Une trentaine de tweeteurs font l'objet d'une enquête de la police turque après avoir publié des messages mettant en doute la santé d'Erdogan

Le gouvernement turc exerce une pression accrue sur le contenu des médias sociaux

La situation interne de la politique turque est déstabilisée par des commentaires sur une apparition dans les médias du président Recep Tayip Erdogan. Sur les images instantanées, on peut voir le président turc tituber et marcher avec beaucoup de difficultés avant d'être bordé par une cohorte d'assistants et de collaborateurs.  

Les commentaires faits sur les médias sociaux au sujet de cette apparition inquiétante, principalement sur Twitter, ont suscité une réponse sévère des autorités turques. Plus de 30 utilisateurs de médias sociaux font l'objet d'une enquête pour avoir mis en doute la santé d'Erdogan par le biais de messages et de publications sur les médias sociaux. La réaction de la police turque a été immédiate, et ces personnes ont maintenant été identifiées et font face à des accusations criminelles de diffusion de fausses informations et d'insulte au Président de la République de Turquie.  

Les spéculations sur d'éventuelles complications de la santé d'Erdogan ont précédé. En juillet 2021, également après une autre apparition devant les caméras où le président était montré en train de s'assoupir dans un mauvais état pendant un congrès de son parti, Justice et Développement. Ce sont des rumeurs que le gouvernement turc ne veut pas voir fleurir aux yeux du public, et le bureau de communication de la présidence a déjà tenté de les dissiper avec une nouvelle vidéo du voyage d'Erdogan d'Ankara à Istanbul, attestant de sa bonne santé. Les problèmes de santé des dirigeants, et les rumeurs qui les accompagnent, sont une source constante d'instabilité pour les gouvernements et les régimes présidentiels, et Ankara en paie aujourd'hui un lourd tribut. 

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La Direction générale de la sécurité turque, qui est responsable de la police enquêtant sur les 30 tweeteurs, a publié un communiqué de presse concernant les enquêtes, donnant quelques détails sur ses procédures. "Dans le cadre des activités de patrouille virtuelle menées, il a été constaté qu'un hashtag a été lancé sur la plateforme de médias sociaux appelée Twitter, faisant référence à notre président, M. Recep Tayyip ERDOĞAN. Sous l’hashtag susmentionné, 30 personnes considérées comme ayant partagé des contenus de désinformation et de manipulation, ainsi que des contenus insultant, déformant, injuriant notre Président", peut-on lire dans le communiqué. Selon ce même, une unité du département de la cybercriminalité serait spécialement dédiée à la surveillance des contenus circulant sur les réseaux sociaux avec une régularité absolue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. 

Le contrôle exercé par l'État turc sur les médias sociaux est l'un des plus restrictifs du bassin méditerranéen. Le contrôle turc sur les médias sociaux s'est progressivement intensifié ces dernières années, jusqu'à devenir plus efficace lorsqu'à l'été 2020, le parlement turc a adopté une nouvelle loi visant à soumettre les médias sociaux à des restrictions beaucoup plus importantes. La loi de 2020 met à l'épreuve la liberté d'expression dans l'espace en ligne. Cette loi a été publiquement dénoncée par Amnesty International, qui l'a qualifiée d'"attaque la plus éhontée contre la liberté d'expression en Turquie". Des journalistes passent déjà des années en prison pour leurs reportages critiques et les utilisateurs des médias sociaux doivent se surveiller de peur d'offenser les autorités", dénonce Amnesty. Auparavant, le système judiciaire turc avait bloqué jusqu'à 136 sites d'information.   

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Il est désormais courant que les internautes turcs surfent sur le web à l'aide d'outils leur permettant d'échapper au radar des autorités, tels que TOR ou un VPN, afin de profiter de tous les contenus internet qui ne sont pas bloqués par le gouvernement turc, ainsi que pour se défendre contre les poursuites des autorités. Un autre impératif de la loi turque oblige les fournisseurs de réseaux sociaux à disposer d'un représentant légal et d'un conseiller juridique pour répondre devant la justice turque si nécessaire. Les réseaux sociaux s'exposent à des amendes de plusieurs millions de dollars si le contenu déclaré illégal par le pouvoir judiciaire ou exécutif n'est pas retiré de la surface de l'internet dans un délai déterminé.