La Turquie réduit son activité en Syrie à cause du coronavirus

La Turquie ajuste sa stratégie en Syrie à cause du coronavirus. Le ministère de la défense d'Ankara a publié une déclaration officielle informant de sa décision de limiter au maximum les mouvements de ses troupes dans le pays voisin. Toutes les entrées et sorties des zones d'opération doivent être dûment contrôlées par les commandants des forces armées.
De même, un contingent de médecins a été envoyé dans les bases turques du nord de la Syrie pour fournir des soins et une attention à tout membre des forces armées dont le test de COVID-19 est positif, ainsi que pour mener une campagne de sensibilisation auprès du personnel militaire déployé dans la région.
En outre, tous les soldats qui arrivent dans le pays en provenance de Turquie seront soumis à une période de surveillance qui durera quatorze jours, à l'issue de laquelle ils passeront un examen médical pour vérifier leur état de santé. Le document indique également que le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour désinfecter les véhicules militaires et les zones communes.

Ces précautions comprennent l'envoi d'équipements de protection NRBC au front (contre les matières nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques toxiques) et de masques de différents types. Il est détaillé que les usines nationales produisent deux millions et demi par semaine.
Tout porte à croire que, de cette manière, l'opération dite « Bouclier de printemps », lancée par Ankara il y a un peu plus d'un mois après la mort de plus de 30 de ses soldats suite à un bombardement de l'armée arabe syrienne, va voir son impact considérablement réduit dans les prochaines semaines. Il est vrai, cependant, que l'ordre du ministère de la défense laisse une faille ouverte pour la poursuite des opérations sur le terrain, puisqu'il préconise de limiter les mouvements « sauf si cela est obligatoire ». En fonction de la mesure dans laquelle les commandants militaires font cette exception, l'activité sera plus ou moins intense.

En tout état de cause, la Défense affirme que les patrouilles conjointes avec les troupes russes sur la route stratégique M4 près d'Idlib continueront à être opérationnelles. Ces patrouilles ont été mises en place dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu pour la zone de désescalade signé par Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine à Moscou au début du mois de mars dernier.
La communication profite également de l'occasion pour faire brièvement le point sur les progrès de la campagne turque. Le ministère note en particulier que les troupes turques ont reçu 57 attaques de milices pro-Damas au cours du mois dernier, auxquelles il a été dûment répondu sur la base du principe d'autodéfense. On rapporte également l'arrestation de près de 60 terroristes présumés associés au PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste) et au YPG, sa branche en Syrie.
En effet, les déploiements militaires entrepris par le gouvernement turc sur le sol syrien ont le double objectif, d'une part, d'éliminer, dans la mesure du possible, les membres des milices, principalement kurdes, qu'Ankara considère comme une menace. D'autre part, il tente de continuer à déstabiliser la situation générale du pays afin de gagner du poids géopolitique dans la région ; une victoire des forces armées d'Al-Assad, comme cela semble être le cas, signifie pour Erdogan d'avoir un régime soutenu par l'Iran, l'un de ses plus grands rivaux régionaux.

En outre, la Turquie reste confrontée à un autre problème lié à la guerre en Syrie et accentué par la pandémie de coronavirus : la gestion des flux de réfugiés en provenance du sud. Les unités de garde-frontières ont été correctement entraînées pour éviter tout contact physique avec les personnes arrivant d'Idlib et de ses environs en raison des combats entre l'armée arabe syrienne et les milices protestantes. Malgré la pandémie, des milliers de personnes continuent de fuir la guerre jusqu'à la frontière turque, où elles s'installent dans des camps qui souffrent de conditions sanitaires et d'hygiène extrêmement mauvaises.
Ces colonies, où il est pratiquement impossible d'appliquer efficacement les mesures préventives prescrites par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sont aujourd'hui une bombe à retardement. Comme les membres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les ONG humanitaires l'ont signalé, la contagion dans ces colonies peut avoir des effets dévastateurs.

En dehors des camps, la situation n'est guère meilleure. La Turquie est très durement touchée par la pandémie. La dernière mise à jour des données officielles, fournies par le ministre de la santé Fahrettin Koca et collectées par le portail worldometers.info, reconnaît plus de 30 000 cas d'infection dans le pays, ainsi que 649 décès. Cependant, les responsables de la santé turcs ont accusé à plusieurs reprises Ankara d'avoir inventé ces chiffres. En réalité, le nombre de positifs pourrait être beaucoup plus élevé.
Mais l'urgence sanitaire n'est pas la seule à laquelle sont confrontées les autorités du pays. L'aspect économique de la crise du coronavirus est particulièrement dommageable pour une économie comme celle de la Turquie, peu diversifiée et très dépendante des revenus générés par le tourisme.

Avec les voyages d'agrément, en intérieur comme en extérieur, en attente, de nombreuses entreprises de toutes tailles se préparent à une saison maigre cet été. Récemment, un rapport publié par l'agence de notation des risques Moody's a prédit une contraction cumulée de 7 % du produit intérieur brut de la Turquie au cours des deuxième et troisième trimestres de 2020.