Ils savent qu'ils perdent

Nous devons nous rappeler, une fois de plus et insister autant que nécessaire, que nous savons comment une guerre commence, mais que nous pouvons difficilement savoir quand et comment elle se termine. De nombreux exemples montrent que la supériorité militaire permet des débuts victorieux, la défaite apparente de l'adversaire et le contrôle du territoire à conquérir ou à soumettre. Cependant, le grand défi consiste toujours à maintenir l'occupation pendant une longue période et à faire en sorte que le peuple envahi assume un avenir sans liberté et sans la capacité de prendre ses propres décisions.
Vladimir Poutine est conscient qu'une intervention militaire majeure en Ukraine pourrait conduire à sa fin politique car, à moyen et long terme, il sera impossible pour son régime de soutenir l'invasion en raison du coût politique et social des pertes constantes qu'il subira quotidiennement à Moscou et du coût économique du déploiement nécessaire des troupes et du soutien logistique pour assurer la viabilité de son agression. Bien entendu, tous les décideurs politiques ont reçu ces prévisions de leur état-major et savent ce qu'ils peuvent pousser et ce qu'ils peuvent prendre. Ils savent qu'ils perdent.
On peut supposer que les militaires russes auront osé soumettre tous les scénarios à leur chef et qu'ils n'auront retenu aucune des approches les plus réalistes et possibles de ce qui pourrait être la dure réalité. Il est certain que cette voie est semée de mort et de destruction pour le peuple ukrainien et que la tentation d'allumer d'autres étincelles dans d'autres parties du monde serait très dangereuse pour l'ouverture et l'extension du conflit et la multiplication des dommages à la stabilité internationale, pour la relance économique et l'emploi nécessaires pour surmonter la pandémie de coronavirus et pour répondre aux besoins les plus pressants de la scène internationale, qui exige une plus grande attention à la durabilité, à la lutte contre le changement climatique, à l'établissement d'orientations essentielles pour le développement des pays les moins favorisés et à la consolidation d'un accord de base fondé sur le dialogue et la négociation pour la sécurité de la population mondiale.
La diplomatie doit pouvoir trouver une sortie de crise qui sauve la face de chacun lorsqu'il s'agit de justifier toutes les attaques lancées devant sa propre opinion publique, mais qui puisse surtout servir à consolider les bases d'un nouvel ordre mondial satisfaisant pour tous. Ce ne sera pas facile, car l'enjeu est la primauté entre deux systèmes de gouvernement, les démocraties libérales et les régimes totalitaires soutenus par les populistes, les nationalistes et les indépendantistes. Les conflits armés doivent être évités, mais les principes et les valeurs fondamentales de l'Occident doivent être défendus.