La fièvre de l'or au Sahel : la grande chance pour les djihadistes

Dans l'histoire récente, les fièvres de l'or ont signifié un fort changement démographique et économique pour les endroits qui les ont subies : le Mexique, la Californie, l'Argentine... sont des régions qui ont transformé une partie de leur paysage dans la construction des mines et ont produit une migration massive et précipitée vers ces régions.
Dans la région du Sahel, c'est en 2012 que l'on a découvert un filon d'or saharien qui s'étend du Soudan à la Mauritanie. Pour le Burkina Faso, par exemple, ce marché représente 20 % du PIB et l'économie du pays dépend du prix du métal sur le marché international.
Le secteur minier du Burkina Faso pourrait lui fournir une richesse importante, mais le fait que la majeure partie de l'or soit destinée à l'exportation a fait que seuls quelques-uns en tirent profit. Parmi eux, on trouve des groupes armés et des terroristes, qui ont vu dans les mines leur principale source de financement et même un territoire où ils peuvent recruter, car ce sont des zones où l'État est faible et absent. En outre, les réseaux informels de la région sont de plus en plus impliqués dans la contrebande de métaux précieux, ce qui accroît encore la violence dans la région.

En 2012, on a découvert une veine particulièrement riche qui traverse le Sahara d'est en ouest. Depuis lors, de nouvelles découvertes au Tchad, au Niger, au Mali et au Burkina Faso ont permis d'augmenter la production et la vente de ce minéral sur le continent artisanal. Entre 20 et 50 tonnes d'or par an au Mali et 10 à 30 au Burkina Faso sont les chiffres de l'extraction, ce qui équivaut à un montant monétaire compris entre 2 et 4,5 milliards de dollars par an. La majeure partie du métal est alors destinée aux monarchies du Golfe, y compris les Émirats arabes unis (EAU).
L'International Crisis Group estime que plus de deux millions de personnes au Mali, au Niger et au Burkina Faso sont directement impliquées dans l'extraction artisanale de l'or, bien qu'on estime que le nombre de personnes indirectement employées pourrait être trois fois plus élevé.
À ce stade, il convient de noter que, outre les principaux problèmes de gouvernance sociale, environnementale et politique, l'augmentation de la violence dans cette région a engendré de nouvelles préoccupations en matière de sécurité. Dans un contexte où les États sont faibles et où plusieurs groupes armés intensifient leurs actions - profitant en ce moment du chaos généré par l'apparition de la pandémie de coronavirus - l'or a été une grande découverte pour les djihadistes et les insurgés de la région, qui ont pris le contrôle des sites miniers et en ont fait leur propre source de financement, tout en contribuant à la croissance des réseaux internationaux de blanchiment d'argent.

Dans le nord du Burkina Faso, où l'on trouve le plus grand nombre de mines, différents groupes islamistes mènent une guérilla depuis 2016. Ansarul Islam, un groupe de Ouagadougou, ainsi que le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (JNIM), une organisation djihadiste qui regroupe quatre autres, dont Al-Qaïda au Maghreb et Al Murabitin, et dans une moindre mesure l'État islamique du Grand Sahara (ISGS), opèrent dans le pays.
Ces miliciens ont été à l'origine de violences autour des mines, comme celle qui a eu lieu le 6 novembre 2019, lorsque des hommes armés non identifiés ont attaqué un convoi de la Semafo, une société canadienne qui exploite la mine d'or de Boungou, dans l'est du Burkina Faso, et que 40 employés ont été tués.
Les entreprises qui extraient le minerai ont renforcé leur sécurité, mais les attentats ont poussé beaucoup d'entre elles, principalement canadiennes et australiennes, à repenser leurs opérations dans ce pays africain. Ainsi, l'une des principales préoccupations des États du Sahel et des organisations internationales telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est que les djihadistes s'emparent de l'or.

Les principaux groupes djihadistes tirent un profit financier de l'extraction de l'or, une activité qu'ils considèrent comme « halal » (légale) dans leurs zones d'influence. Ils le font par des méthodes différentes qui varient d'une région à l'autre. Par exemple, dans la province du Soum au Burkina Faso, les mineurs d'or paient des groupes djihadistes pour leur sécurité ; tandis qu'au Mali, le groupe djihadiste Ansar Dine (membre du Groupe de soutien à l'Islam et aux Musulmans), n'a pas de présence armée pour sécuriser le site, mais prélève la « zakat » (taxe religieuse) sur les mineurs et le reste de la population.
Pour l'instant, les zones aurifères restent largement une source de financement secondaire pour les groupes djihadistes du Sahel, bien qu'elle pourrait devenir primaire à mesure qu'ils gagnent du terrain dans les pays de la région, qui sont souvent remplis de gisements de métaux précieux. En outre, ces lieux sont devenus un camp de recrutement pour les groupes jihadistes qui prêchent la nécessité de respecter la loi islamique, certaines communautés ayant soutenu cette morale.

La faiblesse des États et les crises internes qu'ils subissent, ajoutées à la violence exercée par les groupes dans leurs actions, ont fait de ce problème un défi majeur pour la sécurité des pays de la région. Le boom de l'or a ouvert de nouvelles opportunités pour la population en général, mais a également ouvert la voie à la prolifération des groupes armés.