Le président nigérian, détenu après le coup d'État, affirme que le soulèvement pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour le pays, la région et le monde entier

Bazoum met en garde contre l'influence russe au Sahel par l'intermédiaire de Wagner

PHOTO/@PresidenceNiger - El presidente de Níger, Mohamed Bazoum
PHOTO/@PresidenceNiger - Le président élu du Niger, Mohamed Bazoum

Plus d'une semaine après le coup d'État au Niger, la crise s'aggrave dans le pays et dans la région. La pression régionale et internationale monte contre la junte militaire dirigée par le général Abdourahmane Tchiani, tandis que des centaines de personnes sont à nouveau descendues dans la rue pour exprimer leur soutien aux putschistes et leur rejet de l'Occident, en particulier de la France.

Comme c'est souvent le cas lors des manifestations précédentes, les manifestants pro-junte portaient des banderoles exprimant leur haine de la France et leur soutien à la Russie. Toutefois, comme le rapporte la BBC, les organisateurs de la manifestation ont cette fois-ci demandé aux gens de ne pas brandir de drapeaux russes comme ils l'avaient fait auparavant, de sorte qu'il y en a eu beaucoup moins que lors des autres manifestations. 

Varios simpatizantes ondean banderas rusas y una pancarta con un lema contra Francia mientras se manifiestan en apoyo de la junta nigerina en Niamey el 30 de julio de 2023
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PHOTO/AFP - Plusieurs manifestants agitent des drapeaux russes et une banderole avec un slogan anti-France

Le fort sentiment anti-français d'une partie de la société nigériane - de nombreuses personnes ne soutenant pas le coup d'État - et des dirigeants du coup d'État a conduit à la suspension de médias français tels que la station de radio RFI et la chaîne de télévision France24, comme l'a condamné le ministère français des affaires étrangères, qui a qualifié cette décision de "répression autoritaire".  

Au niveau régional et international, la condamnation du coup d'État se poursuit. Suite à la menace de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) de destituer par la force les nouveaux dirigeants militaires si le pouvoir n'est pas rendu à Mohamed Bazoum, le président élu du pays, les États-Unis ont exprimé leur soutien à l'organisation africaine et le Sénégal a proposé des troupes pour l'aider. "Ces coups d'État doivent cesser", a déclaré le ministre sénégalais des affaires étrangères, Aissata Tall Sall, selon l'agence AP.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré que les efforts de la CEDEAO pour rétablir le président Bazoum, aujourd'hui en état d'arrestation, étaient "importants, solides et bénéficiaient de notre soutien". Toutefois, selon l'agence de presse, le chef de la diplomatie américaine n'a pas fait spécifiquement référence à la menace d'une action militaire de la part de la CEDEAO, qui a fixé à dimanche la date limite pour le rétablissement de Bazoum dans ses fonctions de président

ORTN - Télé Sahel / AFP - Abdourahamane Tchiani
ORTN - Télé Sahel / AFP - Abdourahamane Tchiani, chef de la junte militaire du Niger

Entre-temps, le président élu - proche de l'Occident - a écrit un article dans le Washington Post soulignant la gravité de la situation et mettant en garde contre l'influence de la Russie au Sahel, une région qui a connu plusieurs coups d'État soutenus par le Wagner dans le passé.

"J'écris ceci en tant qu'otage", commence Bazoum, et dans le premier paragraphe, il lance un avertissement inquiétant : si le coup d'État réussit, "il aura des conséquences dévastatrices pour le pays, la région et le monde entier".

Le président rappelle que son gouvernement est arrivé au pouvoir à la suite d'élections démocratiques et est reconnaissant du soutien apporté par les Etats-Unis, l'Europe et la CEDEAO, partenaires avec lesquels Bazoum a établi des alliances solides.

Le dirigeant nigérian démonte l'argument sur lequel les putschistes s'appuient pour justifier le soulèvement militaire. Selon les nouvelles autorités, le coup d'État était nécessaire pour protéger la sécurité du Niger. Cependant, M. Bazoum souligne que pendant son mandat, la situation sécuritaire du pays s'est "améliorée de façon spectaculaire", en partie grâce au soutien et aux alliances de l'étranger. "L'aide étrangère représente 40 % de notre budget national, mais elle ne sera pas versée si le coup d'État réussit", écrit-il.

En ce qui concerne la sécurité nationale, M. Bazoum note que dans le sud du pays, où le groupe terroriste Boko Haram représente une menace, il n'y a pratiquement pas eu d'attaques depuis deux ans et les réfugiés retournent dans leurs villages. "En témoignage de cette réalité, nos partenaires, y compris l'Agence américaine pour le développement international, déplacent leurs opérations de l'aide humanitaire vers des initiatives de développement, telles que la production d'énergie durable, l'amélioration de la productivité agricole et l'éducation de la prochaine génération de dirigeants nigériens", explique-t-il.

Comme dans le sud, Bazoum affirme que le nord et l'ouest du pays n'ont pas connu d'attaques majeures depuis son entrée en fonction en 2021. En fait, il compare la situation avec celle de ses voisins, soulignant que la situation au Niger est bien meilleure qu'au Mali et au Burkina Faso, dont les juntes militaires soutiennent le coup d'État au Niger et entretiennent des liens avec les mercenaires de Wagner. 

En ce sens, Bazoum note que son pays se positionne "comme le dernier bastion du respect des droits de l'homme au milieu de l'autoritarisme". "Avec une invitation ouverte des putschistes et de leurs alliés régionaux, toute la région du Sahel central pourrait tomber sous l'influence russe à travers le groupe Wagner, dont le terrorisme brutal s'est manifesté en Ukraine", prévient Bazoum, qui mentionne également que Boko Haram et d'autres groupes terroristes pourraient tirer profit de l'instabilité actuelle du Niger.

Le président nigérien conclut son article en soulignant que de nombreux jeunes subiront "un endoctrinement anti-occidental haineux contre les partenaires mêmes qui aident à construire un avenir plus prometteur". Il appelle également la communauté internationale à aider le Niger à rétablir l'ordre constitutionnel. "Le peuple nigérien n'oubliera jamais votre soutien à ce moment crucial de notre histoire", conclut-il.