Le nouveau projet régional du Maroc

Parliament of Morocco

Ce que l'on appelle le printemps arabe de 2011 a entraîné la fin de certains régimes politiques, comme ceux de la Tunisie et de l'Égypte, mais il a également signifié que de nombreuses nations musulmanes traditionnelles ont dû apporter des changements à leurs systèmes politiques, en raison des diverses manifestations et mouvements populaires qui ont eu lieu dans plusieurs pays du Maghreb et d'Afrique du Nord.

C'est le cas du Maroc et du "Mouvement du 20 février", au cours duquel des milliers de citoyens ont été appelés, via les réseaux sociaux et les téléphones portables, à manifester dans les principales villes du pays, comme Casablanca, Rabat et Tanger, entre autres, pour réclamer une série de changements et de réformes du système politique. Nombre de ces manifestations étaient fondées sur des conditions économiques, sociales et culturelles, y compris certaines demandes de la population berbère pour la reconnaissance constitutionnelle du statut officiel de leur culture et de leur langue.

Face à toutes ces demandes, le gouvernement marocain a réagi et a mis en place une commission chargée de rédiger un projet constitutionnel qui pourrait répondre à toutes ces demandes. Le 1er juillet 2011, par référendum, la nouvelle Constitution marocaine a été approuvée par une large majorité du peuple marocain, avec une participation d'environ 75 % du corps électoral total.

Un an plus tôt, en janvier 2010, par le biais d'un discours royal de Mohammed VI, le monarque a promu la "Régionalisation Avancée", qui a créé une commission consultative chargée d'établir un nouveau modèle de régionalisation pour le pays, avec pour principale condition qu'en aucun cas ce nouveau modèle régional ne remette en question ou n'attaque l'unité nationale.

Ce nouveau texte constitutionnel a été considéré comme le début d'une étape sans précédent dans l'histoire constitutionnelle et politique du Maroc, car il rompt avec les réformes précédentes sur certains points importants, tels que la création d'un modèle territorial décentralisé et la reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique du pays.

Il est important de souligner cet aspect, car le Maroc, en tant que nation souveraine et indépendante, n'a jamais fait de reconnaissance constitutionnelle ou d'allusion à une culture ou une langue autre que l'arabe.

Depuis 1956, date à laquelle le Royaume du Maroc a obtenu son indépendance et mis fin au protectorat français et espagnol qui existait depuis 1912, le royaume alaouite a toujours opté pour un modèle territorial unitaire et fortement centralisé, où il n'y a eu aucune décentralisation régionale ni reconnaissance politique d'une quelconque entité territoriale en dessous du pouvoir central.

La première constitution du Maroc en 1962 n'a pas établi de division régionale dans le pays, où la langue arabe et la religion musulmane étaient les principaux signes d'identité du pays. L'organisation territoriale du pays se limitait uniquement à la reconnaissance d'entités administratives telles que la commune, la préfecture ou la province, comme ce fut le cas lors des réformes constitutionnelles ultérieures de 1970 et 1972.

Malgré cette structure centralisée, une division territoriale du pays en sept régions a été approuvée en 1971, en prenant en compte des raisons économiques ou stratégiques, et non des questions liées à la diversité culturelle ou linguistique du pays. En aucun cas, cette division n'a entraîné un transfert de pouvoirs vers ces régions, ni la création d'un second pouvoir, parallèle au pouvoir central.

Les réformes constitutionnelles de 1992 et 1996 ont toutefois permis la reconnaissance de la région en tant que collectivité locale, ce qui constitue un pas clair vers le début d'une future décentralisation, qui ne finira pas par se cristalliser en un véritable modèle décentralisé, où il y aurait un transfert complet des compétences du pouvoir central vers les entités régionales.

Néanmoins, le pouvoir central marocain a continué à prendre des mesures en vue de l'établissement progressif d'un modèle régional, puisqu'il a approuvé en 1997 une division en 16 régions pour l'ensemble du pays, qui est restée en vigueur jusqu'en 2015, date à laquelle une nouvelle loi nationale a approuvé la réduction à 12 régions, qui sont celles qui composent actuellement le Royaume du Maroc.

