La République dominicaine ferme ses frontières avec Haïti

PHOTO/PIXABAY
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Presque quatre-vingt-dix ans après le massacre ordonné par le dictateur Rafael Leónidas Trujillo contre les ouvriers haïtiens travaillant dans les plantations américaines en République dominicaine, les conflits entre les deux pays voisins, qui après la réconciliation temporaire avec le dictateur également voisin "Papa Doc" ont alterné les relations amicales et les confrontations, s'intensifient à nouveau ces jours-ci avec la fermeture des frontières navales, aériennes et terrestres, annoncée depuis Saint-Domingue par le président Luis Abinader. 

La tension vient de ce dernier point en raison de l'émigration clandestine croissante des Haïtiens qui fuient la pauvreté, l'incertitude et l'insécurité qui règnent dans leur pays, l'un des plus démunis du monde, tentés de partager les meilleures conditions de vie offertes par l'économie plus prospère dont on jouit derrière des frontières qui, malgré les mesures de sécurité qui les séparent, sont faciles à franchir à pied. 

Comme en 1937, lorsque le tyran Trujillo a décrété le meurtre de quelque 20 000 braceros haïtiens pour gagner la sympathie des travailleurs locaux qui se plaignaient du vol d'emplois provoqué par la concurrence des migrants du pays voisin, moins exigeants et moins bien payés, qui travaillaient dans les plantations, le problème se répète, quoique sans violence ni victimes. 

Le gouvernement dominicain multiplie les mesures pour empêcher leur entrée, qui se compte en milliers par jour, et, devant l'impossibilité de les arrêter, met en place un système de contrôle interne qui, bien sûr, ne va pas jusqu'à la sauvagerie dite "Perejil", commise sous les ordres de Trujillo, et le rapatriement vers les lieux d'origine. Tout comme à l'époque, elle répond à une demande des citoyens qui ne manquent pas non plus d'emplois.  L'année dernière, plus de 70 000 Haïtiens, dont des femmes et des enfants, ont été expulsés de l'autre côté de la frontière.  

De nombreux leaders d'opinion locaux soupçonnent le président Abinader d'essayer de séduire les électeurs cette fois-ci, en vue de sa réélection l'année prochaine. Mais la menace de l'émigration n'est pas la seule raison de la fermeture des frontières. Il y a aussi la peur inspirée par les bandes criminelles qui contrôlent Haïti depuis l'assassinat du président Jovenel Moise il y a deux ans, période pendant laquelle le gouvernement est à la dérive. 

À cela s'ajoute une autre raison de s'opposer aux travaux réalisés par les Haïtiens pour construire un canal à partir de la rivière frontalière Massacre, nom qui rappelle le massacre de 1937, afin d'irriguer 30 000 hectares de terres, ce qui contribuerait à améliorer la production agricole et, par conséquent, à réduire les pénuries alimentaires. Le gouvernement dominicain considère qu'un tel canal volerait l'eau que les deux pays partagent.