Le président libanais laisse entrevoir une rupture avec les chiites à moins de six mois des élections

Michel Aoun prend ses distances avec le Hezbollah et appelle au dialogue sur la défense

AFP/ DALATI AND NOHRA - Michel Aoun prend ses distances avec le Hezbollah et appelle au dialogue sur la défense

Le 15 mai 2022 est déjà marqué sur tous les calendriers libanais. Certains auront dû rayer le 27 mars préconisé par le parlement, mais que le président Michel Aoun a refusé catégoriquement. Ainsi, le ministre libanais de l'Intérieur, Bassam Mawlawi, a annoncé sur son compte Twitter qu'il avait signé un décret "invitant les organes électoraux à voter pour les membres du Parlement dans les jours suivants : le vote pour les Libanais résidant sur le territoire libanais aura lieu le dimanche 15 mai 2022".

Le contexte au Liban est très complexe en raison de la tension qui règne dans le pays depuis des années, et le président Aoun a appelé au dialogue en matière de sécurité et de défense. Le Hezbollah - et par conséquent l'Iran - joue un rôle clé dans la politique libanaise depuis 16 ans. En effet, en 2016, il a été responsable de la propulsion de Michel Aoun à la présidence, bien que ses dernières déclarations suggèrent une prise de distance avec ce qui est considéré par les États-Unis et l'UE comme une organisation terroriste. De plus, selon le président lui-même, le pays "s'effondre" et le plan de redressement financier est plus urgent que jamais pour sortir de ce qui, selon la Banque mondiale, est l'une des pires crises jamais enregistrées.

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"Il est vrai que la défense de la nation nécessite une coopération entre l'armée, le peuple et la résistance, mais la responsabilité première incombe à l'État. L'État ne fait que mettre en place la stratégie de défense et s'occupe de sa mise en œuvre", a déclaré Aoun dans un discours diffusé à la télévision libanaise. Ces mots peuvent signaler une prise de distance avec le Hezbollah, bien qu'il ait bénéficié de son soutien pendant ce qui sera bientôt six ans à la tête du pays. Les relations avec les pays du Golfe sont très difficiles en raison des liens de l'organisation, donc s'en distancer pourrait avoir un effet positif.

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Les relations diplomatiques avec des pays comme l'Arabie saoudite ne sont pas au mieux de leur forme, loin de là. En effet, Riyad a ordonné à l'ambassadeur libanais de quitter le pays après que le ministre George Kordahi a critiqué le rôle saoudien dans la guerre au Yémen. L'ancien ministre de l'Information - qui a démissionné de son poste au début du mois pour apaiser les relations avec l'Arabie - a affirmé sur les médias sociaux que le conflit yéménite est "une agression de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis", et que les Houthis, qui ont renversé le gouvernement internationalement reconnu d'Abdo Rabu Mansur Hadi, "se défendent contre une agression extérieure".

Les propos de Kordahi ont coûté cher au Liban et ont finalement conduit à la démission du ministre. Aujourd'hui, Michel Aoun, prenant ses distances par rapport aux critiques de l'ancien ministre, demande "ce qui justifie que les liens avec ces États (du Golfe) soient tendus et que l'on s'ingère dans des affaires qui ne nous concernent pas". Il a ajouté qu'il souhaitait "les meilleures relations avec les États arabes, en particulier les États du Golfe". Il reste cependant à voir si la position de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis est aussi favorable que celle du Liban actuellement. Les deux principaux pays de la région n'ont pas oublié les critiques sévères formulées par le cabinet d'Aoun et le rétablissement des liens avec Beyrouth ne semble pas être une priorité pour eux.

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Les élections prévues pour le 15 mai pourraient être la première étape d'un nouveau chapitre de la politique libanaise, liée au Hezbollah depuis plus d'une décennie. L'actuel président, Michel Aoun, le sait et a exprimé les premières idées qui vont dans le sens d'une telle séparation avec le groupe armé. Ce qui semble clair, c'est qu'un nouveau gouvernement opposé aux idées radicales du Hezbollah faciliterait grandement les liens avec Riyad et Abu Dhabi, avec lesquels, malgré l'apparente bonne volonté d'Aoun, il sera très difficile de regagner la confiance de l'organisation soutenue par l'Iran qui soutient l'exécutif libanais.