Avec ces nouvelles arrestations, le régime nicaraguayen compte désormais 15 membres de l'opposition arrêtés à cinq mois de l'élection présidentielle

La répression contre les opposants au gouvernement d'Ortega s'intensifie

AFP/MARVIN RECINOS - Le président nicaraguayen Daniel Ortega s'adresse à ses partisans lors de la "Marche pour la sécurité et la paix" organisée par le gouvernement à Managua.

Au cours de ce week-end, la police nicaraguayenne a procédé à six nouvelles arrestations d'opposants au gouvernement. Malgré les recommandations internationales pressant le président Daniel Ortega de libérer quatre pré-candidats aux élections présidentielles qui ont été arrêtés ces dernières semaines, avant les élections du 7 novembre.

Parmi les personnes arrêtées figurent plusieurs dissidents sandinistes tels que les anciens guérilleros Dora María Téllez et Hugo Torres, les militants Ana Margarita Vigil et Tamara Dávila, et le président de l'UNAMOS, Suyen Barahona. Le dernier en date à avoir été arrêté par le gouvernement nicaraguayen est l'ancien vice-ministre des affaires étrangères Victor Hugo Tinoco, accusé d'"incitation à l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures" et d'"appel à une intervention militaire" au Nicaragua, selon un communiqué de presse de la police nicaraguayenne.

Avant son arrestation, Víctor Hugo Tinoco a réalisé un enregistrement en guise de message : "C'est une lutte qui doit continuer, qui ne s'arrêtera pas", publié par le journal La Prensa.

Arturo Cruz, de 67 años, que anunció su candidatura presidencial hace dos meses por la conservadora Alianza Ciudadana por la Libertad AFP/INTI OCON

Les autorités nicaraguayennes ont confirmé dans un communiqué que les dissidents détenus faisaient l'objet d'une enquête "pour avoir commis des actes portant atteinte à l'indépendance, à la souveraineté et à l'autodétermination" et pour avoir "exigé, exalté et applaudi l'imposition de sanctions contre l'État du Nicaragua et ses citoyens, et porté atteinte aux intérêts suprêmes de la nation".

Cristian Tinoco, fille du leader de l'opposition Victor Hugo, a dénoncé via la plateforme Facebook que son père a en fait été "kidnappé par des personnes qui n'étaient pas de la police nationale", mais des civils qui ont mis son père dans une camionnette sans reconnaissance officielle alors qu'il se trouvait dans un centre commercial de Managua. "Le Nicaragua vit dans une dictature. Nous demandons l'aide de la communauté internationale. Cela ne peut plus être autorisé. C'est un scandale", a-t-il déclaré. 

Après cette dernière arrestation, le parti UNAMOS a publié une déclaration : "Nous dénonçons ce nouvel acte perpétré en quelques heures contre notre parti, dans le cadre de l'escalade répressive effrénée du régime d'Ortega. L'UNAMOS réaffirme qu'elle reste ferme dans la lutte pour la démocratie et un Nicaragua de paix et de justice", selon le journal 100% noticias.

Dora María Téllez, ex comandante guerrillera sandinista y líder del Movimiento Renovador Sandinista (MRS), opositor al gobierno del presidente nicaragüense Daniel Ortega AFP/HECTOR RETAMAL
Réactions

Mercredi dernier, le secrétaire général de l'OEA, Luis Almagro, a exigé la libération des détenus et s'est dit préoccupé par ces arrestations, désignant directement le président comme le principal coupable : "Encore une preuve de la véritable nature de la dictature d'Ortega", via son compte Twitter officiel.

L'OEA a indiqué sur son site web que la session virtuelle extraordinaire du 15 juin a été convoquée par les représentations du Canada, qui préside le Conseil permanent de l'OEA, du Brésil, du Chili, du Costa Rica, des États-Unis, du Paraguay et du Pérou, pour aborder "la situation au Nicaragua" afin de "condamner sans équivoque l'arrestation, le harcèlement et les restrictions arbitraires imposés aux candidats potentiels à la présidence, aux partis politiques et aux médias indépendants, et de demander la libération immédiate des candidats potentiels et de tous les prisonniers politiques", selon DW.

Félix Maradiaga, aspirante del grupo opositor Unidad Nacional Azul y Blanca (UNAB) REUTERS/CARLOS HERRERA

Julie Chung, sous-secrétaire par intérim pour l'hémisphère occidental au département d'État américain, a déclaré sur son compte Twitter que "la campagne de terreur d'Ortega-Murillo se poursuit ce week-end avec de nouvelles arrestations arbitraires". Il a également souligné la nécessité pour l'OEA d'envoyer "un signal clair" lors de la réunion qui aura lieu le 15 juin pour qu'il soit mis fin à la répression au Nicaragua.  

De même, ce dimanche, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a exprimé, par le biais du réseau social Twitter, sa préoccupation quant aux nouvelles arrestations d'opposants au Nicaragua, soulignant la "perquisition illégale et arbitraire" de leurs domiciles. En outre, elle a demandé "à l'État du Nicaragua de libérer immédiatement les personnes détenues et de cesser de porter atteinte aux libertés publiques, et en particulier à l'exercice des droits politiques dans le pays".

Agentes de policía vigilan fuera de la oficina del Fiscal General de la República de Nicaragua donde Félix Maradiaga REUTERS/CARLOS HERRERA
Le nombre d'arrestations s'élève à 15

En comptant les dernières arrestations, 13 dirigeants ont été détenus, dont quatre candidats à la présidence. La répression est revenue dans ce pays d'Amérique latine le 2 juin avec l'arrestation de Cristiana Chamorro, fille de l'ancienne présidente Violeta Barrios de Chamorro, qui fait l'objet d'une enquête pour blanchiment d'argent présumé, et la capture ultérieure des candidats Arturo Cruz, Félix Maradiaga et Juan Sebastián Chamorro pour "atteinte à la société et aux droits du peuple", selon El Confidencial.

Le nombre s'élève à 15, dont les prisonniers Walter Gómez et Marcos Fletes, anciens employés de la Fondation Violeta Barrios de Chamorro.

Cette nouvelle escalade rouvre la porte de la répression politique que le pays avait laissée derrière lui après les manifestations de masse de 2018 contre le gouvernement Ortega et auxquelles les forces de l'ordre ont répondu avec violence, se terminant après un total de 300 morts et des centaines d'arrestations.

Le Nicaragua est confronté à cette situation politique tendue à cinq mois des élections du pays, où l'actuel président Daniel Ortega cherchera à renouveler sa candidature.

Coordinateur pour l'Amérique latine : José Antonio Sierra.