Golfe : les querelles de monarques

Mohamed bin Salman

C’est une guerre froide où tous les coups - ou presque- sont permis. Depuis 2017, ce que l’on a appelé la crise du Golfe n’a cessé de s’accentuer et de livrer en plusieurs épisodes, tels des telenovelas, ses rebondissements faits de boycott économiques et de pressions diplomatiques. 

Depuis trois ans, des peuples entiers sont pris en otage. Les alliés de Ben Salmane avaient chassé les Qataris de leurs pays. D’autres, ont perdu leur travail ou ont dû quitter leurs maisons, rapatriés dans leurs pays d’origine et expulsés de celui qui les accueillaient.  

Deux clans s’affrontent, guidés par les monarchies pétrolières aux commandes. D’un côté le Qatar et la Turquie, de l’autre l’Arabie Saoudite et ses alliés : Emirats Arabes unis, Bahreïn et l'Egypte d’al-Sissi qui considère Doha comme son plus grand ennemi ayant été par le passé le soutien des Frères Musulmans et du président renversé, Mohamed Morsi. 

Riyad qui accuse le Qatar de soutenir le terrorisme a coupé tout lien diplomatique avec son richissime voisin. Mais en réalité, l’Iran est la pomme de discorde et le péché dont s’est rendu coupable le Qatar.

Les liens qu’entretient Doha avec Téhéran sont systématiquement condamnés et dénoncés. Une alliance entre la monarchie sunnite et la république chiite est considérée contre-nature.  

Pourtant le Qatar et l’Iran ont tout intérêt à garder des relations de bon voisinage, dictées par des intérêts communs. Les gisements offshores de gaz naturel que se partagent les deux pays et qui constituent une manne financière des plus importantes priment sur les divergences religieuses qui divisent le monde musulman depuis plusieurs siècles. 

La monarchie sunnite a su s’accommoder de son voisin chiite pour le bien commun qui se chiffre en plusieurs millions de dollars. Ce qui déplait fortement à l’Arabie Saoudite qui accuse Doha de financer des groupes islamistes radicaux iraniens, des allégations que le Qatar n’a cessé de rejeter. 

Doha a été isolée par un triple blocus : maritime, terrestre et aérien. Mais les prodromes de la guerre étaient déjà là et remontent aux printemps arabes où la petite et puissante monarchie du Golfe a eu son rôle à jouer notamment à travers sa chaîne, Al Jazeera qui a soutenu les Frères Musulmans en Egypte et qui n’a cessé de s’attaquer au régime saoudien. 

Erdogan a volé au secours du Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani et Ankara a renforcé sa base militaire sur le sol qatari en appui à son ami et continue de coopérer avec le Qatar dans le cadre du « Haut Comité stratégique Turquie-Qatar ». 

Erdogan a toujours accusé les Emiratis d’avoir financé la tentative de Putsch dont il a fait les frais en 2016 et l’assassinat du journaliste Khashoggi à l’ambassade d’Arabie Saoudite d’Ankara n’a fait qu’exacerber les tensions entre les deux blocs qui s’affrontent. 

Ces querelles de monarques agacent Washington et surtout l’administration Trump, fidèle amie du camp saoudien. 

Mais la petite monarchie du Qatar pèse également lourd dans la politique de l’oncle Sam. La base américaine la plus importante dans le Golfe se trouve à Al-Udeid chez les Qataris où quelque 10 000 soldats américains stationnent. 

Les Etats-Unis ont tout intérêt à rallier ses troupes dans le Moyen-Orient et le conflit qui n’a que trop duré enlise plusieurs pays dans le marasme économique et touche aux intérêts de Washington. 

Dans cet imbroglio, Oman et le Koweït jouent un rôle de modérateurs et d’intermédiaires depuis le début de la crise. Les émissaires des deux pays n’ont cessé de tempérer le zèle des uns et les humeurs belliqueuses des autres. 

La nouvelle tentative de réconciliation en cours, sera-t-elle la bonne ? 

Il y a une semaine, le ministre des affaires étrangères du Koweit cheikh Ahmed Nasser Al Mohamed Al Sabbah, s’est voulu optimiste : « des discussions fructueuses ont eu lieu où tous les partis ont affirmé leur attachement à la solidarité et à la stabilité du Golfe et des pays arabes, et à la conclusion d’un accord final qui réalise la solidarité permanente aspirée entre leurs pays ». 

L’empreinte américaine est bien évidemment derrière cette déclaration. D’ailleurs, Donald Trump s’en est félicité et Mike Pompeo, son secrétaire d'État s’est empressé de déclarer que les Etats-Unis souhaitent que « les différents entre les Saoudiens et les Qataris pourront être résolu (...) Nous continuons à faire ce que nous pouvons pour faciliter la conversation et le dialogue et nous sommes impatients de le faire », a-t-il insisté. 

Cette rhétorique diplomatique pourrait-elle apporter la paix tant attendue ? Les jours qui viennent nous le diront même si les rivalités entre les monarques du Golfe persistent tant les dissensions et les fractions restent profondes.