Spéculations sur le possible départ de Pedro Sánchez

Le Président du gouvernement espagnol s'est adressé au public dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, dans laquelle il dit avoir besoin de temps pour "s'arrêter et réfléchir" après la plainte déposée contre son épouse pour trafic d'influence présumé 
El presidente del Gobierno español, Pedro Sánchez - PHOTO/AFP/JAVIER SORIANO
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez - PHOTO/AFP/JAVIER SORIANO
  1. Les scénarios qui s'ouvrent
  2. Une histoire de confrontation

Pedro Sánchez, Président du gouvernement espagnol, s'est adressé au public espagnol dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, dans laquelle il a déclaré qu'il avait besoin de "s'arrêter et de réfléchir" pendant un certain temps après le tumulte généré par le dépôt d'une plainte contre son épouse, Begoña Gómez, qui est accusée de trafic d'influence présumé et de corruption présumée dans le monde des affaires.  

Tout a commencé avec la plainte déposée par le syndicat Manos Limpias, qualifié d'extrême droite par divers secteurs, dans laquelle Begoña Gómez est accusée de trafic d'influence et de corruption dans les affaires. Suite au dépôt de la plainte, un tribunal de Madrid a ouvert une enquête sur l'épouse du président. Selon Pedro Sánchez, les faits sont "aussi scandaleux" qu'ils sont "inexistants", et son épouse a déjà intenté une action en justice, comme l'ont rapporté divers médias tels qu'Infobae. Une plainte qui a peu de chances d'aboutir.

Interrogé à ce sujet au Congrès, Pedro Sánchez s'est contenté de dire qu'il faisait confiance à la justice espagnole et qu'il la respectait même à l'heure actuelle. Par la suite, il a annoncé qu'il avait besoin de s'arrêter et de réfléchir, interrompant ainsi son programme public. Une situation dont il a également informé le roi Felipe VI, comme l'ont confirmé des sources de Radio Televisión Española.  

Le Président du gouvernement a demandé un temps de réflexion et a interrompu son agenda public pendant quatre jours ; il continuera à exercer ses fonctions, mais sans actes publics. Tout cela jusqu'au lundi 29 mai, jour qu'il a réservé pour une annonce publique. 

Pedro Sánchez - AFP/LUDOVIC MARIN
Pedro Sánchez - AFP/LUDOVIC MARIN

Les scénarios qui s'ouvrent

Lundi prochain, il pourrait annoncer que, malgré ce qui s'est passé, il reste en fonction, ce qui signifierait que tout continuerait comme avant. Dans ce cas, le temps de réflexion aurait servi d'avertissement face à la tension qui a marqué la vie politique espagnole ces dernières années.  

Le Président du gouvernement pourrait également convoquer des élections pour voir ce que le peuple espagnol décidera une fois de plus. Cependant, cela ne pourrait avoir lieu avant le 23 juillet, car cette procédure nécessite la dissolution des Cortes et un an doit s'écouler depuis la précédente dissolution qui a conduit à la tenue des dernières élections, à l'issue desquelles l'actuel gouvernement dirigé par Pedro Sánchez a été formé. La dernière dissolution des Cortes a eu lieu le 29 mai et la convocation des élections le 23 juillet.  

D'autre part, il pourrait également démissionner face à la pression générée. Dans ce cas, le gouvernement resterait en place avec la vice-présidente María Jesús Montero à sa tête jusqu'à la convocation et l'organisation d'élections pour la formation d'un nouveau gouvernement. Le gouvernement intérimaire aurait une capacité de manœuvre très limitée et la normalité ne pourrait être rétablie qu'avec la formation d'un nouveau gouvernement après la tenue d'élections.  

Enfin, le Président du gouvernement pourrait poser une question de confiance pour renforcer sa position au Congrès face à la situation qui s'est créée. Pour avoir le soutien de la chambre basse, il lui suffirait d'obtenir une majorité simple à la chambre, ce qui serait en principe garanti avec ses partenaires gouvernementaux actuels. 

