal par le biais du Medgaz.
Une liste croissante de développeurs a déjà proposé des projets d'hydrogène vert à l'échelle du gigawatt au Maroc. Total Eren, une filiale de TotalEnergies, désormais détenue à 100 % par la major pétrolière, a acquis 170 000 hectares de terres auprès du gouvernement marocain dans la région de Guelmim-Oued Noun. TotalEnergies y prévoit un projet d'énergie renouvelable de 100 milliards de dirhams (9,9 milliards de dollars), avec une capacité éolienne et solaire de 10 GW.

La région de Guelmim-Oued Noun a également été proposée par le promoteur CWP Global comme site d'une importante installation d'ammoniac renouvelable. Le projet proposé impliquerait la construction d'une capacité éolienne et solaire allant jusqu'à 15 GW pour alimenter la production d'ammoniac vert dans la ville de Tan-Tan, dans le sud-ouest du pays.
Pour réaliser ses ambitions en matière d'hydrogène, le Maroc devra probablement recevoir des signaux plus forts de la part de l'Europe en ce qui concerne le soutien politique à long terme et la demande de garanties. Des mesures claires de la part du gouvernement marocain pourraient également accélérer le développement.