Dans ces premiers pas du pouvoir central marocain vers l'établissement d'un modèle régional, il faut noter le projet d'autonomie de 2007 proposé pour le Sahara occidental. Dans cette proposition, le gouvernement marocain offre un plan d'autonomie pour ce territoire, dans lequel nous pourrions souligner le transfert d'une série de compétences propres, dans le but d'intégrer constitutionnellement ce territoire sous la souveraineté marocaine.

Parmi les caractéristiques les plus marquantes de ce projet d'autonomie, nous pouvons souligner le transfert de compétences telles que certaines relatives aux questions économiques, fiscales, juridictionnelles ou financières, où la possibilité de créer une force de police propre au territoire pourrait être ouverte.

Parallèlement à la possibilité pour ce territoire d'assumer des pouvoirs propres, le pouvoir central se réserverait des matières exclusives telles que celles liées à la souveraineté, à la représentation extérieure, à la défense ou aux pouvoirs constitutionnels attribués au monarque, en tant que plus haute autorité religieuse.

Nous serions donc confrontés à un possible modèle décentralisé asymétrique, où une fédération ou un État régional reconnaîtrait une série de singularités ou de particularités d'une région ou d'un territoire donné, afin de donner un équilibre à son modèle, et pourrait combiner la diversité sans devoir briser l'unité du pays. Une proposition de modèle bien connue dans le monde occidental, car elle aurait certains parallèles avec les modèles décentralisés asymétriques du Canada, de la Belgique, de l'Espagne et de l'Italie, entre autres exemples.

La Constitution de 2011 est un pas de plus vers la réalisation de la décentralisation territoriale, car elle réaffirme la volonté du Maroc d'établir un modèle régional pour le pays, puisque, pour la première fois dans son histoire constitutionnelle, une partie de la Constitution est consacrée exclusivement à la région, dans son titre IX, intitulé "Régions et autres collectivités territoriales". Par ailleurs, l'article 1.4 de la Constitution de 2011 proclame que "l'organisation du Royaume est décentralisée et fondée sur une régionalisation avancée", visant clairement une séparation des pouvoirs entre le pouvoir central et le pouvoir de chaque région.

L'autre aspect pertinent, par lequel nous pouvons détecter que le Maroc veut créer un nouveau modèle régional où la pluralité et la diversité sont reconnues, peut être vu dans son Préambule, lorsqu'il proclame que l'unité du Royaume du Maroc serait "forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamiques, amazighes et saharo-hassaniques", en plus d'être nourrie et enrichie par "ses affluents africains, andalous, hébraïques et méditerranéens". Avec cette définition, le législateur ne parle pas d'une identité et d'une culture arabo-islamique unique, mais cite d'autres cultures présentes sur le territoire marocain, où l'on peut valoriser deux éléments très importants comme l'amazighité et le sahara-hassani.

Avec cet élément, l'article 5 de la Constitution marocaine de 2011, à son tour, nous dit que la langue berbère ou amazigh est également une langue officielle du Maroc, rompant ainsi avec la tradition de la seule reconnaissance de l'arabe comme langue officielle du Maroc.

C'est pourquoi nous pourrions affirmer que depuis 2011, avec l'approbation de la nouvelle Constitution, le Maroc s'est engagé dans une voie où il aspire à régionaliser son territoire, en créant un niveau de pouvoir régional qui inclurait le territoire du Sahara comme une partie souveraine du Royaume du Maroc, avec ses propres pouvoirs en tant que région, dans un éventuel modèle asymétrique.

Ces dernières années, alors que certains pays comme les États-Unis, la France, l'Allemagne et le gouvernement de Pedro Sánchez en Espagne auraient donné une légitimité à la proposition d'autonomie de 2007, nous nous trouvons face à la réouverture d'une question sur l'avenir politique de ce territoire, restée sans réponse pendant plus de quatre décennies.