En janvier dernier, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a entamé un voyage en Afrique qui l'a conduit dans des pays tels que l'Afrique du Sud, l'Esuatini, l'Angola, l'Érythrée, la Mauritanie et le Mali. Le chef de la diplomatie russe se trouve actuellement au Soudan dans le but de "renforcer les liens économiques bilatéraux, notamment dans le domaine des infrastructures", selon l'agence de presse étatique SUNA.
The latest country on Russian Foreign Minister Sergei Lavrov’s Africa tour is Sudan, another nation where Wagner has reportedly been very activehttps://t.co/xTnO5hOf95 pic.twitter.com/inwfnZyhDw
— Francis Scarr (@francis_scarr) February 8, 2023
Outre le renforcement des relations économiques, comme le notent les médias soudanais, la présence de Lavrov au Soudan, ainsi que sa tournée africaine, visent à étendre l'influence russe sur le continent par le biais de divers secteurs, tels que l'armée. En fait, lors de son séjour à Khartoum, l'intérêt de Moscou pour l'établissement d'une base navale dans le pays avec un accès à la mer Rouge a été une nouvelle fois souligné. Une telle installation militaire a été approuvée sous le dictateur Omar Al Bashir, mais après son renversement, le nouveau gouvernement a suspendu le projet en 2021 - prétendument sous la pression des États-Unis - contrecarrant les plans de la Russie.

Lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre avec le dirigeant soudanais, le général Abdel Fattah Al Burhan, Lavrov a fait référence à l'accord sur la base navale, affirmant que le traité est "en cours de ratification". Lavrov a également confirmé la participation d'Al Burhan au sommet Russie-Afrique qui se tiendra fin juillet à Saint-Pétersbourg, selon l'agence de presse russe Sputnik.

Al Burhan est devenu président du Soudan après avoir mené un coup d'État en octobre 2021 contre le gouvernement de transition dirigé par le Premier ministre Abdalla Hamdok. Le soulèvement a considérablement aggravé la situation du pays, le plongeant dans une grave instabilité. À la suite du coup d'État militaire, plusieurs partenaires internationaux du Soudan, tels que les États-Unis et l'Union européenne, ont suspendu l'aide de millions de dollars accordée au pays. À ce scénario critique s'ajoute une crise humanitaire causée par la sécheresse et la hausse des prix, ainsi que de nouveaux épisodes de violence ethnique et tribale dans plusieurs régions du pays.
La communauté internationale tente d'atténuer la crise soudanaise. En effet, le voyage de Lavrov dans le pays fait suite aux visites de délégations occidentales visant à former un nouveau gouvernement démocratique à Khartoum.

La Russie cherche depuis longtemps à renforcer ses liens avec les pays africains dans le but de s'implanter sur le continent. Avec le début de l'invasion de l'Ukraine et les tensions avec l'Occident, Moscou a fait de l'Afrique une cible prioritaire afin de gagner en influence au détriment des nations occidentales.
À cette fin, le Kremlin a conclu des accords commerciaux et militaires avec un certain nombre d'États africains. En ce sens, il convient de souligner le grand intérêt de la Russie pour le Sahel, où, par le biais du groupe Wagner et en alimentant un fort sentiment anti-européen, elle pénètre dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso. Cependant, ce ne sont pas les seuls pays du continent où cette organisation liée à Moscou est présente. Comme le souligne Soraya Aybar Laafou, politologue, journaliste et directrice d'Africa Mundi, à Atalayar, les mercenaires russes sont ou ont été activement et militairement présents au Mozambique, en République centrafricaine, en Libye, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Soudan, pays où Lavrov est actuellement basé.
Russian Foreign Minister Sergei Lavrov said that Russia will continue helping Mali improve its military capabilities, a partnership that has prompted Western concern https://t.co/R0rF8C8V1L pic.twitter.com/amyQ5yTr0a
— Reuters (@Reuters) February 7, 2023
Auparavant, le ministre s'est rendu au Mali, où il s'est engagé à aider les pays du Sahel à lutter contre le djihadisme qui menace la région. C'est soi-disant l'objectif principal de Wagner. Cependant, les mercenaires russes ont également été impliqués dans des massacres contre des civils dans différentes parties du pays.

De plus, comme l'affirme Laafou, "la présence de Wagner pourrait être une poudrière d'instabilité". La politologue souligne que l'arrivée de ce groupe "ne promet pas d'améliorations" au niveau régional, car il "pourrait générer des tensions internes". "Récemment, le chef du groupe de soutien aux islamistes et aux musulmans, une filiale d'Al-Qaïda dans la région, a annoncé que l'un des principaux objectifs de son opération était d'expulser les mercenaires russes. Leur présence a mis en péril le contrôle des territoires", explique-t-elle.
En plus de promettre une aide dans la lutte contre le terrorisme, Lavrov a profité de son voyage à Bamako pour attaquer le "néocolonialisme" de l'Occident. Moscou promeut les sentiments anti-français dans le pays depuis des mois par le biais des médias sociaux et de campagnes, car son objectif principal est de "déplacer et de remplir l'espace vacant laissé par la France" dans la région, selon Laafou.

La Russie tente d'atteindre cet objectif de deux manières : militairement - avec des accords et l'entrée de Wagner - et politiquement ou diplomatiquement, par le biais des visites de M. Lavrov sur le continent, par exemple. En outre, dans le cadre de cette stratégie russe, les accusations et les critiques à l'égard de l'Occident jouent un rôle clé. Comme il l'a fait au Mali, Lavrov a également condamné en Afrique du Sud les actions des pays occidentaux contre l'Afrique.
Pour sa part, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a défendu les manœuvres militaires qui seront menées par les deux pays avec la Chine, malgré les critiques internationales. Sur ce point, Laafou a rappelé qu'un grand nombre de pays africains n'ont pas condamné l'invasion russe en Ukraine car "ils entretiennent des liens étroits avec le Kremlin".

La Mauritanie, un autre des pays récemment visités par le ministre russe, attend de Moscou qu'il lui fournisse des hydrocarbures, des aliments et des engrais russes. "Nous sommes prêts à répondre à la demande de la Mauritanie et d'autres pays africains", a déclaré Lavrov lors d'une conférence de presse après avoir rencontré son homologue mauritanien, Mohamed Salem uld Merzoug Nouakchot, selon EFE.
Les projets de la Russie en Afrique ont bénéficié, en partie, de la guerre en Ukraine. "D'une part, alors que le monde a les yeux rivés sur la frontière orientale avec l'avancée des troupes russes en Ukraine, le Kremlin a les 'coudées franches' pour monopoliser les espaces d'influence du flanc sud, également vitaux pour la géopolitique de la Méditerranée et les routes migratoires du Sahel vers l'Europe", souligne Laafou. Mais d'un autre côté, en Libye, par exemple, la Russie a dû réduire le nombre de mercenaires car ils étaient nécessaires dans l'offensive contre l'Ukraine.