La violence a atteint les frontières de la Côte d'Ivoire, de la Guinée et du Sénégal

Sommet du G5 sur le Sahel : que se passe-t-il maintenant ?

AFP/SEBASTIEN RIEUSSE - Un soldat de l'armée malienne monte la garde à l'entrée des infrastructures du G5 Sahel, une force anti-terroriste composée de cinq pays (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad)

Le sommet du G5 sur le Sahel a eu lieu à N'Djamena, capitale du Tchad, les 15 et 16 février. Étaient également présents à la réunion la France - qui avec l'opération Barkhane est le pays européen ayant la plus grande présence militaire dans la région - plusieurs pays de l'Union européenne - qui a trois missions d'entraînement dans la région - et des pays du Moyen-Orient et du Maghreb comme le Maroc et les Émirats arabes unis. 

Le sommet a été précédé par un certain nombre de défis

Tout d'abord, l'impopularité croissante de Barkhane dans la société française, due à l'augmentation du nombre de victimes, a mis sur la table l'idée d'amorcer une désescalade. Macron devait faire des commentaires sur ce sujet et sur la réaction des pays du G5 au Sahel.

Sur le terrain, les questions à débattre seraient de savoir si la situation sécuritaire s'est améliorée par rapport à l'année dernière, lorsque la France a augmenté le nombre de troupes sur le terrain avec 600 soldats supplémentaires face à la propagation de la violence. Cela n'a pas été réalisé. La violence a atteint les frontières de la Côte d'Ivoire, de la Guinée et du Sénégal - pays auparavant immunisés contre la menace djihadiste. L'attitude du Sénégal, présent au sommet du G5 sur le Sahel, et sa préoccupation pour le terrorisme, "qui n'est plus considéré comme un phénomène lointain, mais comme un danger immédiat"1, sont symptomatiques de cette préoccupation.

L'augmentation de la violence contre les civils était un autre des problèmes à traiter. 2020 a eu le triste honneur d'être l'année la plus meurtrière pour les civils "avec 2 400 victimes au Burkina Faso, au Mali et au Niger.2" La plupart d'entre eux par les troupes gouvernementales, ce qui fait de 2020 la première année où la tendance s'est inversée en ce qui concerne les personnes qui ont tué le plus de civils. On peut citer comme exemples la découverte au Niger inné de 71 corps en mars et avril 2020, 210 exécutions de civils au Burkina Faso entre novembre 2019 et juin 2020 et le meurtre de 37 personnes à Binedama Mali le 5 juin 2020 par des militaires accompagnés de milices d'autodéfense. Les enquêtes judiciaires sur ces atrocités sont au point mort et les militaires n'ont pas présenté d'excuses. Cela ne fait qu'accroître la méfiance des populations locales envers les autorités, facilitant ainsi l'établissement de groupes terroristes. 

La France a annoncé qu'elle n'allait pas retirer ses troupes à court terme. Il a annoncé que l'ennemi à battre serait les groupes associés à Al-Qaida, le Groupe de soutien à l'Islam (JNIM) et Katiba Mancina. M. Macron a également salué la décision du président tchadien Idriss Debay d'envoyer 1 200 soldats dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso et Niger), preuve aux yeux de Paris de l'engagement du G5 Sahel à défendre sa sécurité.

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Paris a également demandé aux pays du G5 une plus grande implication politique, en particulier le retour de l'application de la loi par l'État et l'investissement dans les zones où la violence djihadiste est présente. Un tel message peut être interprété comme un appel à l'ordre lancé aux pays de la coalition pour qu'ils n'abusent pas de leurs citoyens, ce qui aggrave les chances de mettre fin à la menace djihadiste. Le message faisait également référence au soutien de l'Alliance du Sahel, qui a tenu sa deuxième assemblée en même temps que celle du G5 Sahel. Cette alliance vise au développement socio-économique des pays du G5. Accepter l'aide de cette Alliance ainsi qu'un meilleur traitement des civils par les troupes du G5 au Sahel permettrait de réduire la violence, ce qui faciliterait la désescalade française. Cela prouverait également la valeur des pays de la région dans la gestion de leur sécurité eux-mêmes et d'une manière éthique, ce qui n'a pas été le cas huit ans après le début de l'instabilité dans la région.

Les deux objectifs peuvent-ils être atteints ?

Sur le plan politique, outre les faiblesses structurelles et les abus décrits ci-dessus dans les pays du G5, certains de ces pays connaissent des changements politiques qui compliquent leurs possibilités de contribuer à la lutte contre le terrorisme. Le Mali est en pleine transition politique depuis le coup d'État du mois d'août. A ce jour, cette transition est toujours en cours, comme le montre la dissolution de la junte militaire de transition en janvier. Toutefois, des doutes subsistent quant à la manière dont elle se terminera. Ces doutes compliquent l'avenir délicat du Mali, à l'origine de la situation actuelle et le plus touché par le terrorisme djihadiste et la violence gouvernementale.

