La Turquie tire à nouveau la sonnette d'alarme après ses explorations en mer Égée

La Turquie et la Grèce semblent s'être rapprochées dans leur différend de longue date sur l'exploration des hydrocarbures en Méditerranée orientale, et maintenant en mer Égée. Le mois dernier, Ankara et Athènes se sont rencontrées à Istanbul pour des "contacts exploratoires" afin de voir si elles peuvent réellement s'asseoir à l'avenir pour conclure un accord mutuellement satisfaisant. Il s'agit d'un grand pas entre les deux pays, après l'arrêt complet du dialogue en 2016.
De même, et compte tenu de la nouvelle administration Biden qui ne sera pas aussi accommodante pour le pays eurasien que ne l'était la précédente administration Trump, la Turquie semble vouloir revenir sur la voie du centralisme et reprendre ses relations avec l'Union européenne. Le président turc Recep Tayyip Erdogan lui-même, lors d'une vidéoconférence avec la chancelière allemande Angela Merkel, a exprimé son souhait qu'un sommet soit organisé au cours du premier semestre entre la Turquie et l'Union européenne.

L'UE accueille néanmoins ce geste avec prudence, car ce n'est pas la première fois que la Turquie tente de rapprocher ses positions de celles de l'Union, mais il est vrai que la grave situation à laquelle est confrontée l'économie turque a contraint M. Erdogan à faire marche arrière et à mettre de côté la rhétorique fraternelle de ces derniers mois afin de rechercher un retour à la normale en termes de relations avec l'Union européenne.
Malgré tous ces bons gestes d'Ankara, Erdogan n'a pas réussi à réprimer ses impulsions expansionnistes, et la Turquie effectuera à nouveau des inspections dans les eaux contestées, cette fois-ci en mer Égée. La marine turque a publié une déclaration indiquant que le navire de recherche "Cesme" effectuera un relevé hydrographique du 18 février au 2 mars dans une zone des eaux internationales dans laquelle la Grèce et la Turquie ont des intérêts communs. Depuis Ankara, on dit que les explorations seront menées dans les eaux internationales de la mer Égée. Ils ajoutent également qu'elle sera limitée à la surface de la mer.

Pour sa part, la Grèce a déjà manifesté sa désapprobation et a envoyé une lettre à l'ambassade de Turquie à Athènes et au ministère turc des affaires étrangères à Ankara pour dénoncer cette nouvelle expédition. "C'est une mesure inutile qui n'aide pas le sentiment positif", a déclaré le porte-parole du gouvernement grec Christos Tarantilis à la presse. Le fait est que la zone vers laquelle Ankara a averti que le "Cesme" se déplacerait n'est qu'à sept miles de Lemnos et Agios Efstratios et à environ 10 miles à l'est de Skyros.
Cette nouvelle incursion turque survient quelques jours après que les pays méditerranéens et arabes, dont la Grèce et Chypre, aient organisé un "Forum de l'amitié" auquel la Turquie n'était pas invitée. Ankara a accusé le pays grec de saboter ses efforts pour se rapprocher de l'Union européenne. Le porte-parole du ministère turc des affaires étrangères, Hami Aksoy, a fait une déclaration écrite sur la réunion du Forum Philia à Athènes (Friendship Forum), rappelant qu'aucun "Forum" sur la région sans la participation de la Turquie, un pays clé, et des Chypriotes turcs ne peut prétendre à la réussite.

M. Aksoy a également rappelé que la Turquie a demandé à plusieurs reprises l'organisation d'une conférence régionale sur la Méditerranée orientale, avec la participation de tous les pays souverains, y compris la République turque de Chypre du Nord. Dans ce contexte, l'adoption d'une telle approche est un signe d'hostilité envers la Turquie, a-t-il soutenu, ajoutant qu'elle "sabote les efforts de l'UE pour l'unité en Méditerranée".
Le profond fossé qui sépare la Grèce et la Turquie semble infranchissable et l'impolitesse des deux parties persiste, malgré le rapprochement tiède lors du 61e cycle de négociations sur la Méditerranée orientale, qui devrait reprendre, bien que sans date précise pour l'instant, à Athènes.