L'ESA confie à Deimos le satellite DRACO afin d'observer, depuis ses entrailles, comment il s'immole en orbite

L'entreprise espagnole est à la tête d'un consortium anglo-germano-belge dont le défi est de valider les processus de rentrée et d'autodestruction des engins spatiaux 
El jefe de Seguridad Espacial de la ESA, Holger Krag (izquierda), el director general de Deimos, Simone Centuori, y el director de la Agencia Espacial Española, Juan Carlos Cortés, señalan una representación de la autodestrucción de DRACO - PHOTO/JPons
Holger Krag, chef de la sécurité spatiale à l'ESA (à gauche), Simone Centuori, PDG de Deimos, et Juan Carlos Cortés, directeur de l'Agence spatiale espagnole, montrent une représentation de l'autodestruction de DRACO PHOTO/JPons
  1. Capteurs et caméras ultra-robustes
  2. Moins de 24 heures à vivre pour 17 millions d'euros

L'Agence spatiale européenne (ESA) a sélectionné la société espagnole Deimos Space pour assumer le rôle de maître d'œuvre du satellite innovant DRACO, un projet spatial pionnier et perturbateur.

Il ne s'agit pas d'une mission spatiale scientifique, ni d'une étude environnementale de la Terre. Le satellite DRACO (Destructive Reentry Assessment Container Object), au nom astucieux, fait partie de l'initiative « Zéro débris », annoncée en juin 2023 par Josef Aschbacher, directeur général de l'ESA.

L'initiative « Zéro débris » de l'ESA, qui vise à mettre fin à la création de nouveaux débris spatiaux, a pour objectif de faire émerger d'ici 2030 de nouvelles technologies permettant de construire des systèmes spatiaux qui se désagrègent, se désintègrent et brûlent complètement et de manière contrôlée lors de leur rentrée dans l'atmosphère terrestre. « Au sol, il n'est pas possible de recréer la vitesse et les mouvements d'une rentrée incontrôlée », déplore Stijn Lemmens, chef de projet à l'ESA.  

Alrededor de 200 sensores ultra resistentes y cuatro minicámaras infrarrojas medirán y captarán el proceso de desintegración que sufrirá DRACO hasta su autodestrucción en su reentrada en la atmósfera terrestre - PHOTO/ESA-David Ducros
 Environ 200 capteurs ultrasensibles et quatre mini-caméras infrarouges mesureront et captureront le processus de désintégration que DRACO subira jusqu'à son autodestruction lors de sa rentrée dans l'atmosphère terrestre - PHOTO/ESA-David Ducros

DRACO est essentiellement une expérience spatiale de grande envergure, qui vise à placer un satellite en orbite à une altitude de 500 kilomètres et à le mettre immédiatement sur la voie de l'autodestruction. En d'autres termes, il s'agit de collecter une multitude de données et d'images des entrailles mêmes du vaisseau spatial, alors qu'il tombe à grande vitesse sur la Terre, brûlant et s'immolant dans les couches supérieures de l'atmosphère. 

Grâce aux diverses informations obtenues et transmises au sol, les scientifiques et ingénieurs européens espèrent mieux comprendre la physique complexe et largement inconnue qui régit le processus de rentrée et de destruction des satellites positionnés en orbite basse, c'est-à-dire à moins de 2 000 kilomètres de notre planète bleue. 

Aunque la inmensa mayoría de los fragmentos de un satélite se queman durante su reentrada en la atmósfera, algunos grandes restos caen a la Tierra, habitualmente en mares o zonas despobladas - PHOTO/NASA-ODPO
Bien que la grande majorité des fragments de satellites brûlent lors de leur rentrée dans l'atmosphère, certains gros débris retombent sur Terre, généralement dans des mers ou des zones inhabitées - PHOTO/NASA-ODPO

Capteurs et caméras ultra-robustes

La cérémonie officielle de sélection de Deimos par l'ESA et d'attribution du contrat pour le lancement de la première phase de développement de la mission s'est déroulée le mardi 24 septembre. Cette cérémonie a eu lieu après l'achèvement de la phase de faisabilité de DRACO en juin dernier et s'est déroulée au centre d'intégration de satellites de l'entreprise à Puertollano, à quelque 200 kilomètres de Madrid.

Du côté de l'ESA, le contrat de 3 millions d'euros a été signé par le responsable du programme de sécurité spatiale de l'Agence, Holger Krag, pour qui DRACO est une mission qui vise à « valider nos modèles de rentrée et à mieux comprendre ce qui se passe lorsque les satellites brûlent dans l'atmosphère ».

Du côté de Deimos, le document contractuel a été signé par son PDG, Simone Centuori, qui souligne que DRACO est « une étape importante qui fournira des informations sans précédent sur les processus de rentrée des satellites ». Il ajoute que son développement est « un signe de l'engagement de l'entreprise en faveur de l'innovation et de la durabilité, qui ouvrira la voie à un environnement orbital plus sûr ». 

Holger Krag (ESA), Juan Carlos Cortés (AEE) y Simone Centuori (Deimos) muestran el contrato por el que Deimos es el contratista principal del desarrollo e integración de DRACO y del segmento terreno - PHOTO/Deimos Space
Holger Krag (ESA), Juan Carlos Cortés (ESA) et Simone Centuori (Deimos) montrent le contrat faisant de Deimos le maître d'œuvre du développement et de l'intégration de DRACO et du segment sol - PHOTO/Deimos Space

La phase en cours d'activation se terminera par la revue critique de conception (CDR) prévue pour novembre 2025, date à laquelle le satellite commencera à prendre forme à Puertollano. S'il n'y a pas d'incidents, DRACO sera lancé dans l'espace au premier trimestre 2027 avec une fusée européenne Vega-C comme première option.

