L'Algérie adopte une nouvelle constitution dans l'incertitude et en cherchant à sortir de l'impasse

Le résultat du référendum constitutionnel organisé le dimanche 1er novembre en Algérie est le résultat d'un paradoxe, une journée symbolique marquant l'anniversaire du soulèvement de 1954 contre la colonisation française. Le président Abdelmadjid Tebboune, qui a été hospitalisé en Allemagne après avoir contracté le COVID-19, n'était même pas présent en Algérie le jour du vote. Elu en décembre dernier avec un taux de participation de 39,88 % et dans un contexte particulier, alors que les manifestations de Hirak battaient leur plein, Tebboune avait besoin d'urgence d'un « test » pour compenser ce « déficit » de légitimité.
La population s'est éloignée des urnes et le taux de participation a été le plus bas depuis l'indépendance en 1962. Si le « oui » a été de 66,8%, le faible taux de participation de 23,7% a jeté une ombre sur la légitimité populaire que le président Abdelmadjid Tebboune a voulu attribuer à sa réponse politique à la contestation qui a secoué l'Algérie tout au long de l'année 2019. Il n'a pas obtenu 33,20% des voix, a déclaré Mohamed Charfi, le président de la commission électorale algérienne, lors d'une conférence de presse, saluant « une étape essentielle dans la construction d'une nouvelle Algérie ».

L'une des raisons de cette faible participation est la façon dont le texte a été préparé, qui n'a été débattu que peu de temps avant le début de la campagne électorale. En tout cas, ce faible taux de participation n'aide en rien les affaires du chef de l'État, qui aurait sans doute voulu donner une légitimité à son projet phare.
La mobilisation des médias télévisés, l'implication du gouvernement et l'organisation de dizaines de réunions, menées par les partis FLN et RND, l'UGTA et des organisations de la société civile (Croissant Rouge algérien, Scouts musulmans, etc.), ont tout fait pour convaincre au moins quelques Algériens de se rendre aux urnes le 1er novembre. Mais en fin de compte, cela n'a pas suffi pour avoir un taux de participation « acceptable ».
Derrière l'apparente impasse politique, l'opposition est confrontée à un défi majeur. Mais les dirigeants de Hirak, tourmentés par les expériences amères du passé, viennent de comprendre la nécessité de négocier avec eux. Une opération de reconquête de l'opinion publique qui a débuté avec les élections présidentielles de décembre où la participation avait alors atteint un maximum de 40 %.

Une telle ouverture serait une étape décisive dans un pays au potentiel immense, mais qui a été bloqué pendant des décennies par une oligarchie bloquée sur les revenus du pétrole. Si, en revanche, le régime devait prolonger la stagnation, le risque de déclin serait grand, surtout dans la région de Kabylie, où peu d'électeurs se sont présentés dans certains bureaux de vote le dimanche. Quant aux islamistes, comme le MSP et Adala, ils ont perdu une partie de leur influence, mais ils ont réussi à jouer le jeu du référendum et à rester dans l'ombre dans l'espoir d'arriver un jour au pouvoir.
L'Algérie veut s'imposer comme un acteur clé dans la crise du Sahel, en raison de son importance géostratégique. Préoccupé par les risques d'instabilité à ses frontières, le pays entend jouer un rôle actif sur la scène régionale, en Libye et au Sahel, avec plus ou moins de succès. Preuve en sont les deux visites depuis le coup d'État au Mali le 18 août du chef de la diplomatie algérienne, Sabri Boukadoum, premier membre d'un gouvernement étranger à se rendre à Bamako.
L'Algérie, préoccupée par les risques d'instabilité à ses frontières, entend jouer un rôle actif au Mali, où elle conserve une influence sur les groupes politiques et militaires du nord. Cette inquiétude algérienne face aux bouleversements sahélo-sahariens n'est pas sans rapport avec l'un des enjeux de la révision constitutionnelle, ratifiée par référendum le dimanche 1er novembre. Pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, la Loi fondamentale algérienne fait expressément référence à « l'envoi d'unités de l'Armée nationale populaire à l'étranger », ce qui va à l'encontre de la tradition de non-intervention.

La Constitution révisée établit un cadre pour la projection de l'Armée nationale populaire dans des scénarios militaires à l'étranger. Une décision du chef de l'État après approbation des deux tiers de chaque chambre du Parlement (article 91). En outre, la participation à des missions de maintien de la paix est possible « dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations unies, de l'Union africaine et de la Ligue arabe » (article 31).