Le destin de Wagner et de son leader

Quelques jours après le soulèvement des mercenaires de Wagner, le Kremlin a décrété la dissolution virtuelle de l'organisation en tant que force indépendante, obligeant ses membres à signer un contrat avec le ministère russe de la défense ou à déposer les armes. En outre, il a annoncé le transfert de l'équipement militaire lourd détenu par Wagner aux forces armées russes. Quant au sort de Prigozhin, bien que quelques heures après avoir stoppé sa progression vers Moscou, il ait été annoncé - suite à un accord avec le Kremlin - qu'il s'était réfugié au Belarus, le président bélarusse Lukashenko a nié sa présence dans le pays et il n'y a pas de preuve claire de l'endroit où il se trouve.
D'autre part, de nombreuses sources russes suggèrent que Moscou a l'intention de prendre le contrôle des différentes entités qui composent l'empire commercial du leader Wagner, qui, outre ses mercenaires, comprend des sociétés de médias, de logistique, de restauration et d'exploitation minière. Dans ce contexte, la paralysie du groupe médiatique nationaliste Patriot Media, propriété de l'oligarque russe, est particulièrement remarquable. Pour l'heure, le président Poutine a assuré qu'une enquête approfondie serait menée sur les finances de Wagner, compte tenu des soupçons de détournement de fonds publics qui pèsent sur lui. Ainsi, pour la première fois, le Kremlin admet officiellement le financement par l'État de l'emporium de Prigozhin.
Et en Afrique ?
En Afrique, Moscou a toujours cherché à se dissocier du groupe Wagner, tout en défendant le droit des gouvernements africains à faire appel à ses services, comme au Mali, en RCA ou au Soudan. Après la mutinerie des mercenaires en Russie, le ministre russe des affaires étrangères, Lavrov, a assuré que les instructeurs militaires privés et les entrepreneurs resteraient en RCA et au Mali, et diverses autorités russes ont essayé de donner un sentiment de continuité concernant la présence de Wagner en Afrique. Cependant, de nombreux signes semblent déjà annoncer des changements dans sa structure et son organisation en dehors de la Russie : des arrestations présumées de hauts responsables militaires en Syrie aux transports aériens constants depuis la fin juin en RCA, bien que les autorités centrafricaines répètent qu'il s'agit de procédures standard associées à ses opérations quotidiennes.
D'autres experts soulignent la faible probabilité d'un retrait précipité de Wagner du continent africain, notamment en raison des profits considérables qu'il apporte au Kremlin. Toutefois, de nombreux sujets de préoccupation jettent le doute sur la poursuite des activités de l'organisation, du moins telles qu'elles se sont déroulées, en Afrique, le plus important étant son financement. Contrairement aux mercenaires déployés en Ukraine, la plupart des troupes présentes sur le sol africain sont de haut rang, ont des motivations économiques et commerciales et sont payées directement par le conglomérat d'entreprises de Prigozhin. Compte tenu de son démantèlement présumé, il semble peu probable que le Kremlin soit en mesure de s'acquitter de ces frais élevés.
Deuxièmement, Prigozhin jouit d'un pouvoir et d'un prestige considérables parmi les membres du groupe, notamment parce qu'il a dirigé de près l'invasion russe de l'Ukraine et qu'il a sévèrement critiqué les dirigeants russes pour avoir abandonné leurs mercenaires. Moscou est désormais confrontée à la tâche difficile de démanteler une organisation extrêmement personnalisée sans affecter ses opérations et ses objectifs sur le continent africain.
Dans ce contexte, plusieurs options se présentent quant à l'avenir de Wagner. Tout d'abord, la restructuration du groupe par le biais de filiales nationales dotées de structures hiérarchiques indépendantes, dans le but de limiter la concentration du pouvoir sur une seule personne. Une autre alternative serait de changer le nom et la structure de l'organisation paramilitaire afin de la dissocier du conglomérat d'affaires de Prigozhin et peut-être de la lier directement au Kremlin. Dans ce cas, le gouvernement russe devrait faire face aux accusations constantes de violations des droits de l'homme dont Wagner a été accusé, ainsi qu'à la nécessaire responsabilité internationale, qu'il a jusqu'à présent évitée en raison de l'absence de liens de jure avec Wagner. Enfin, la possibilité de remplacer cette milice mercenaire par d'autres sociétés de sécurité privées présentes en Afrique semble également être sur la table, ou de diversifier la sous-traitance - par le biais de nouveaux acteurs - des activités que le groupe a menées jusqu'à présent.
Quoi qu'il en soit, depuis l'Occident, la dérive du groupe Wagner en Afrique suscite de vives inquiétudes. Les conséquences directes du départ de ces mercenaires dans des régions aussi critiques que le Sahel sont donc analysées, alors que la présence occidentale dans cette zone est au plus bas avec le départ des forces françaises du Mali, la décision de l'ONU de mettre fin à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et la récente annulation par l'armée nigérienne en révolte des accords de coopération en matière de défense et de sécurité avec la France. Toutefois, l'incertitude causée par l'échec de la rébellion de Wagner, les problèmes organisationnels du Kremlin et l'affaiblissement et le manque de contrôle possibles de Poutine sur ces organisations devraient ouvrir une fenêtre d'opportunité sur le sol africain pour les puissances occidentales, permettant aux gouvernements et aux peuples africains de décider des alliés internationaux les plus appropriés pour construire un avenir prospère, inclusif et sûr.
Alba Vega et Anastasia Herranz/Article30