« Al-Amal » des Émirats à la tête du peloton d'engins spatiaux en route pour Mars

Comme s'il s'agissait d'un tour à vélo interplanétaire, le chef d'un peloton de trois engins spatiaux en route pour Mars se trouve déjà à 10 millions de kilomètres de la Terre.

Tous trois ont décollé dans la seconde moitié du mois de juillet du Japon, de la Chine et des États-Unis et sont maintenant engagés dans un contre-la-montre individuel sauvage dont le but ultime est d'atteindre la planète rouge en février 2021, à 493,6 millions de kilomètres de notre planète bleue. 

Quittant la Terre à une vitesse de 12 500 kilomètres à l'heure, l'unique caravane est commandée par la sonde Al-Amal des Emirats, suivie de la sonde chinoise Tianwen-1. La capsule américaine Mars 2020, qui abrite le véhicule tout-terrain Persévérance d'une tonne plein de technologie, clôt la marche. Elle comprend deux systèmes espagnols clés : l'antenne à gain élevé pour communiquer avec le sol et la station environnementale et météorologique, construite par Airbus Space Systems, CRISA et le Centre d'astrobiologie.

Selon les schémas qui prévalent dans toutes les missions interplanétaires, les contrôleurs au sol de chacune des trois sondes martiennes ont déjà effectué les premières corrections de trajectoire. 

En cyclisme, cela équivaudrait à une sorte de ravitaillement au milieu d'une course. Dans le cas de ce long voyage Terre-Mars sans propulsion - en ne comptant que sur l'impulsion initiale -, au cours des sept mois de voyage, de petites déviations se produisent, qui s'accumulent et peuvent grandement modifier la trajectoire correcte.

Pour éviter que chaque vaisseau spatial ne glisse de son point d'arrivée prévu, des centres de contrôle au sol, qui surveillent 24 heures sur 24 la progression de la navigation dans le cosmos, ajustent les trajectoires pour les ramener à leur destination finale. 

Cela a été fait par les techniciens émiratis installés dans la salle des opérations du Centre spatial Mohammed bin Rashid à Dubaï, les Chinois au Centre de contrôle aérospatial de Pékin - à quelque 14 kilomètres du centre de la capitale - et les Américains au Centre d'opérations des vols spatiaux de Pasadena, en Californie, à seulement 20 kilomètres de Hollywood.

Les premiers à affiner le parcours ont été les Chinois, qui l'ont fait le 1er août, alors que la sonde Tianwen-1 avait déjà parcouru près de 3 millions de kilomètres. Première des trois autres manœuvres de correction prévues lors de son voyage vers Mars, une déclaration officielle de l'Administration nationale chinoise de l'espace (CNSA) - l'équivalent de la NASA des États-Unis - confirme que le vaisseau spatial a mis à feu ses propulseurs pendant 20 secondes.  

Mission qui aiguise l'appétit interplanétaire de la Chine et qui comprend un module de surface et un petit véhicule tout-terrain, Tianwen-1 a été lancé dans l'espace le 23 juillet depuis la base spatiale de Wenchang.  

Les Américains ont pratiqué avec succès la redirection de Mars 2020 le 14 août, trois semaines après son lancement depuis le cap Canaveral. La NASA, l'administration nationale américaine de l'aéronautique et de l'espace, a prévu cinq autres mises à feu de moteurs de faible poussée - 30 septembre, 18 décembre, 10 février, 16 février 2021 et quelques heures avant la descente - et plus si nécessaire, pour positionner le 18 février le véhicule tout-terrain Persévérance au-dessus du grand cratère martien Jezero en quête de vie. 

Les derniers à modifier l'itinéraire ont été les Emirats, qui ont exécuté la première des sept manœuvres de correction de vol d'Al-Amal le 17 août, près d'un mois après son lancement depuis le centre spatial japonais de Tanegashima le 19 décembre.

Bien que la Chine dispose de ses propres systèmes de communication à très longue portée, les liens pour réorienter Al-Amal et Mars 2020 ont été établis par le biais des grandes antennes du réseau Deep Space de la NASA situées en Europe, en Amérique et en Océanie. De cette façon, la couverture des deux sondes et de toutes les autres est complète 24 heures sur 24, pendant que la Terre tourne sur elle-même.

Les cinq premières grandes antennes du réseau sont installées dans le désert californien de Mojave, dans le complexe de communication de Goldstone. Celle d'Europe est située à Robledo de Chavela, à une demi-centaine de kilomètres de Madrid. Doté également de cinq antennes impressionnantes, il est exploité par des techniciens espagnols de l'Institut national de technologie aérospatiale (INTA) et de l'entreprise publique ISDEFE.

Celle de l'Australie est située à environ 50 kilomètres de Canberra, mais ses quatre antennes sont commandées à distance et en permanence depuis Robledo de Chavela. En raison de la distance de la Terre à laquelle ils se trouvent, qui dans le cas d'Al-Amal est de 10 millions de kilomètres et de Tianwen-1 et Mars 2020 un peu moins, le délai pour établir les transmissions et les commandes vers et depuis le site est de l'ordre de 66 secondes, « ce qui augmente d'environ deux secondes chaque jour qui passe et les trois sondes sont plus éloignées », confirment les techniciens espagnols des télécommunications.

Malgré le fait que les contrôleurs au sol puissent effectuer les corrections programmées sur les trajectoires des trois engins spatiaux, l'unique section spatiale n'est pas exempte de subir des revers qui peuvent entraîner des changements dans sa marche vers Mars, voire sa perte.

Chacune des sondes peut subir une « perforation » sous la forme d'une défaillance du système de communication, de dysfonctionnements des panneaux solaires qui fournissent l'énergie aux équipements à bord, de défaillances des suiveurs stellaires qui indiquent leur position relative dans l'espace ou d'un dysfonctionnement de leurs moteurs respectifs lorsqu'ils reçoivent l'ordre du sol de s'allumer ou de s'éteindre.   

D'autre part, si les trois sondes martiennes atteignent leurs objectifs, les Émirats seront le premier pays arabe à se rendre sur une autre planète, la Chine deviendra la troisième nation à placer un orbiteur et à poser un véhicule sur Mars, et les États-Unis réitéreront leur maîtrise et leurs grandes capacités à positionner à nouveau leur technologie de pointe sur la planète rouge.