Une histoire de confrontation

Depuis son arrivée au pouvoir à la suite de la motion de censure qui a évincé de la présidence l'ancien chef du Parti populaire (PP), Mariano Rajoy, aujourd'hui dans l'opposition, l'actuel Président du gouvernement, Pedro Sánchez, a connu plusieurs moments de tension politique liés à une crispation généralisée au cours de ses mandats.

La principale source de friction est l'acrimonie entre le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au pouvoir et le PP, qui s'est accentuée depuis la motion de censure qui a porté Pedro Sánchez au pouvoir.  

Pedro Sánchez a pris le contrôle total du PSOE après une forte crise interne au sein du parti entre la fin du mandat de l'ancien dirigeant José Luis Rodríguez Zapatero et sa succession au poste de secrétaire général du principal parti de gauche espagnol.  

Pedro Sánchez a résisté à de nombreuses querelles intestines et a obtenu le soutien de la majorité au sein de l'appareil du parti pour en devenir le secrétaire général. À partir de là, il est devenu le principal leader de l'opposition au PP au pouvoir et a réussi à obtenir le soutien du Congrès pour mener à bien la motion de censure contre Mariano Rajoy et devenir Président du gouvernement espagnol en 2018. Dans un contexte de crise économique et avec un PP en proie à diverses accusations de corruption.  

Depuis, ce sont six années de dures confrontations politiques et de mandats compliqués pour Pedro Sánchez, avec des problèmes globaux tels que la pandémie du COVID, la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza et la crise économique et inflationniste mondiale persistante.  

Des vicissitudes face auxquelles il a toujours tenu bon, appliquant la devise de son livre : "Manuel de résistance". Un titre qui correspond à sa capacité à résister et à surmonter tous les revers de son parti et du gouvernement. 

El presidente del Gobierno español y candidato del Partido Socialista (PSOE) a la reelección, Pedro Sánchez, gesticula tras las elecciones generales españolas en la sede del PSOE en Madrid, el 23 de julio de 2023 - PHOTO/AFP/JAVIER SORIANO
Le Premier ministre espagnol et candidat du Parti socialiste (PSOE) à la réélection Pedro Sanchez fait un geste après les élections générales espagnoles au siège du PSOE à Madrid le 23 juillet 2023 - PHOTO/AFP/JAVIER SORIANO

Un autre point sensible de sa carrière est sa dépendance excessive à l'égard des partis nationalistes et indépendantistes, sur lesquels il s'est appuyé aussi bien dans son précédent gouvernement que dans l'actuel, car il n'avait pas le nombre nécessaire pour gouverner seul. Les partis nationalistes et indépendantistes ont des revendications, qui vont jusqu'à la souveraineté et l'organisation éventuelle d'un référendum sur l'indépendance de la Catalogne, par exemple, ce à quoi Pedro Sánchez a dû faire face ces derniers temps. Une question qui a lourdement pesé sur son gouvernement.  

Il faut même rappeler qu'à l'issue des dernières élections de 2023, le PP l'avait emporté en termes de voix et de sièges, mais que Pedro Sánchez avait réussi à réunir les soutiens nécessaires pour former un gouvernement, avec les partis nationalistes et indépendantistes basques et catalans et d'autres formations de gauche comme Sumar, une scission du groupe Podemos défenestré.  

Il reste maintenant à voir ce que Pedro Sánchez annoncera lundi prochain. Qu'il démissionne après la dernière forte polémique sur les affaires de son épouse suite à la plainte du syndicat Manos Limpias, ou qu'il continue d'appliquer son "Manuel de résistance" et reste au pouvoir ou force la situation pour que le Congrès lui accorde à nouveau sa confiance et se remplisse d'appuis pour poursuivre sa législature.  

Nous verrons quel sera le prochain rebondissement du scénario, ce à quoi Pedro Sánchez a été très enclin au cours de son activité politique, comme lorsqu'il a convoqué des élections générales anticipées la dernière fois après les élections régionales désastreuses du PSOE, ce qui n'a finalement pas eu l'effet escompté, et il a même réussi à renouveler sa position en tant que Président du gouvernement espagnol.