À quoi ressemblera DRACO ? Avec un poids au décollage compris entre 170 et 200 kilos, sa taille sera « un peu plus petite qu'une machine à laver domestique », explique Paolo Minacapilli, coordinateur des activités techniques chez Deimos. Une fois positionné par la fusée à environ 500 kilomètres et face à la Terre, les instruments seront activés, « soit environ 200 capteurs ultra-résistants » attachés à différentes structures, équipements et composants, « qui mesureront les températures et les déformations le plus longtemps possible pendant que le satellite autour de lui brûle », résume Stijn.

Il y a aussi à bord quatre mini-caméras infrarouges, poursuit Minacapilli, pour observer ce qui se passe, la désintégration de la structure, des panneaux et des éléments passifs, qui commenceront à se désintégrer et à brûler à 120 kilomètres, l'altitude à laquelle commence la rentrée atmosphérique. Presque tout aura brûlé et se sera volatilisé au moment où l'on atteindra l'altitude de 70 kilomètres. Mais pas tout.

En los casi 70 años de la era espacial han reentrado y se han quemado en la atmósfera unos 10.000 satélites y etapas o trozos de cohetes. En imagen, una representación no a escala de la órbita baja de la Tierra - PHOTO/ESA
En près de 70 ans d'ère spatiale, quelque 10 000 satellites et étages de fusée ou morceaux de fusée sont rentrés dans l'atmosphère et y ont brûlé. L'image montre une représentation non graduée de l'orbite terrestre basse - PHOTO/ESA

Moins de 24 heures à vivre pour 17 millions d'euros

Le responsable technique de DRACO à Deimos, Lorenzo Tarabini, explique que les données recueillies par les capteurs et les observations capturées par les caméras seront stockées dans une petite capsule d'environ 40 centimètres conçue pour survivre. Elle sera équipée d'un bouclier thermique de protection similaire à celui utilisé par les capsules spatiales habitées de la NASA ou de SpaceX.

Équipée d'un mécanisme de séparation, la capsule de 16 kilogrammes se séparera de ce qui reste de DRACO à une altitude prévue de 60 kilomètres, descendra à cinq fois la vitesse du son (Mach 5) et ralentira progressivement. À environ 40 kilomètres, un parachute s'ouvrira et 20 mégaoctets de données stockées commenceront à être téléchargés et récupérés par le réseau de satellites Inmarsat. Cette opération durera environ 20 minutes.

Holger Krag (ESA) y Simone Centuori (Deimos) suscribieron en la sede de la compañía española en Puertollano el contrato por valor de 3 millones de euros que da inicio a la fase de desarrollo del satélite - PHOTO/JPons
Holger Krag (ESA) et Simone Centuori (Deimos) ont signé le contrat d'une valeur de 3 millions d'euros au siège de la société espagnole à Puertollano, ce qui marque le début de la phase de développement du satellite - PHOTO/JPons

La capsule survivante, une fois freinée et stabilisée par le parachute, tombera dans les eaux de l'océan Indien et coulera. Elle aura accompli sa mission si les données importantes sont relayées par Inmarsat à l'une des antennes réceptrices de l'ESA dans le monde. Au total, la mission unique de DRACO prendra entre 5 et 12 heures depuis l'orbite.

Pour assurer le succès de l'ambitieux projet DRACO, Deimos dirige un consortium international composé de six entreprises et organisations européennes spécialisées dans l'aérodynamique, l'aérothermodynamique, les systèmes de descente et la fragmentation d'objets : l'Institut Von Karman en Belgique, Hyperschall Technologie Göttingen GmbH en Allemagne et les entreprises britanniques Fluid Gravity Engineering, Belstead Research, Dynamic Imaging Analytics et Vorticity.

Una vez que la cápsula superviviente de DRACO abandone el satélite enviará los datos obtenidos a la red de satélites Inmarsat, que los volcará sobre las antenas de la ESA por el mundo. En imagen, la de Kiruna, en Suecia - PHOTO/ESA
Une fois que la capsule DRACO survivante aura quitté le satellite, elle enverra les données obtenues au réseau satellitaire Inmarsat, qui les transmettra ensuite aux antennes de l'ESA dans le monde entier. L'antenne de Kiruna, en Suède, est représentée ici - PHOTO/ESA

L'importance de la mission DRACO, dont l'investissement total s'élève à 17 millions d'euros, a été soulignée par la présence à l'événement de Puertollano du directeur de l'Agence spatiale espagnole, Juan Carlos Cortés, de la ministre régionale de l'économie et de l'emploi de la Communauté autonome de Castille-La Manche, Patricia Franco, et du maire de la ville, Miguel Ángel Ruiz, qui a insisté sur la dimension économique et technologique que DRACO apporte à la ville.

En plus d'être l'entrepreneur principal du projet, Deimos est également responsable de la conception et de la gestion de la mission, de l'ingénierie des systèmes, du développement et de l'intégration de la plateforme et de la construction du segment terrestre ainsi que des segments utilisateurs.