L'intervention de Macron tend encore davantage les relations entre l'Algérie et la France

L'Algérie et la France continuent de traverser une période tumultueuse dans leurs relations diplomatiques.
L'intervention publique du président français Emmanuel Macron, qui a appelé à un durcissement des conditions d'octroi des visas diplomatiques algériens, a encore exacerbé les tensions.
Macron a demandé à son gouvernement de renforcer les conditions d'octroi des visas pour les diplomates algériens, alors que la liste des griefs entre les deux pays ne cesse de s'allonger.
L'annonce de ces nouvelles mesures par Macron marque la première fois en plusieurs mois que le président entre dans la mêlée des représailles et des contre-représailles entre les deux pays.
Jusqu'à présent, la gestion des relations tendues entre Paris et Alger était entre les mains du ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, et du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Les analystes considèrent que l'implication du président français constitue un revers personnel pour le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui a tenté de protéger les liens avec Macron des conséquences des récriminations entre la France et l'Algérie.
Il avait déclaré par le passé que le président français resterait la « seule référence » de l'Algérie en France.
Au début du mois, Tebboune a réaffirmé qu'il n'avait « aucun problème » avec Macron ni avec la France, attribuant plutôt les difficultés à une « minorité extrémiste » en France qui nourrit « une obsession pour l'Algérie ».
Dans une lettre adressée à son Premier ministre, François Bayrou, et publiée par le quotidien français Le Figaro, Macron a déclaré que les difficultés croissantes auxquelles la France est confrontée en matière de migration et de sécurité avec l'Algérie nécessitent une position plus ferme à l'égard de l'ancienne colonie française.
Macron a demandé à Barrot d'informer officiellement l'Algérie de la suspension d'un accord de 2013 qui exemptait les titulaires de passeports diplomatiques et officiels de l'obligation de visa.
Il a également demandé au ministre français de l'Intérieur de demander aux pays de l'espace Schengen, qui autorisent les déplacements sans passeport entre leurs frontières, d'aider la France à appliquer la politique de visas plus stricte, notamment en consultant la France sur la délivrance de visas de courte durée aux fonctionnaires algériens concernés et aux passeports couverts par l'accord de 2013.
La France doit être forte et inspirer le respect. Elle ne pourra l'obtenir de ses partenaires qu'en leur témoignant le respect qu'elle exige d'eux. Cette règle fondamentale s'applique également à l'Algérie, a déclaré M. Macron.
Pour expliquer son durcissement à l'égard d'Alger, Macron a cité les cas de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné par un tribunal algérien à cinq ans de prison pour « atteinte à l'intégrité territoriale » du pays, et celui du journaliste français Christophe Gleizes, condamné à sept ans de prison en Algérie pour « apologie du terrorisme ».
En juillet, un tribunal algérien a confirmé une peine de cinq ans de prison contre Sansal, un citoyen de 80 ans ayant la double nationalité, pour des propos tenus dans un média français.
Après le verdict, le Premier ministre français, François Bayrou, a déclaré qu'il espérait que son homologue algérien accorderait la grâce à Sansal, ce qui n'a jamais été le cas.
Le président français a également exhorté Tebboune à faire preuve de « clémence et d'humanité » envers l'auteur, mais en vain.
Dans sa lettre au Premier ministre français, Macron a également évoqué « le non-respect par l'Algérie de ses obligations » en matière migratoire et le manque de coopération entre les consulats algériens et les autorités françaises.
Barrot avait déjà annoncé le 14 mai « le retour en Algérie de tous les fonctionnaires titulaires d'un passeport diplomatique qui ne disposent pas d'un visa en cours de validité », en réaction à ce qu'il a qualifié de décision « injustifiée et injustifiable » prise précédemment par Alger d'expulser des fonctionnaires français.
Macron a également demandé au gouvernement de recourir « immédiatement » à une disposition de la loi sur l'immigration de 2024, le « levier de réadmission des visas (LVR) », qui « permet de refuser les visas de courte durée aux titulaires de passeports de service et diplomatiques, ainsi que les visas de longue durée à tous les types de demandeurs ».
Les relations entre Paris et Alger se sont détériorées depuis que la France a reconnu en juillet 2024 la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, dans un contexte de soutien croissant des capitales occidentales au plan d'autonomie du royaume marocain pour ce territoire.
Début avril, les tensions se sont brièvement apaisées après la visite de Barrot à Alger, mais une semaine plus tard, les expulsions diplomatiques en représailles ont de nouveau tendu les relations.
À la mi-avril, la France a rappelé son ambassadeur à Alger et expulsé 12 agents du réseau consulaire et diplomatique algérien en France, après qu'Alger eut expulsé 12 diplomates français.
L'enlisement des relations franco-algériennes est le résultat d'une accumulation historique de problèmes non résolus et de blessures non cicatrisées, ainsi que des désaccords politiques actuels sur des questions régionales et sensibles et de l'influence de facteurs internes dans les deux pays.
Parmi celles-ci figure la question des archives algériennes conservées en France, que la France a jusqu'à présent refusé de restituer dans leur intégralité, ainsi que la question des personnes disparues pendant la guerre de libération.
Les divergences de vues sur les migrations et la circulation des personnes entre les deux pays ont également été un sujet de discorde persistant.
Les déclarations de certains responsables français, en particulier celles que l'Algérie considère comme une ingérence dans ses affaires intérieures ou comme ayant une vision colonialiste, ont exacerbé les tensions.
De mauvaises relations ont des répercussions importantes sur la sécurité, l'économie et la société. Le commerce est important et environ 10 % des 68 millions d'habitants de la France ont des liens avec l'Algérie, selon des responsables français.