Le Tchad et le Niger sont également confrontés à des problèmes politiques. Au Tchad, la décision de l'actuel président Idriss Deby de se présenter à une sixième élection présidentielle a suscité des protestations. Le Niger a connu ce mois-ci le second tour des élections présidentielles, au cours duquel le candidat pro-gouvernemental Mohamed Bazoum a remporté la victoire. L'opposition a parlé de fraude électorale et des manifestations ont été organisées dans les principales villes, qui ont été réprimées.3 

De tels événements politiques jettent des doutes sur la viabilité des pays de la région à se conformer à l'annonce faite par M. Macron d'une plus grande implication politique dans l'amélioration des conditions de vie de leurs citoyens. Très probablement, ces dirigeants utiliseront la force pour faire taire tout signe d'opposition à leur mandat, facilitant ainsi l'établissement de groupes terroristes. 

Atalayar_Macron Sahel

Il reste également à voir comment la désescalade française se jouera à moyen et long terme. Il n'est pas possible de prévoir si la situation militaire s'améliorera au cours de l'année, ce qui pourrait stopper le retrait ou entraîner une augmentation des troupes, comme ce fut le cas lors du sommet de Pau en 2020. On parle de la possibilité de commencer par retirer les 600 soldats qui ont été envoyés en 2020, un geste qui, s'il était fait, "enverrait un signal politique, mais sans changer la situation"4. Si cela devait se faire au final, cela laisserait 4500 soldats sur le terrain, qui continueront à être la proie de la mort, augmentant la fatigue populaire contre la mission, ce qui pourrait coûter à Macron la présidence5

Enfin, il n'existe à ce jour aucune alternative militaire qui puisse supplanter l'effort militaire français. La Task Force Takuba, composée de 7 pays européens, bien qu'elle soit un signe de la réponse à la demande de Paris pour une plus grande présence européenne au Sahel, ne peut être considérée comme un substitut à Barkhane. Ses compétences se limitent à l'assistance aux forces maliennes. De plus, on peut se demander dans quelle mesure Takuba est représentatif de l'intérêt européen pour le Sahel, car les contributions des autres pays ont été faites au compte-gouttes, la plupart du personnel et du commandement se trouvant à Paris. Les missions de l'Union européenne sur le terrain ne sont pas non plus une alternative, car elles se limitent à former les militaires et les policiers des pays de la région, et non à combattre comme Barkhane. A cela, il faut ajouter la faiblesse des forces du G5 Sahel, dont les capacités sont encore douteuses.

En conclusion, le sommet du G5 sur le Sahel de ce mois a eu pour toile de fond le début de la fin de la présence française dans la région, l'amélioration de la sécurité sur le terrain et les allégations d'abus contre les civils par les forces gouvernementales. Au cours du sommet, M. Macron a annoncé qu'il n'allait pas assister à une réduction des troupes à court terme et a demandé aux pays de la coalition de s'impliquer davantage dans l'amélioration du bien-être de leurs citoyens. Ces deux objectifs sont difficiles à atteindre, car le Tchad, le Niger et le Mali sont plongés dans des processus politiques susceptibles de les déstabiliser et les militaires n'ont pas présenté d'excuses pour les atrocités commises, et les enquêtes judiciaires n'ont pas progressé. Quant au retrait français, il n'y a pas de force militaire qui puisse remplacer Barkhane. Takuba et les missions de l'Union européenne sont limitées par la lenteur des contributions européennes dans le cas de Takuba et leur non-intervention dans les actions de combat dans le cas de l'Union européenne. A cela s'ajoute la faiblesse des troupes du G5 au Sahel, dont on peut encore douter de la capacité à gérer sa propre sécurité.

Références:
  1. BAKARY, Sambe, “Terrorisme: Le front Est, le Shift de N´Djamena et la <<novuelle doctrine>> Macky Sall, Timbuktu Institute, 24 febrero de 2021, disponible en Terrorisme : Le front Est, le Shift de N’djamena et la « nouvelle doctrine » Macky Sall (Par Dr. Bakary Sambe) (timbuktu-institute.org)
  2.  TRAORÉ, Drissa, “Plus de civils ou suspects non armés ont été tués au Sahel en 2020 par des forces de sécurité que par des groups extremistes”, Le Monde, 14 de febrero de 2021, disponible en « Plus de civils ou suspects non armés ont été tués au Sahel en 2020 par des forces de sécurité que par des groupes extrémistes » (lemonde.fr)
  3. Sobre ambos países véanse los siguientes enlaces: Níger: el oficialista Mohamed Bazoum se hace con la presidencia en la segunda vuelta (france24.com), Idriss Déby anuncia su nueva candidatura a la Presidencia de Chad entre protestas para pedir su salida del poder (europapress.es) y Mueren dos personas en el marco de las protestas opositoras contra los resultados electorales en Níger (europapress.es)
  4.  VINCENT, Elise, “G5 Sahel : l`avenir de l`opération <<Barkhane>> au menu du sommet de N`Djamena”, Le Monde, 15 de febrero de 2021, disponible en: G5 Sahel : l’avenir de l’opération « Barkhane » au menu du sommet de N’Djamena (lemonde.fr)
  5.  Francia celebrará presidenciales el año que viene.