Le gaz méditerranéen, un dividende ou un défi ?

Mediterranean Gas

Les événements récents en Méditerranée orientale, à propos du conflit gazier, ont créé de dangereuses perspectives pour les relations entre les voisins de la région.

La découverte des derniers gisements de gaz accroît les troubles régionaux, provoquant des réactions diverses : les tensions entre la Turquie, la Grèce et Chypre, entre le Liban et Israël, l'absence de loi délimitant les frontières maritimes entre le Liban, Israël et Chypre, ou encore la guerre en Syrie et l'appétit d'autres acteurs extérieurs comme la Russie, la Chine et le Qatar, provoquent une situation volatile et très compliquée. 

Ces découvertes ont suscité de nouvelles attentes sur le marché mondial de l'énergie ; elles posent de nouveaux défis aux gouvernements et aux acteurs internationaux, et lancent la course à l'exploitation des richesses découvertes. En outre, elles ont des implications économiques régionales, car la Méditerranée orientale pourrait probablement devenir l'une des principales zones mondiales d'approvisionnement en gaz. Les ressources de la région sont estimées à 122 trillions de pieds cubes de gaz, plus 1,7 million de mètres cubes de pétrole au large des côtes de la Syrie, du Liban, de Chypre, d'Israël, de l'Égypte et de la Palestine.

Les États-Unis et la Russie, les plus grands producteurs de gaz naturel du monde, sont prêts à jouer un rôle de courtier et à tirer profit des crises à venir. Tout cela signifie que les puissances européennes, bien qu'elles soient les principales bénéficiaires de cette richesse, pourraient être laissées pour compte.

La région méditerranéenne ne manque pas de conflits ni de défis stratégiques pour les années à venir, et de nombreux facteurs se conjuguent pour déclencher une éventuelle crise. Par exemple, les projets d'expansion de la Turquie en Méditerranée, un conflit qui a failli déclencher une guerre entre la Turquie et la Grèce il y a quelques semaines et qui a été évité grâce aux efforts et à la pression exercée par la chancelière Angela Merkel. Dans le même temps, la tension règne sur le front libyen, avec le risque d'un conflit égypto-turc. En tout cas, l'Europe est impliquée dans les luttes de pouvoir et d'énergie en Méditerranée.

A l'heure de l'éclipse européenne dans le scénario des relations internationales, la France, l'Italie et l'Espagne tentent de maintenir une présence européenne active en Méditerranée car elle constitue, avec l'Asie occidentale et l'Afrique du Nord, un prolongement de la sécurité économique et stratégique européenne. L'Europe commettrait donc une grave erreur si la sécurité de la Méditerranée orientale était laissée à d'autres parties.

La sécurité énergétique est une préoccupation majeure. L'UE devrait disposer d'alternatives pour diversifier ses sources d'approvisionnement, ainsi que ses risques politiques et économiques, et limiter sa dépendance vis-à-vis du gaz russe, qui représente 38 % de ses importations. La crise en Ukraine et la possibilité d'une interruption de l'approvisionnement en gaz de l'Europe montrent la nécessité de trouver des solutions, et les récentes découvertes majeures en Méditerranée orientale donnent à l'UE l'option qu'elle recherche à juste titre. 

Les quantités globales peuvent justifier un nouvel oléoduc entre la Méditerranée orientale et l'Italie et le reste de l'Europe. Depuis le sud de la Méditerranée, il existe déjà des gazoducs qui transportent le gaz d'Algérie vers l'UE, où sont dirigés 70 % de la production du pays du Maghreb. L'Algérie est le troisième exportateur mondial de gaz avec une capacité de production de 80 milliards de pieds cubes de GNL. Mais il serait nécessaire de compléter l'oléoduc MIDCAT à travers les Pyrénées catalanes, dont la capacité est précisément de 8 milliards. L'Espagne deviendrait ainsi une « plaque tournante » ou un pays de transit, ce qui lui procurerait d'importants revenus et avantages économiques.

L'un des avantages de l'exploitation du gaz méditerranéen est non seulement la grande opportunité de développement et de croissance pour les nouveaux pays producteurs, mais aussi pour l'UE qui, d'ici 2030, devra importer quelque 113 milliards de mètres cubes par an.

Jusqu'en 2035, la demande de gaz naturel devrait augmenter en moyenne de 1,9 % par an, soit plus que toutes les autres sources d'énergie. La consommation mondiale d'énergie devrait également augmenter de 41 % d'ici 2035.

Les risques internes et géopolitiques sont les principales causes de tout cela. Certains pays devront unir leurs forces s'ils veulent exploiter leurs ressources et trouver les meilleures solutions économiques et stratégiques pour optimiser leurs opérations. Ils devront garder à l'esprit que l'exploitation de ces énormes réserves de gaz et l'attraction d'immenses investissements étrangers ne seront pas possibles sans promouvoir un environnement pacifique et stable entre eux.

Cette crise COVID-19 nous rappelle l'importance du collectif, de la proximité, de l'interdépendance et la nécessité d'une vision partagée à long terme, indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires au développement de la coopération énergétique entre les deux rives de la Méditerranée et pour promouvoir la construction d'un marché de l'énergie dans la région. 

Plusieurs initiatives dans le domaine de la coopération énergétique euro-méditerranéenne n'ont pas donné de résultats significatifs. Les principaux acteurs publics et privés devraient donc multiplier leurs efforts pour changer cette tendance, car ils sont tous conscients de la dépendance énergétique mutuelle entre l'Europe et la Méditerranée.