L'Allemagne lance son premier centre de formation d'imams

Pour tenter de réduire le pourcentage de clercs et d'imams étrangers, l'Allemagne a lancé un programme visant à former professionnellement les prochains chefs religieux. Cette initiative vise à suivre les traces de la France voisine, qui a annoncé en novembre dernier un accord avec les institutions musulmanes pour créer un conseil des imams afin de contrôler les religieux qui officient les principes coraniques dans le pays gaulois.
Le projet vise à contrôler et à limiter le nombre d'imams étrangers après que plusieurs religieux, d'origine turque, ont propagé les idées du président, Recep Tayyip Erdogan, et mené des campagnes à son profit. Ils accusent également Ankara de la présence de fonctionnaires qui feraient de l'espionnage en Allemagne.

Les premiers efforts dans ce sens ont commencé par l'accueil de 40 futurs leaders musulmans au Collège de l'Islam à Osnabrück, dans le nord-ouest du pays. La formation offre un cycle théorique et pratique développé en deux années de cours académiques. Parmi les premières pratiques, des cours seront donnés sur la récitation du Coran, les techniques de prédication, les exercices de culte et l'éducation politique. En outre, cette enclave éducative est dominée par une vaste bibliothèque de littérature arabe composée de 12 000 volumes acquis en Égypte.
L'initiative est soutenue par les autorités fédérales et la province de Basse-Saxe, qui soutient financièrement le programme. Ce financement a été critiqué car il est en contradiction avec le principe selon lequel seules les communautés religieuses sont autorisées à former leur personnel. Le président du College of Islam a souligné que cette initiative "n'a eu absolument aucune influence de l'État" puisque celui-ci "n'a pas été impliqué dans le développement des programmes".

Dans cette optique, Angela Merkel a déclaré lors d'une séance plénière du Parlement qu'il était nécessaire de créer un centre à cette fin, car cette mesure "nous rendra plus indépendants et est nécessaire pour l'avenir". Dans ce contexte, on estime que le nombre de fidèles islamiques en Allemagne varie entre 5,3 et 5,6 millions d'habitants.
En revanche, le président du Collège de l'Islam, Esnif Begic, a expliqué à l'AFP que ce nouvel apprentissage "se distingue par deux particularités : nous voulons refléter la réalité de la vie des musulmans en Allemagne et les cours se déroulent exclusivement en allemand". En ce sens, l'un des étudiants de la formation, Ender Cetin, a déclaré : "Nous sommes des musulmans allemands, nous faisons partie intégrante de la société et nous avons maintenant la possibilité de devenir des imams".

Jusqu'alors, un pourcentage élevé d'imams en Allemagne étaient détachés de pays musulmans, notamment de Turquie, qui avaient été éduqués et payés par le pays ottoman. Au départ, ils viennent en Allemagne pour une période de quatre à cinq ans, sans connaître l'environnement social et culturel du pays. Dans le même ordre d'idées, certains d'entre eux ont un visa touristique.
Ainsi, la moitié des 2 000 imams d'Allemagne appartiendraient à l'organisation turque DITIB, qui dépendrait directement du ministère turc des cultes et gérerait environ 986 communautés locales, selon une étude de la Fondation Konrad Adenauer. Dans cette lignée, la justice allemande soupçonne qu'en 2017 quatre imams membres du DITIB auraient espionné des opposants critiques envers le gouvernement Erdogan.
Cependant, tant le DITIB que Milli Gorus, la deuxième plus grande communauté islamique d'Allemagne, n'ont pas été impliqués dans la création de l'institut à Osnabruck. À cet égard, le DITIB a lui-même lancé une académie de formation dans le pays allemand l'année dernière.

Selon Milli Gorus, la formation des nouveaux imams "doit être exempte d'influences extérieures, notamment politiques", selon le secrétaire général de l'organisation, Bekir Atlas.
En novembre dernier, le ministre allemand de l'intérieur, Horst Seehofer, a indiqué que les imams ottomans qui ne parlent pas allemand et qui diffusent des doctrines djihadistes radicales seraient interdits d'entrée dans le pays. En ce moment, Macron a déjà exhorté l'Union européenne à adopter une série de mesures qui tournent autour de l'apport de "réponses coordonnées et rapides contre le terrorisme" après les attaques terroristes en France et en Autriche.
Le président français a ainsi salué les nouvelles mesures adoptées par l'Allemagne afin que la liberté religieuse et la liberté de culte puissent continuer à s'exercer dans le pays, sans devoir compter sur des financements extérieurs qui peuvent être teintés d'intérêts promus par des extrémistes et des radicaux.